en avoir crû trouver les originaux, donnent au public de longues liftes, ou, comme ils les appellent, des clefs, fauffes clefs, & qui leur font auffi inutiles, qu'elles font injurieufes aux perfonnes dont les noms s'y voyent déchiffrez, & à l'Ecrivain qui en eft la caufe, quoy qu'innocente.

J'avois pris la précaution de protefter dans une Preface contre toutes ces interpretations, que quelque connoiffance que j'ay des hommes m'avoit fait prévoir, jufqu'à befiter quelque temps fi je devois rendre mon Livre public, & à balancer entre le defir d'être utile à ma patrie par mes écrits, & la crainte de fournir à quelques-uns de quoy exercer leur malignité; mais puifque j'ay en la foibleffe de publier ces Caracteres, quelle digue éleveray-je contre ce déluge d'explications qui inonde la ville, & qui bien-tôt va gagner la Cour? Diray-je férieufement, &protefteray-je avec d'horribles fermens que je ne fuis ny auteur ny complice de ces clefs qui courent, que je n'en ay que je n'en ay donné aucune, que mes plus familiers amis fçavent que je les leur ay toutes refufées; que les perfonnes les plus accréditées de la Cour ont defefperé d'avoir mon fecret ? N'est-ce pas la même chofe que fije me tourmentois beaucoup à foutenir que je ne fuis pas un mal-honnête homme, un horarne fans pudeur, fans,mœurs, fans confcience, télenfin que les Gazetiers,

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dont je viens de parler ont voulu me reprefenter dans leur libelle diffamatoire.

Mais d'ailleurs comment aurois-je don né ces fortes de clefs, fi je n'ay pû moymême les forger telles qu'elles font, & que je les ay vies? Etant prefque toutes différentes entr'elles, quel moyen de les faire fervir à une même entrée, je veux dire à l'intelligence de mes Remarques? Nommant des perfonnes de la Cour & de la Ville à qui je n'ay jamais parlé, que je ne connois point, peuvent-elles partir de moy, &être diftribuées de ma main? Aurois-je donné celles qui fe fabriquent à Romorentin à Mortaigne & à Belefme, dont les différentes applications font à la Baillive, à la femme de l'Affeffeur, an President de l'Election, au Prevôt de la Maréchauffée, &au Prevêt de la Collegiale? Les noms y font fort bien marquez; mais ils ne m'aident pas davantage à connoître les perfonnes. Qu'on me permette icy une vanité fur mon Ouvrage ; je fuis prefque difpofé à croire qu'il faut que mes peintures expriment bien l'homme en general, puifqu'elles reffemblent à tant de particuliers, & que chacun y croit voir ceux de fa Ville ou de fa Province: Jay peint à la verité d'après nature,mais je n'ay pas toujours fongé à peindre geluy-cy ou celle-là dans mon Livre des Mœurs; je ne me fuis point loué au public pour faire

des portraits qui ne fuffent que vrais & reffemblans, de peur que quelquefois ils ne fuffent pas croyables, & ne paruffent feints ou imaginez; me rendant plus difficile je fuis allé plus loin, j'ay pris un trait d'un côté & un trait d'un autre ; & de ces divers traits qui pouvoient convenir à une même perfonne, j'en ay fait des peintures vraySemblables, cherchant moins à réjouir les lecteurs par le caractere, ou comme le difent les mécontens, par la fatyre de quelqu'un qu'à leur propofer des défauts à éviter, & des modeles à fuivre.

Il me femble donc que je dois être moins blamé, que plaint de ceux qui par hazard verroient leurs noms écrits dans ces infolentes liftes que je defavonë & que je condamne autant qu'elles le meritent : J'ofe même attendre d'eux cette juftice, que fans s'arrêter aun Auteur Moral qui n'a eu nulle intention de les offenfer par fon Ouvrage, ils pafferont jufqu'aux Interpretes dont la noirceur eft inexcufabie. Je dis en effet ce que je dis, & nullement ce qu'on assure que j'ay voulu dire, & je réponds encore moins de ce qu'on me fait dire, & que je ne dis point; je nomme nettement les perfonnes que je veux nommer, toûjours dans la vie de loner leur vertu ou leur merite ; j'écris leurs noms en lettres capitales, afin qu'on les voys de loin, & que le lecteur ne coure pas rifque

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de les manquer: Si j'avois voulu mettre des noms veritables aux peintures moins obligeantes,je me ferois épargné le travail d'emprunter les noms de l'ancienne hiftoire, d'emploier des lettres initiales qui n'ont qu'une fignification vaine & incertaine, de trouver enfin mille tours & mille faux fuyans pour dépaifer ceux qui me lifent, & les dégoûter des applications. Voilà la conduite que jay tenue dans la compofition des Carac

teres.

Sur ce qui concerne la Harangue qui a parulongue & ennuyeufe au chef des mécontens, je ne fçay en effet pourquoyj'ay tenté de faire de ce remerciment à PAcademie Françoife un difcours oratoire qui eût quelque force quelque étenduë:de zelez Académiciens m'avoient déjà frayé ce chemin, mais ils fe font trouvez en petit nombre, & leur zele pour l'honneur & pour la réputation de l'Académie n'a eu que peu d'imitateurs ; je pouvois fuivre l'exemple de ceux qui postulant une place dans cette Compagnie fans avoir jamais rien écrit, quoyqu'ils fçachent écrire, annoncent dédaigneufement la veille de leur reception, qu'ils n'ont que deux mots à dire, &qu'un moment à parler, quoyque capables de parler beaucoup, & de parler bien.

J'ay penfé au contraire,qu'ainsi que nul artifan n'eft aggregé à aucune focieté, ny n'a es lettres de Maitrife fans faire fon chef

d'œuvre, de même & avec encore plus de bienfeance un homme afocié à un corps qui ne s'eft foûtenu, & ne peut jamais fe foûtenir que par l'éloquence, fe trouvoit engagé à faire eny entrant un effort en ce genre, qui le fift aux yeux de tous paroître digne du

choix dont il venoit de l'honorer: Il me

fembloit encore que puifque l'éloquence profane ne paroiffoit plus regner au Barreau, d'où elle a été bannie par la neceffité de l'expedition,& qu'elle ne devoit plus être admiJe dans la Chaire où elle n'à été que trop fouf-, ferte, le feul afyle qui pouvoit luy refter étoit l'Académie Françoife; & qu'il n'y avoit rien de plus naturel, ny qui pût rendre cette Compagnie plus celebre, que fi au fujet des receptions de nouveaux Académi ciens, elle fçavoit quelquefois attirer la Cour & la Ville à fes Affemblées par la curiofité d'y entendre des pieces d'Eloquence d'une jufte étendue, faites de main de maîtres, & dont la profeffion eft d'exceller dans la fcience de la parole.

Sije n'ay pas atteint mon but qui étoit de prononcer un difcours éloquent, il me paroît du moins que je me fuis difculpé de l'avoir fait trop long de quelques minutes: car fi d'ailleurs Paris à qui on l'avoit promis mauvais, fatyrique & infenfe, s'eft plaint qu'on luy avoit manqué de parole; fi Marly où la curiofité de l'entendre é vj