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trer tant de connaissances à Paris et d'avoir tant de dettes qu'on le force à payer. Il se rend enfin chez Isabelle, où il rencontre son frère. La pièce se termine par le mariage du chevalier et d'Isabelle, et de Ménechme et de sa vieille et riche minte.

coquette, Ara

En parlant de coquettes, voici ce qu'en dit Regnard dans "le Distrait," à propos d'un régiment de femmes:

"Et, si chaque famille armait une coquette,

Cette troupe, je crois, serait bientôt complète.”

Terminons notre revue de Regnard par quelques mots sur "les Folies Amoureuses." C'est l'histoire d'une jeune fille qui aime un charmant jeune homme, et qui se fait passer pour Amoureuses." folle pour ne pas épouser son tuteur.

"Les Folies

Elle fait mille extravagances, et comme on doit s'y attendre, elle trompe le bonhomme et épouse celui qu'elle aime.

Regnard mourut en 1710 à son château de Grillon, où il menait la vie la plus heureuse. Les comédiens étaient à ses pieds; bien différente fut la vie du grand Molière. Il jouait pour que ses compagnons ne manquassent pas de pain, et il tombait expirant sur cette scène où avaient parlé ses sublimes créations, Alceste et Tartuffe.

Les comé

Quand nous mentionnons le XVIIIe siècle, il semble que le nom de Voltaire se présente tout d'abord à notre esprit, mais malgré le génie de cet homme extraordinaire, son théâtre comique est inférieur à celui d'un grand nombre de ses contemporains. L'auteur de "Zaïre" et

dies de

Voltaire.

دو

de "Mérope" vient après Corneille et Racine, mais c'est à peine si nous osons parler de "Nanine après les pièces les moins importantes de Molière. Ce n'était pas l'esprit qui manquait à Voltaire, il en avait tout autant et même plus que Marivaux, mais là où celui-ci écrivait des œuvres charmantes, celui-là produisait des comédies mort-nées.

Rien ne nous intéresse plus que le gracieux et gentil marivaudage du "Jeu de l'Amour et du Hasard." On y rencontre le pensé, le fin, l'amour Marivaux. de la forme, qui caractérisent le siècle; les idées sont les mêmes dans toute la pièce, mais comme elles sont exprimées avec art, avec gentillesse. Ce sont des riens pesés dans des balances de toile d'araignée" a dit Voltaire, des riens si bien enveloppés dans de jolis rubans roses qu'ils reviennent à la signification première du mot et qu'ils veulent dire plus que les choses sérieuses de bien des écrivains.

Le siècle de Marivaux était un peu amoureux de quintessence, et les beaux esprits qui fréquentaient les salons de la duchesse du Maine, de Mme de Lambert, de Mme Du Deffand, de Mme Geoffrin étaient attirés par le faux brillant d'une conversation tant soit peu affectée et déclamatoire; mais, cependant, le mauvais goût des fausses précieuses du XVIIe siècle ne se trouve pas dans les œuvres du XVIII. Quelques passages des comédies de Dancourt, de Marivaux, de Sedaine, peuvent nous étonner et nous paraître étranges; ce n'est que la reproduction des coutumes de l'époque. Il n'y a que les valets et les suivantes qui ne soient pas de leur temps, mais étaient-ils davantage du temps de Molière? Voudrions-nous voir disparaître Dorine, Scapin et Mascarille, parce que

nous savons que, sous le règne du Grand Roi, les valets et les soubrettes n'avaient pas la langue aussi bien pendue? Non, gardons ce type si curieux de notre comédie française emprunté au théâtre des Grecs, et remercions Marivaux de nous avoir donné Lisette et Pasquin, quoique ce dernier mot soit, en effet, une rime excellente pour coquin et faquin.

