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cependant, à la pièce de Voltaire le personnage de Iago et la terrible énergie du Maure de Venise. "Zaïre" est, néanmoins, une charmante tragédie.

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'Mérope"

"" Tancrède."

Dans "Mérope" (1743) il n'y a pas d'amour, mais le sujet est pathétique et le sentiment maternel est bien exprimé. "Tancrède" (1760) est une pièce chevaleresque qui nous rappelle et un peu le "Cid." La scène se passe au moyen âge et Voltaire tâche de renouveler le genre tragique, en ne prenant pas exclusivement ses sujets de l'antiquité. Il suit, cependant, toutes les règles de la tragédie, comme on l'entendait de son temps, et ses œuvres appartiennent au genre de Corneille et de Racine. Comme tragique il a certainement du mérite, comme comique il n'en a aucun.

La 66

La "Poésie."
La "Henri-

Henriade" fut longtemps placée parmi les grandes épopées, mais elle ne mérite pas ce rang. Quoiqu'il y ait de beaux vers, le poème est froid et peu intéressant. commence par des vers très souvent cités:

Il ade."

'Je chante ce héros qui régna sur la France
Et par droit de conquête et par droit de naissance;
Qui par de longs malheurs apprit à gouverner,
Calma les factions, sut vaincre et pardonner;
Confondit et Mayenne, et la Ligue, et l'Ibère,
Et fut de ses sujets le vainqueur et le père."

Quoique Henri IV fût le plus grand roi de France, son règne était trop récent pour servir de sujet à une épopée, et le merveilleux, qui est de l'essence du poème épique, ne convient guère à l'héroïque et fin Béarnais. La "Chanson de Roland," quoique du XIe siècle, est bien plus entraînante que "la Henriade.” Cette

œuvre n'est pas la plus grande épopée en français moderne; c'est dans la "Légende des Siècles" de Victor Hugo que se trouvent les plus beaux poèmes épiques depuis la "Chanson de Roland."

Comme poète Voltaire manque d'enthousiasme, mais il écrivait en vers avec une facilité merveilleuse,

contes.

Épîtres et et l'on peut citer son poème didactique, "Discours sur l'Homme," imité de Pope, ses "Épîtres," ses contes en vers, ses poésies fugitives, et surtout ses satires, où il déploie beaucoup de grâce, d'élégance et d'esprit. Les meilleures satires sont le "Mondain" et le "Pauvre Diable." Dans la première il décrie l'état de nature et trouve la civilisation bien préférable; dans la seconde il critique avec verve et malice les écrivains de son temps.

La Prose.

XII."

Voltaire est un poète de mérite, mais ses vers sont inférieurs à sa prose. Dans sa correspondance, dans ses romans, dans ses œuvres historiques, "Charles il a un style d'une lucidité parfaite. Il écrit avec la plus grande simplicité, avec concision, avec force. On a dit de lui qu'il était le plus français de tous les écrivains et il mérite ce titre, parce qu'il possède au plus haut degré la qualité essentielle de la langue française, la clarté. Il n'y a rien de recherché dans son style, tout est naturel, et par conséquent, intéressant. "L'Histoire de Charles XII' (1731) est un chef-d'œuvre; l'auteur tâche de raconter les faits avec impartialité, et nous lisons avec grand intérêt le récit de la vie extraordinaire de ce roi de Suède, rival malheureux de Pierre le Grand, homme intrépide, obstiné, peu politique, que l'on peut comparer à Charles le Téméraire. La vie de tels hommes est un vrai roman.

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"Siècle de

Louis XIV."

