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étonne guère de la part de l'intolérant chef de la religion réformée en France. Né en 1509 à Noyon Calvin fut obligé de se réfugier à Bâle, puis à Ferrare près de Renée de France, protectrice des opprimés, comme Marguerite de Navarre. Il se rendit ensuite à Genève, en fut chassé peu de temps après, y retourna en 1540 et y gouverna avec despotisme jusqu'en 1564, année de sa mort. Le fanatisme de Calvin est aussi blâmable que celui de ses adversaires, et nous ne pouvons lui pardonner la mort de Michel Servet, qu'il fit brûler à Genève. Il fut, dit-on, de bonne foi, mais nous ne saurions trop regretter l'esprit d'intolérance qui anime presque tous les théologiens du XVIe siècle.

Théodore de Bèze, au temps de Calvin, et Duplessis-Mornay, à la fin du xvre siècle, sont les plus habiles controversistes du côté des huguenots, et le cardinal Duperron et Saint François de Sales du côté des catholiques.

François de
Sales.

Nous venons de voir à Genève l'âpre et impérieux Calvin, dans la même ville, quarante ans plus tard, nous voyons le doux François de Sales. Saint Il naquit à Annecy en 1567, étudia d'abord le droit, puis se consacra à l'église. Il fit de nombreuses conversions, fut nommé évêque de Genève en 1602 et mourut en 1622, vénéré de tous. Saint François de Sales est non seulement un des plus nobles caractères que nous présente l'histoire, mais il mérite d'occuper un rang élevé dans la littérature. Ses deux livres principaux, l'" Introduction à la vie dévote," et le "Traité de l'amour de Dieu," sont écrits avec fermeté, mais aussi avec élégance, et la mansuétude de l'auteur est exprimée

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avec grâce et naturel. Les sermons de Saint François de Sales sont aussi admirables que ses livres de controverse. Saint François de Sales était contemporain de Henri IV et dut approuver l'Édit de Nantes, par lequel le grand roi de France, animé d'un esprit de tolérance extraordinaire pour son siècle, apaisa les querelles religieuses qui avaient déchiré si longtemps le royaume.

ÉCRIVAINS POLITIQUES ET HISTORIENS.

Sous François Ier et Henri II la monarchie est absolue, le pouvoir du roi est tel que le voulait Louis. XI, sous Charles IX les terribles guerres de religion affaiblissent l'autorité royale qui tombe dans le mépris sous Henri III, et ne se relève que grâce à l'énergie du Béarnais. Parmi les écrivains de talent au XVIe siècle le seul qui soit en faveur du pouvoir absolu du roi est Jean Bodin qui croit que, de même que le père est maître dans sa famille, le roi doit l'être dans l'État. Bodin tâche de raisonner en philosophe, mais il oublie que le père ne doit gouverner sa famille qu'avec justice et amour; le roi aussi Étienne doit être restreint dans son autorité par de la les grandes lois de l'humanité. Après Boétie. tout, qu'est-ce que le roi ? demande dans le "Traité de la Servitude Volontaire" Étienne de La Boétie, qu'aimait tant Montaigne. "Celuy qui vous maistrise tant, n'a que deux yeulx, n'a que deux mains, n'a qu'un corps, et n'a aultre chose que ce qu'a le moindre homme du grand nombre infiny de vos villes; sinon qu'il a plus que vous touts, c'est l'avantage que vous lui faictes pour vous destruire. D'où a il prins tant d'yeulx, d'où il vous espie, si vous

ne les lui donnez? comment a il tant de mains pour vous frapper, s'il ne les prend de vous? Les pieds dont il foule vos citez, d'où les a il, s'ils ne sont des vostres? Comment a il aucun pouvoir sur vous, que par vous aultres mesmes?" Que faut-il faire de ce

"Je ne veulx pas que vous le poulsiez, ny le bransliez; mais seulement ne le soubstenez plus; et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a derobbé la base, de son poids mesme fondre en bas et se rompre." Voilà des paroles bien hardies, écrites sous Henri II par un jeune homme de dix-huit aus!

