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Comtesse. Nous applaudissons la remarque de Marceline: est-ce parce que nous sommes si sûrs de notre pouvoir? "Ah! dit-elle, quand l'intérêt personnel ne nous arme point les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé contre ce fier, ce terrible... mais pourtant un peu nigaud de sexe masculin."

Chérubin.

La plus jolie création de Beaumarchais, est, sans contredit, Chérubin, cet enfant dont le cœur s'ouvre à l'amour, et qui exprime avec tant de fraîcheur et de grâce les sentiments qu'ils ressent. "Enfin, dit-il à Suzanne, le besoin. de dire à quelqu'un je vous aime est devenu pour moi si puissant, que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues."

de Beau

Arrêtons ici nos citations, car il nous faudrait vous lire presque toute la pièce, si nous voulions vous rappeler les charmants passages. Nous ne Influence vous dirons rien du fameux monologue marchais sur de Figaro, vous savez tous comment les son siècle. paroles du barbier devenu concierge sont vraies, et quelle immense influence elles eurent sur la France.

Malgré le mérite du "Mariage de Figaro," nous préférons "le Barbier de Séville." Les personnages du "Barbier" sont plus naturels, et la gaieté y est plus franche. L'intrigue du "Mariage" est trop compliquée, elle rappelle certaines pièces espagnoles où l'on voit des amoureux grimper à tous les balcons de la belle, entrer dans tous les cabinets, se trouvant mille fois face à face, rencontrant le père rébarbatif,

le frère sanguinaire, et épousant l'un la cousine, l'autre, la sœur qui se mourait d'un amour inconnu.

Avec Beaumarchais, nous devrions, peut-être, finir cette esquisse de la comédie au XVIIIe siècle, mais nous tenons à vous nommer Collin d'Harleville, et à vous engager à faire d'Églantine.

la connaissance de "M. de Crac" et

Fabre

du "Vieux Célibataire." Il faut aussi mentionner Fabre d'Églantine qui eut l'audace de donner une suite au "Misanthrope." Son "Philinte de Molière "a toute l'énergie, toute la profondeur de "Turcaret." Mais avec Fabre, la comédie du XVIIIe siècle est finie. Le bruit sourd de la guillotine qui tombe en emportant la tête de l'auteur comique, ainsi que celles de Camille Desmoulins et de Danton, ce bruit a étouffé la voix des Valère, des Dorante, des Damis, des Figaro. Pendant longtemps on n'entendra plus que le grondement du canon, et la couronne de laurier que la France va cueillir n'ornera plus le front des Regnard, des Marivaux, des Le Sage, des Beaumarchais, elle deviendra une couronne impériale et ornera la tête d'un homme "grand comme le monde,” mais fatal comme le destin.

CINQUIÈME PARTIE

LE DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

DANS un abrégé de l'histoire générale de la littérature française on ne peut donner de détails sur les écrivains du XIXe siècle. Il faudrait consacrer tout un volume à ce siècle qui touche à sa fin et qui a produit tant de grandes œuvres. Nous nous contenterons de nommer les principaux écrivains et d'appeler l'attention sur les ouvrages les plus importants.

CHAPITRE I

LA LITTÉRATURE SOUS L'EMPIRE

EN terminant notre aperçu de la littérature du XVIIIe siècle nous avons mentionné le grand nom de Napoléon. Pendant quinze ans ce nom absorbe, pour ainsi dire, tous les autres, et l'ambition militaire, le despotisme de l'Empereur, amoindrit les esprits, enlève l'indépendance nécessaire à la production des œuvres de génie. On ne peut nier ce fait quand on

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voit que les plus grands écrivains sous l'Empire sont ceux qui font opposition à l'Empereur. Sous Louis XIV il n'y eut pas plus d'indépendance que sous Napoléon, mais comme nous l'avons déjà dit, le roi personnifiait la France, et le glorifier c'était du patriotisme. L'état de guerre continuel ne pouvait être favorable an développement littéraire. La tragédie languit sous la tradition classique, et Marie-Joseph Chénier, Népomucène Lemercier, Raynouard produisent de pâles imitations des chefs-d'œuvre de Corneille et de Racine. Ducis tâche d'introduire sur la scène française les pièces énergiques de Shakespeare, mais il ne les comprend pas bien lui-même et les dénature.

La

tragédie.

La comédie est plus intéressante que la tragédie, et les œuvres d'Andrieux, de Picard, d'Étienne sont amusantes et parfois spirituelles. La poésie est élégante, gracieuse même, mais La comédie et la poésie. comme celle du XVIIIe siècle, elle manque d'inspiration et on ne lit plus les vers de Fontanes, de Chênedollé, de Legouvé, et à peine ceux de Millevoye. Comme prosateurs nous avons Joubert (1754-1824), dont les "Pensées" et les "Maximes " sont profondes et exprimées dans un style ciselé; Joseph de Maistre (17541821), grand écrivain, rempli de préjugés et de passion, dont les ouvrages, "Considération sur la France," "le Pape," "les Soirées de Saint-Pétersbourg" sont parmi les plus célèbres de la littérature française. Il était né à Chambéri, mais ne voulut pas être Français, quoiqu'il admirât beaucoup ce pays sous le régime monarchique. Il était l'adversaire de la Révolution et le champion de l'église.

Joseph et
Xavier de
Maistre.

Peu d'hommes ont écrit avec plus de force que lui, tandis que son frère Xavier de Maistre (1763–1852) est célèbre par ses œuvres charmantes et simples, "Voyage autour de ma chambre," "le Lépreux de la cité d'Aoste," "les Prisonniers du Caucase," et "la Jeune Sibérienne."

Napoléon lui-même doit être placé parmi les grands écrivains. Ses "Proclamations" sont brûlantes et imagées, et ses "Mémoires," Napoléon. dictés à Sainte-Hélène, sont écrits avec une force et une concision remarquables. Quand il fait le récit de ses batailles on peut le comparer comme écrivain à César, mais il manque à ses œuvres cet accent de vérité qu'on admire dans les commentaires du grand capitaine des Romains.

Les deux noms les plus importants du commencement du XIXe siècle sont ceux de Mme de Staël et de Chateaubriand. Leurs ouvrages ont exercé une si grande influence que nous donnerons quelques détails sur la vie et les œuvres de ces deux écrivains célèbres. Nous nous étendrons principalement sur Mme de Staël, comme elle est, à l'exception de George Sand, la femme auteur la plus distinguée du XIXe siècle.

de Staël.

Après le règne désastreux de Louis XV il eût fallu, pour éviter un cataclysme, que le chef de l'État eût un génie aussi ferme que celui Madame de Henri IV. Tel ne fut pas le malheureux Louis XVI; honnête et bon il était peu capable et il ne devait montrer de la fermeté que devant la mort. Les finances étaient dans un état déplorable et il fallut que le roi appelât à son aide un riche banquier genevois, Necker, homme de cœur, financier habile, mais ministre peu fait pour

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