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vieillards, qui touchez indifferemment de tout ce qui rappelle leurs premieres années, n'aiment peut-être dans Oedipe que le fouvenir de leur jeuneffe.

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Que diray-je de ce perfonnage qui a fait parler fi long-temps une envieufe criti& qui l'a fait taire; qu'on admire malgré foy, qui accablé par le grand nombre & par l'éminence de fes talens, Orateur, Hiftorien, Theologien, Philofophe d'une rare érudition, d'une plus rare éloquence, foit dans fes entretiens, foit dans fes écrits, foit dans la Chaire; un défenfeur de la Religion, une lumiere de l'Eglife, parlons d'avance le langage de la pofterité, un Pere de l'Eglife. Que n'eftil point! Nommez, Meffieurs, une vertu qui ne foit pas la fienne.

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Toûcheray-je auffi vôtre dernier choix fi digne de vous ? Quelles chofes vous furent dites dans la place où je me trouve ! je m'en fouviens, & après ce que vous avez entendu comment ofe-je parler, comment daignez-vous m'entendre ? avoüons-le, on fent la force & l'afcendant de ce rare efprit, foit qu'il prêche de genie & fans préparation, foit qu'il prononce un difcours étudié & oratoire, foit qu'il explique fes penfées dans la converfation toûjours maître de l'oreille & du cœur de ceux qui l'écoutent, il ne leur

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permet pas d'envier ny tant d'élevation ny tant de facilité, de délicateffe, de politeffe; on eft affez heureux de l'entendre, de fentir ce qu'il dit, & comme il le dit ; on doit être content de foy fi l'on emporte fes reflexions, & fi l'on en profite. Quelle grande acquifition avez-vous faite en cet homme illuftre à qui m'allociez

vous ?

Je voudrois, Meffieurs, moins preffé par le temps & par les bienfeances qui mettent des bornes à ce discours, pouvoir louer chacun de ceux qui compofent cette Academie, par des endroits encore plus marquez & par de plus vives expreffions. Toutes les fortes de talens que l'on voit répandus paymy les hommes, fe trou

vent partagez entre-vous: Veut-on de diferts Orateurs qui ayent femé dans la Chaire toutes les fleurs de l'Eloquence, qui avec une faine morale ayent employé tous les tours & toutes les fineffes de la langue, qui plaifent par un beau choix de paroles, qui faffent aimer les folemnitez, les Temples, qui y faffent courir, qu'on ne les cherche pas ailleurs, ils font parmi vous. Admire-t-on une vaste & profonde litterature qui aille fouiller dans les archives de l'antiquité, pour en retirer des chofes enfevelies dans l'oubli, échapées aux efprits les plus curieux, ignorées

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des autres hommes, une memoire, une methode, une précifion à ne pouvoir dans ces recherches s'égarer d'une feule année, quelquefois d'un feul jour fur tant de fiecles; cette doctrine admirable vous la poffedez, elle eft du moins en quelques-uns de ceux qui forment cette fçavante Affemblée.Si l'on eft curieux du don des langues joint au double talent de fçavoir avec exactitude les chofes anciennes, & de narrer celles qui font nouvelles, avec autant de fimplicité que de verité, des qualitez si rafi res ne vous manquent pas, & font réunies en un même fujet: fi l'on cherche des hommes habiles, pleins d'efprit & d'experience, qui par le privilege de leurs emplois faffent parler le Prince avec dignité & avec juftesse : d'autres qui placent heureusement & avec fuccès dans les negociations les plus délicates, les talens qu'il ont de bien parler & de bien écrire ; d'autres encore qui prêtent leurs foins & leur vigilance aux affaires publiques, après les avoir employez aux Judiciaires, toûjours avec une égale reputation; tous fe trouvent au au milieu de vous, & je souffre à ne les pas nommer.

Si vous aimez le fçavoir joint à l'éloquence, vous n'attendrez pas longtemps, refervez feulement toute vôtre attention pour celuy qui parlera

après

après moy; que vous manque-t-il enfin ? vous avez des Ecrivains habiles en l'une & en l'autre oraifon, des Poëtes en tout genre de poëfies, foit morales, foit chrétiennes, foit heroïques, foit galantes & enjoüées, des imitateurs des anciens, des critiques aufteres ; des efprits fins, délicats, fubtils, ingenieux, propres à briller dans les converfations & dans les cercles; encore une fois à quels hommes, à quels grands fujets m'affociez-vous ?

Mais avec qui daignez-vous aujourd'huy me recevoir, après qui vous fais-je ce public remercîment il ne doit pas neanmoins,cet homme fi loüable & fi modefte, apprehender que je le louë; fi proche de moy, il auroit autant de facilité que de difpofition à m'interrompre. Je vous demanderay plus volontiers à qui me faites-vous fucceder, à un homme QUI AVOIT DE LA VERTU?

Quelquefois, Meffieurs, il arrive que ceux qui vous doivent les louanges des illuftres morts dont ils rempliffent la place hefitent partagez entre plufieurs chofes qui méritent également qu'on les releve; vous aviez choisi en M. l'Abbé de la Chambre un homme fi pieux, fi tendre, fi charitable, fi louable par le cœur, qui avoit des mœurs fi fages & fi chrétiennes, qui étoit fi touché de religion, fi attaché à ses deTome I.

voirs, qu'une de fes moindres qualitez étoit de bien écrire; de folides vertus qu'on voudroit celebrer, font paffer legerement fur fon érudition ou fur fon éloquence; on eftime encore plus fa vie & fa conduite que fes ouvrages; je préfererois en effet de prononcer le difcours funebre de celuy à qui je fuccede, plutôt que de me borner à un fimple éloge de fon efprit. Le mérite en lay n'étoit pas une chofe acquife, mais un patrimoine, un bien hereditaire, fi du moins il en fant juger par le choix de celuy qui avoit livré fon cœur, fa confiance, toute fa perfonne à cette famille qui l'avoit rendue comme vôtre alliée, puis qu'on peut dire qu'il l'avoit adoptée & qu'il l'avoit mife avec l'Academie Françoife fous fa protection.

Je parle du Chancelier Seguier: on s'en fouvient comme de l'un des plus grands Magiftrats que la France ait nourris depuis fes commencemens : il a laiffé à douter en zuoy il excelloit davantage, ou dans les belles lettres, ou dans les affaires; il est vray du moins, & on en convient, qu'il furpaffoit en l'un & en l'autre tous ceux de fon temps: horame grave & familier, profond dans les cleliberations, quoyque doux & facile dans le commerce, il a eû naturellement ce que tant d'autres veulent avoir, & ne se donnent pas, ce qu'on n'a point

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