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Temple de Cupido," nous rappellent Thibaut de Champagne et Charles d'Orléans. A son retour d'exil ses vers ont plus d'énergie, mais, néanmoins, il ne crée pas une nouvelle époque, et n'était la culture latine et grecque qu'on aperçoit en ses œuvres on le croirait à peine de la Renaissance. Outre ses ballades, ses rondeaux, ses épigrammes, ses cimetières, ses épîtres, dont celles au roi sont les plus célèbres, il écrivit l'éloge funèbre de Louise de Savoie, à l'imitation d'une églogue de Virgile, des poèmes appelés blasons, où il fait la description des beautés de sa belle, et des coq-à-l'âne satiriques. Marot est un poète élégant, gracieux, à la langue harmonieuse et correcte, mais quoiqu'il eût des disciples et fût roi de la poésie sous François Ier il n'exerça pas d'influence sur la renaissance poétique. Il est, cependant, un des poètes français les plus populaires, et si l'on excuse la licence trop fréquente de ses vers, défaut de son siècle, on reste longtemps sous le charme des douces. et spirituelles paroles du valet de chambre, nous pourrions dire de l'ami de Marguerite.

Marguerite de Navarre.

La sœur de François Ier est un des personnages les plus intéressants de l'histoire de France et nous paraît la fée protectrice des Valois. Elle est bonne, spirituelle, instruite, éclairée, et la première moitié du XVI® siècle garde, grâce à elle et à son influence sur son frère, un reflet de poésie, de loyauté et de bonheur qui va bientôt faire place aux trahisons, aux infamies, des Valois dirigés par Catherine de Médicis. Marguerite est une femme d'un grand cœur et elle devient l'épouse d'un duc d'Alençon qui s'enfuit à Pavie, et plus tard d'un Henri d'Albret

trop inepte pour l'apprécier. Elle cherche alors une consolation dans une affection profonde pour François et dans la culture des lettres. Elle penche vers la religion réformée et donne asile aux persécutés, elle s'entoure de poètes, elle-même écrit des mystères, des farces, des épîtres, des chansons, des complaintes, des poèmes mystiques, et donne à son recueil le titre charmant de "Marguerites de la Marguerite des Princesses."

On voit dans les poésies de la reine de Navarre le sentiment et la finesse; ne sont-ce pas ces deux qualités réunies au plus haut point qui composent le génie de Henri IV? Le petit-fils de Marguerite a hérité de son cœur et de son esprit et a sauvé la France perdue par la Médicis. C'est surtout dans ses contes que se voit l'esprit de Marguerite, dans cet Heptameron aux contes trop libres terminés par de subtiles discussions sur la morale et la galanterie.

Après le nom de Marguerite nous devons citer celui de Louise Labé, de Lyon, dite la belle cordière, qui fut aussi de l'école de Marot, quoiqu'elle écrivît sous Henri II.

Melin de

Le plus célèbre des disciples de Marot fut Melin de Saint-Gelais, dont la popularité fut très grande pendant tout le règne de François Ier. Saint- Poète de cour gracieux, élégant même, il introduit le sonnet de l'italien dans la littérature française. Il fut, cependant, complètement éclipsé par l'école de Ronsard, et ses gentilles poésies sont tombées dans l'oubli.

Gelais.

En février 1550 parut la "Défense et Illustration de la Langue Française" par Joachim du Bellay, manifeste de la nouvelle école, qui devait avoir sur la

littérature française une influence tout aussi grande que la célèbre préface du "Cromwell" Ronsard et de Victor Hugo en 1827. Il faut, dit Du la Pléiade Bellay, rendre le français aussi riche que (1550-1600). le grec et le latin, et réformer le rythme poétique, il faut écrire en français des ouvrages aussi nobles que ceux des langues anciennes, il faut dédaigner les poésies du moyen âge, les virelais, les chansons, les mystères, les moralités, il faut créer la tragédie, la comédie, l'épopée, l'ode et, "le Temps viendra (peut estre), et je l'espère moiennant la bonne destinée Françoise, que ce noble et puissant royaume obtiendra à son tour les resnes de la Monarchie, et que notre langue (si avecques François n'est du tout ensevelie la langue Françoise) qui commence encor' jetter ses racines, sortira de terre et s'eslevera en telle hauteur et grosseur, qu'elle se pourra esgaler aux mesmes Grecs et Romains, produisant comme eux des Homeres, Demosthenes, Virgiles et Cicerons, aussi bien que la France a quelquefois produit des Pericles, Nicias, Alcibiades, Themistocles, Cesars et Scipions."

