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avoir plus de plaifir qu'un autre à enten-dre, à voir & à manger; l'on impofe à fes femblables, & l'on fe-trompe foy

même.

La Cour n'eft jamais dénuée d'un certain nombre de gens en qui l'ufage: du monde, la politeffe ou la fortune tiennent lieu d'efprit, & fuppléent au mérite; ils fçavent entrer & fortir, ils fe tirent de la converfation en ne s'y mêlant point, ils plaifent à force de fe tai-re, & fe rendent importans par un filence long-tems foûtenu, ou tout au plus par quelques monofyllabes: ils payent de mines, d'une inflexion de voix, d'un gefte & d'un foûrire, ils n'ont pas, fi je l'ofe dire, deux pouces de profondeur; fi vous les enfoncez, vous rencontrez le tuff.

y a des

ve comme un

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gens à qui la faveur arriaccident; ils en font les premiers furpris & confternez: ils fe reconnoiffent enfin & fe trouvent dignes de leur étoile; & comme fi la ftupidité & la fortune étoient deux chofes incompatibles, ou qu'il fût impoffible d'être heureux & fot tout à la fois, ils fe croyent de l'efprit, ils hazardent dis-je, ils ont la confiance de parler en toute rencontre, & fur quelque matiere

, que

qui puiffe s'offrir, & fans nul difcernement des perfonnes qui les écoutent; ajoûteray-je qu'ils épouvantent, ou qu'ils donnent le dernier dégoût par leur fatuité & par leurs fadaifes; il eft vray du moins qu'ils deshonorent fans reffource ceux qui ont quelque part au hazard de leur élevation.

¶ Comment nommeray-je cette forte de gens qui ne font fins que pour les fots: je fçay du moins que les habiles les confondent avec ceux qu'ils fçavent tromper.

C'eft avoir fait un grand pas dans la fineffe, que de faire penfer de foy, que l'on n'eft que médiocrement fin.

La fineffe n'eft ni une trop bonne, ni une trop mauvaise qualité ; elle flotte entre le vice & la vertu : il n'y a point de rencontre où elle ne puiffe, & peut-être, où elle ne doive être fuppléée par la prudence.

La fineffe eft l'occafion prochaine de la fourberie; de l'un à l'autre le pas eft gliffant; le menfonge feul en fait la difference; fi on l'ajoûte à la fineffe, c'est fourberie.

Avec les gens qui par fineffe écou-tent tout & parlent peu, parlez encore moins; ou fi vous parlez beaucoup dires peu de chofe..

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Vous dépendez dans vne affaire qui eft jufte & importante, du confentement de deux perfonnes ; l'un vous dit, j'y donne les mains, pourvû qu'un tel y condefcende & ce tel y condefcend & ne defire plus que d'être afsûré des intentions de l'autre ; cependant rien n'avance, les mois, les années s'écoulent inutilement; je m'y perds, dites-vous, & je n'y comprens rien il ne s'agit que de faire qu'ils s'abouchent & qu'ils fe parlent; je vous dis moy que j'y vois clair, & que j'y comprens tout ils fe font parlez.

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Il me femble que qui follicite pour les autres a la confiance d'un homme qui demande juftice, & qu'en parlant ou en agiffant pour foy-même, on a l'embarras & la pudeur de celuy qui demande grace.

Si l'on ne se précautionne à la Cour contre les pieges que l'on y tend fans ceffe pour faire tomber dans le ridicule l'on eft étonné avec tout fon efprit de se trouver la duppe de plus fots que foy.

Il y a quelques rencontres dans la vie, où la verité & la fimplicité font le meilleur manége du monde.

¶Eftes-vous en faveur, tout manége eft bon, vous ne faites point de fautes, tous

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lės chemins vous menent au terme : autrement tout eft faute, rien n'eft utile, il n'y a point de fentier qui ne vous égare.

Un homme qui a vécu dans l'intrigue un certain temps,ne peut plus s'en paffer; toute autre vie pour luy eft languiffante.

Il faut avoir de l'efprit pour être: homme de cabale; l'on peut cependant en avoir à un certain point, que l'on eft au deffus de l'intrigue & de la cabale, & que Fon ne fçauroit s'y affujettir; l'on va alors à une grande fortune,ou à une haute reputa-tation par d'autres chemins.

JAvec un efprit fublime, une doctrine univerfelle, une probité à toutes épreuves, & un merite très-accommpli, n'apprehendez pas ô Ariftide,de tomber à la Cour, ou de perdre la faveur des Grands, pendant tout le temps qu'ils auront befom de

vous.

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Qu'un favori s'obferve de fort près; car s'il me fait moins attendre dans fon antichambre qu'à l'ordinaire, s'il a le vifage plus ouvert, s'il fronce moins le fourcil, s'il m'écoute plus volontiers, & s'il me reconduit un peu plus loin, je penferay qu'il commence à tomber, & je penferay vray.

L'homme a bien peu de reffources dans foy-même, puis qu'il luy faut une difgra-

ce ou une mortification, pour le rendre plus humain, plus traitable, moins feroce, plus honnête homme.

L'on contemple dans les Cours de certaines gens, & l'on voit bien à leurs difcours & à toute leur conduite, qu'ils ne fongent ny à leurs grands-peres, ny à leurs petits fils: le prefent eft pour eux; ils n'en jouiffent pas, ils en abusent.

le

¶ Straton eft né fous deux étoiles: malheureux, heureux dans le même degré : fa vie est un roman; non, il luy manque vray-femblable: il n'a point eu d'avantures; il a eu de beaux fonges, il en a eu de mauvais ; que dis-je, on ne réve point comme il a vécu: perfonne n'a tiré d'une deftinée plus qu'il a fait; l'extrême & le mediocre luy font connus ; il a brillé, il a fouffert, il a mené une vie commune ; rien ne luy eft échappé. Il s'eft fait valoir par des vertus qu'il afsûroit fort ferieusement qui étoient en luy: il a dit de foy, J'ay de l'efprit, j'ay du courage; & tous ont dit après luy, Il a de l'efprit, il a du courage. Il a exercé dans l'une & l'autre fortune le genie du Courtifan, qui a dit de luy plus de bien peut-être & plus de mal qu'il n'y en avoit. Le joly, l'aima ble, le rare, le merveilleux, l'heroïque

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