Le "Siècle de Louis XIV" (1751) est le plus grand ouvrage historique de Voltaire. Il y travailla vingt ans, et produisit une œuvre digne de l'époque dont il raconte l'histoire. Il est à regretter que le livre soit divisé en différentes parties, telles que celles qui traitent des affaires militaires, de la vie privée du roi, des beauxarts, de la littérature, des finances, des affaires ecclésiastiques. Ces différents tableaux affaiblissent un peu l'intérêt, et l'on eût préféré voir l'enchaînement des événements, les causes et le résultat de chacun. Néanmoins, Voltaire, comme Bossuet, est historien. philosophe. Dans son "Essai sur les mœurs et l'esprit des nations" il explique les traits caractéristiques des époques, mais il ne comprend pas bien le rôle du christianisme dans la civilisation et se laisse aveugler par ses préjugés. Ses "Annales de l'Empire," son "Histoire de Pierre le Grand," son "Histoire du Parlement de Paris," n'ont pas grand mérite, et son "Précis du Siècle de Louis XV " ne pouvait être une œuvre impartiale, mais nous admirons dans ce dernier ouvrage le récit de la bataille de Fontenoy. Voltaire comprenait parfaitement comment il faut écrire l'histoire et s'exprime ainsi dans son "Siècle de Louis XIV": Ce n'est pas seulement la vie de Louis XIV qu'on prétend écrire: on se propose un plus grand objet. On veut essayer de peindre à la postérité, non les actions d'un seul homme, mais l'esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais. Tous les temps ont produit des héros et des politiques; tous les peuples ont éprouvé des révolutions, toutes les histoires sont presque égales pour qui ne veut mettre que des faits dans sa mémoire. Mais quiconque pense,

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et, ce qui est encore plus rare, quiconque a du goût, ne compte que quatre siècles dans l'histoire du monde. Ces quatre âges heureux sont ceux où les arts ont été perfectionnés, et qui, servant d'époque à la grandeur de l'esprit humain, sont l'exemple de la postérité." "On ne s'attachera, dans cette histoire," ajoute l'auteur, "qu'à ce qui mérite l'attention de tous les temps, à ce qui peut peindre le génie et les mœurs des hommes, à ce qui peut servir d'instruction, et conseiller l'amour de la vertu, des arts, et de la patrie."

Les principaux romans de Voltaire sont "Zadig" (1747), "Candide" (1759), "l'Ingénu" (1767), "l'Homme aux quarante Écus" (1768).

Romans.

Ils ont tous un but philosophique ou satirique, et sont admirablement écrits. On regrette que ces œuvres, si parfaites au point de vue du style, soient gâtées par des grossièretés inexcusables.

Philosophie

C'est dans les "Lettres philosophiques" (1731) et son "Dictionnaire philosophique," formé en grande partie d'articles écrits pour l'Encycloet Corre- pédie, que nous voyons les idées scepspondance. tiques de Voltaire. Ces idées eurent une grande influence sur son siècle et hâtèrent la Révolution, dont Voltaire n'eût pas approuvé les excès. Il n'était pas opposé à la monarchie, mais voulait qu'elle fût moins despotique et plus éclairée. Son "Dictionnaire philosophique" ne nous intéresse guère aujourd'hui, et nous préférons apprendre à connaître l'homme et l'écrivain par sa correspondance. C'est là que nous verrons son esprit extraordinaire, son style inimitable. Quant à son caractère, il faut étudier toute sa vie et toutes ses œuvres pour arriver à bien le com

prendre et pour peser d'une manière équitable le bien et le mal. Comme écrivain on peut dire qu'il ne fut pas un poète de grand génie, mais un prosateur imcomparable. On ne saurait assez étudier cette langue si claire, si concise, si simple et si forte.

CHAPITRE III

MONTESQUIEU, BUFFON, LES ENCYCLOPÉDISTES,
LES PHILOSOPHES ET LES MORALISTES

VOLTAIRE a exercé une sorte de royauté sur son siècle, mais il n'a pas le génie aussi profond que Montesquieu. Celui-ci est avec Rousseau le

Montes

plus grand penseur du XVIIIe siècle, l'es- quieu. 1680-1755 prit le plus franchement créateur de l'époque.

Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, naquit le 18 janvier 1689 près de Bordeaux. Il fut élevé chez les oratoriens de Juilly, étudia le droit et devint en 1714 conseiller au parlement de Bordeaux, et en 1718 président à mortier. Tout en s'occupant des fonctions de sa charge, qu'il n'aimait pas, il prit une part active aux travaux de l'Académie de Bordeaux et écrivit des mémoires scientifiques. Il fit paraître en 1721 les "Lettres. Persanes," où il fit des portraits dignes de La Bruyère, et une critique fine et exacte de la société Les "Lettres de son temps. Deux Persans, Usbek et Persanes.” Rica, voyageant en France, communiquent leurs impressions à leurs compatriotes, et ceux-ci leur répondent et présentent des tableaux, parfois trop sensuels,

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