François Hotman, en 1573, place aussi la nation, représentée par les États-Généraux, au-dessus du roi; le noble L'Hospital, le patriote La Noue réclament la justice pour tous, veulent que tous les Français ne pensent qu'à la France, et lorsque Henri III a été assassiné et que la France est dans l'anarchie, l'éloquent du Vair plaide la cause de la loi Salique et de Henri de Navarre contre la Ligue, les Seize et Philippe II. Le royaume était perdu si Henri n'était pas reconnu, il fallait cet esprit si fin, cette main si ferme pour ramener l'ordre et la prospérité, c'est ce que comprirent tous les hommes sensés, quelle que fût leur religion, c'est ce que comprirent surtout les auteurs de la "Satire Ménippée."

En 1594 six patriotes de talent, six bourgeois de Paris, publièrent la "Satire Ménippée," ainsi nommée, parce que, à l'imitation du phi- La "Satire losophe grec Ménippe, la prose est mêlée Ménippée." de vers dans leur œuvre. Les auteurs de la Ménippée sont Jacques Gillot, Pierre Le Roy, Jean Passerat, Florent Chrestien, Pierre Pithou et Gilles Durant.

Le

On dit que Le Roy conçut le plan de l'ouvrage et que ce fut chez Gillot que se réunissaient les six amis. Leur but était de tuer Mayenne et la Ligue par le ridicule et de faire voir aux Français ce que pourrait faire pour eux Henri de Bourbon. prologue, écrit par Pierre Le Roy, nous présente deux charlatans, un Espagnol et un Lorrain, qui vendent le fameux catholicon d'Espagne, drogue merveilleuse; puis viennent les Ligueurs, en procession. On nous décrit alors la salle des États, et nous allons assister, dans la seconde partie, aux délibérations des députés. Mayenne, le légat du pape, le cardinal de Pelevé, le député de la noblesse, le recteur de l'Université, prononcent des harangues bouffonnes, chacun ne pensant qu'à son propre intérêt, mais M. d'Aubray, député du tiers état, que fait parler Pithou, prononce une harangue sérieuse, vigoureuse et pleine de bon sens, où il passe en revue l'histoire de France, montre les maux qu'endura le royaume pendant les guerres des Bourguignons et des Armagnacs et pendant la Ligue du Bien Public, dévoile les projets égoïstes des Espagnols et de la Ligue et plaide la cause de Henri IV. N'oublions pas de mentionner aussi la charmante satire de Durand, "Regret Funèbre à Mademoiselle ma commère sur le Trépas de son Âne." La "Satire Ménippée" est un admirable pamphlet et une œuvre patriotique qui fit plus pour la cause du Béarnais que la bataille d'Ivry.

Nous pouvons étudier l'histoire du XVIe siècle dans les nombreux mémoires de l'époque. La Noue, le loyal huguenot au Bras-de-Fer, raconte ses campagnes avec impartialité, et Montluc, le catholique, parle avec franchise de sa vie

Mémoires.

militaire. Le récit de ses actes de barbarie comme gouverneur de Guyenne ne peut nous indigner, quand nous considérons que l'auteur croyait faire son devoir en faisant respecter par tous les moyens l'autorité du Henri IV a appelé les mémoires de Montluc la bible du soldat.

Agrippa d'Aubigné écrit aussi des mémoires et une histoire de son temps, et Brantôme, dont la vie aventureuse se passe dans tous les pays de l'Europe, raconte ce qu'il a vu. Il dit les choses telles qu'elles sont et ne s'indigne nullement de l'immoralité de ses héros. Ses "Vies des hommes illustres et des grands capitaines" sont intéressantes, et ses "Vies des dames illustres" et des "dames galantes" sont curieuses et donnent une triste idée des mœurs du temps.

Une des dames illustres du siècle de Brantôme écrit elle-même sa vie et tâche de s'exonérer des fautes qu'on lui attribue. Marguerite de Valois, femme de Henri IV, est savante, belle et bonne, mais la légèreté de sa conduite la fait répudier par son mari. Nous devons, cependant, savoir gré à la fille de Catherine d'avoir essayé de sauver quelques malheureux au massacre de la Saint-Barthélemy. Les belles actions de Henri IV sont racontées par Sully, qui aida le Béarnais à relever la France. Ses " Economies Royales" nous font connaître le caractère du grand ministre, loyal au roi, administrateur de génie, mais morose et dur envers ses contemporains qui admirent son génie mais ne l'aiment pas. En parlant de mémoires mentionnons les lettres et les harangues de Henri IV, où le roi parle avec tant de finesse parfois, mais aussi avec tant de bon sens et de fermeté. La principale histoire du XVIe siècle est celle de

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