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viser ou les réunir; que c'étoit lui, et par lui la nation, qui nommoit aux évêchés, abbayes, etc. ; que c'étoit donc la nation et non le clergé, qui en étoit de droit le collateur universel, que dans la vacance de ces grands bénéfices, les revenus en étoient portés au trésor de la nation et non au trésor du clergé ; qu'une tradition sacrée qui remonte au berceau du christianisme, énonce que les biens possédés par le clergé, sont le patrimoine des pauvres; enfin que sous toutes les dynasties de nos rois, la nation dans les besoins publics, avoit toujours tourné ses regards sur les biens du clergé comme sur des fonds dont elle pouvoit légitimement disposer. On citoit à ce sujet l'exemple récent des biens des Jésuites, qui ont été dévolus à la nation et non au clergé, sans aucune réclamation de ce dernier, ni des cours de justice. Ainsi chaque fait, chaque loi, déposoit contre les prétentions du clergé, et sa longue jouissance ellemême présentoit dans toutes ses époques les caractères de l'usufruit et non ceux de la propriété.

Les défenseurs du clergé, terrassés par cette série de principes et de conséquences incon

testables, présentée avec la précision et la clarté de M. Thouret, l'éloquence de M. de Mirabeau et la logique pressante de MM. Garat le jeune, Barnave, Dupont et d'une foule d'autres orateurs, ne se battoient plus qu'en retraite, faisant naître des incidens pour éloigner la décision, portant à la présidence M. Camus, comme autrefois l'avocat du clergé, mais qui montra autant de sagesse que d'impartialité; répétant quelques raisonnemens usés, et argumentant de l'intérêt de la nation et de celui de la religion qu'ils sembloient ne pouvoir séparer de celui de leurs domaines. Ils allèrent même jusqu'à employer des moyens de séduction en proposant des sacrifices; mais ce nouveau systême de défense ne fut pas moins victorieusement renversé.

Comment douter en effet qu'une nation agricole ne dût tourner toutes ses vues vers l'accroissement des produits de son sol, la principale source de ses richesses? Comment douter qu'il ne fût du plus grand intérêt pour elle de donner à ses terres des propriétaires réels qui porteroient sur tous les points de sa surface ce zèle et cet attachement de la pro

priété que rien ne supplée, au lieu de laisser de vastes et nombreuses possessions à des propriétaires fictifs toujours remplacés par des usufruitiers ennemis naturels de la propriété, ou par des administrateurs qui s'y intéressent peu? Comment douter que dans un pays où la population est immense et la distribution des fortunes monstrueusement inégale, il ne fût de la plus haute importance de diviser les propriétés afin de diminuer le nombre des individus qui ne possédant rien, tiennent moins par cette raison à la chose publique, et sont si dangereux dans l'ordre social sous tous les rapports politiques et

moraux ?

Il faut une religion dans l'état, il faut que cette religion ait ses ministres sans doute. Mais falloit-il que ces ministres formassent dans l'état un corps particulier? Non; parce que des corps particuliers placés dans la société générale rompent l'anité de ses principes et l'équilibre de ses forces. Falloit-il que ce clergé fût propriétaire? Non; le clergé ne pouvant avoir de propriété collective sans former une corporation, l'intérêt public s'y oppose et même son intérêt particulier. Ses

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