L'Homère, le Virgile du XVIe siècle, fut Pierre de Ronsard. Il naquit à Vendôme en 1524 et entra à l'âge de dix ans au service du duc d'Orléans, fils de François Ier. Il suivit ensuite Jacques Stuart en Écosse, puis fut employé à plusieurs ambassades par le duc d'Orléans. Il fut atteint de surdité, et quittant le service des princes, il se consacra entièrement à l'étude. A l'âge de vingt-cinq ans, il reprit le chemin de l'école et, guidé par le savant Dorat au collège Coqueret, à Paris, il se mit à étudier avec ardeur le grec et le latin. Il avait pour condisciples

Jean-Antoine de Baïf et plusieurs autres jeunes gens à qui Dorat sut communiquer son enthousiasme pour les chefs-d'œuvre de l'antiquité. En 1551 parurent les premiers poèmes écrits d'après les préceptes du manifeste de Du Bellay, c'étaient les odes pindariques de Ronsard, qui firent entrer Melin de St. Gelais dans l'obscurité et oublier Marot. Il y a une certaine noblesse dans les premières œuvres de Ronsard, mais elles sont si chargées d'érudition qu'il faut un commentaire pour les comprendre. Bientôt, cependant, il quitta cette imitation servile des anciens, et en 1560, dans la première édition de ses œuvres, nous voyons des vers harmonieux, élégants et en même temps vigoureux. Sous Charles IX il fut poète de cour et dut écrire un grand nombre de vers sur commande, mais sous Henri III il se retira à la campagne, en Vendômois, et là, inspiré par la nature, il produisit encore de charmants poèmes, tels que les " Sonnets à Hélène" et d'autres vers ajoutés au Bocage Royal" et aux "Amours." Il donna en 1584, ce que nous pourrions appeler une édition expurgée de ses œuvres, et mourut en 1585.

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Ronsard eut pendant près de quarante ans une réputation extraordinaire en France et dans toute l'Europe et passait pour le prince des poètes français. Ses contemporains le considéraient un génie de premier ordre; il le croyait aussi et le dit trop souvent. De même, cependant, qu'il avait fait oublier Marot, Malherbe le fit oublier. Boileau parle de lui avec mépris, et pendant deux siècles, il fut presque tourné en ridicule. Il est vrai que Ronsard et ses amis sont parfois pédants et vains, mais ils étaient emportés par leur enthousiasme de réformateurs;

leurs ouvrages imitent de trop près les œuvres grecques et latines et leur vocabulaire est trop rempli de mots créés du grec et du latin, et leur style est parfois barbare. Ils ont, néanmoins, enrichi la langue française, ils ont assoupli le vers, ils ont eu des idées qui ont fructifié, dont Malherbe lui-même s'est servi, ils ont été les précurseurs du XVIIe siècle. Ronsard écrivit quatre chants d'un poème épique, "la Franciade," mais cette épopée n'eut aucun succès et n'en méritait point. Le moyen âge, tellement décrié par la Pléiade, avait produit deux ouvrages que ne peut égaler aucune œuvre du XVIe siècle, la "Chanson de Roland" et "l'Avocat Pathelin." Néanmoins, comme nous l'avons dit, le manifeste de Du Bellay est un événement d'une grande importance dans l'histoire littéraire et nous allons jeter un coup d'œil sur l'auteur de la "Défense et Illustration de la Langue Française" et sur les autres amis de Ronsard.

Joachim

Du Bellay.

Joachim Du Bellay naquit en 1525 et mourut en 1560. Auteur du manifeste de la nouvelle école il publia en 1549 des odes et un recueil de cinquante sonnets amoureux, l'"Olive." Ces premières poésies sont élégantes et correctes, mais sans inspiration. Il écrivit aussi le "Poète courtisan." Ce ne fut que quand l'ami de Ronsard eut accompagné à Rome le cardinal Du Bellay, son cousin, que l'inspiration poétique lui vint. Ses "Regrets," ses "Ruines de Rome," sont écrits avec autant de vigueur que les meilleurs poèmes de Ronsard, et sa chanson du "Vanneur de Blé" est réellement gracieuse.

A côté de Joachim Du Bellay il faut mentionner

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