"Le Jeu de l'Amour et du Hasard" nous présente une intrigue qui paraît devoir être très embrouillée, mais, cependant, toutes les scènes se suivent avec un intérêt croissant. Silvia est fiancée à Dorante, qu'elle n'a jamais du Hasard." vu, et cause avec Lisette. Elle raconte ce

"Le Jeu de

l'Amour et

qu'elle a entendu dire des maris, et termine ainsi: "Songe à ce que c'est qu'un mari!" La maligne Lisette lui répond: "Un mari? c'est un mari: vous ne deviez pas finir par ce mot là; il me racommode avec tout le reste." Silvia, toutefois, veut savoir quel est le caractère de son fiancé, avant de l'épouser, et elle prie son père de lui permettre de changer de rôle avec Lisette; elle sera la suivante et Lisette sera Silvia. De son côté, Dorante avait eu la même brillante idée, et il arrive chez M. Orgon sous le nom et les habits de Pasquin, et Pasquin sous ceux de Dorante. Vous voyez d'ici les scènes plaisantes auxquelles donne lieu ce déguisement. Dorante devient amoureux de Silvia qu'il prend pour Lisette, et Pasquin se glorifie d'avoir fait la conquête de Lisette qu'il prend pour Silvia. L'amour est aveugle, dit-on; il ne l'est certainement pas dans les spirituelles comédies de Marivaux. Le cœur de Dorante a reconnu sa Silvia sous des habits d'emprunt, et le jeu de

l'amour et du hasard produit le mariage de Dorante et de Silvia, de Pasquin et de Lisette.

Voici un exemple de ce badinage affecté qu'on est convenu d'appeler le marivaudage; Pasquin parle à Lisette:

"Vous vous trompez, prodige de nos jours, un amour de votre façon ne reste pas longtemps au berceau votre premier coup d'oeil a fait naître le mien, le second lui a donné des forces, et le troisième l'a rendu grand garçon. Tâchons de l'établir au plus vite; ayez soin de lui, puisque vous êtes sa mère."

Dans les "Fausses Confidences," nous retrouvons presque la même intrigue que dans "le Jeu de l'Amour et du Hasard." Ces deux comédies se liront toujours avec grand plaisir par tous ceux qui aiment l'esprit attique, l'esprit gaulois, pourrions-nous dire. Ajoutons ici que l'une des œuvres de Marivaux inspira le "Fantasio" d'Alfred de Musset, l'immortel auteur de "Rolla" et des "Nuits.".

Longtemps on a placé Destouches (1680-1754) immédiatement après Regnard comme poète comique. A notre avis, il est bien inférieur à Le Destouches. Sage, à Piron, à Gresset, dont nous allons bientôt nous occuper. Ses comédies manquent de gaieté, mais le "Philosophe Marié," "le Glorieux," "la Fausse Agnès " sont des ouvrages intéressants et bien écrits. Destouches a pris fort au sérieux le précepte de la comédie qu'il faut corriger les mœurs, et s'il n'emploie pas le rire pour arriver à son but, on ne peut trop lui en vouloir. Nous avons tant de pièces. spirituelles en français qu'il n'est pas mauvais d'en lire quelques-unes un peu moins animées. C'est un délassement après les saillies de Regnard, après l'art

apprêté de Marivaux. "Le Philosophe Marié " nous offre une intrigue assez originale, mais qui n'en est pas moins vraie, puisqu'elle représente un incident de la vie de Destouches. C'est l'histoire d'un homme marié secrètement et qui veut cacher son mariage pour des raisons d'intérêt et par un faux amour-propre de philosophe. Il est placé dans la désagréable situation d'entendre faire des déclarations d'amour à sa femme sans pouvoir céder à l'envie démesurée qu'il éprouve de jeter l'impertinent par la fenêtre. Enfin, l'indiscrétion d'une belle-sœur amène le dénouement, toujours heureux dans les œuvres de Destouches. Pour comprendre "le Glorieux" et l'insolence de Lisimon, le parvenu, il faut se rappeler que le XVIII° siècle est l'époque de l'agiotage par excellence. Les longues guerres et le luxe effréné de Louis XIV avaient ruiné le pays, et l'on avait accepté avec enthousiasme les idées de Law, idées bonnes en réalité, et qui donnèrent naissance à notre système de crédit actuel. Seulement, Law avait basé son crédit sur les mines d'or de la Louisiane; les brouillards du Mississippi eussent eu plus de consistance. Aussi la banque de la rue Quincampoix ne fut pas de longue durée.

Néanmoins, les contemporains du Régent comprirent que l'argent valait mieux que les titres de noblesse, surtout depuis que les seigneurs n'osaient lever la tête trop haut, de peur de la perdre, comme avaient fait Chalais, Montmorency et Cinq-Mars. Lisimon pouvait donc considérer ses deux millions comme un ample équivalent aux parchemins du comte de Tufière, baron de Montorgueil et autres lieux. Ce sont ces rapprochements entre la vie imaginaire de la scène et la

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