Page images
PDF
EPUB

laquelle fut plongée, non seulement l'armée, mais toute la France. Il fallut nommer huit maréchaux pour remplacer le rival de Condé; on les appelait la monnaie de Turenne.

Les Bas-
Bretons.

En Bretagne Mme de Sévigné avait de bons amis, le duc de Chaulnes, gouverneur de la province, et sa femme, et la princesse de Tarente. Nous ne pouvons nommer la Bretagne sans penser à l'insurrection si cruellement réprimée et sans citer à ce sujet les lignes suivantes de la marquise: "Nos pauvres Bas-Bretons s'attroupent quarante, cinquante par les champs; et dès qu'ils voient les soldats, ils se jettent à genoux et disent mea culpa; c'est le seul mot de français qu'ils sachent... On ne laisse pas de pendre ces pauvres Bas-Bretons; ils demandent à boire et du tabac, et qu'on les dépêche."

En 1680 Mme de Sévigné vint habiter l'hôtel Carnavalet à Paris et sa fille vint l'y rejoindre et y demeura

L'Hôtel huit ans. La marquise, cependant, fut Carnavalet. obligée de quitter pendant quelque temps Paris et sa chère fille. Son fils, comme nous l'avons dit, se maria en 1684, et elle alla demeurer quelques mois avec le jeune ménage aux Rochers. La nouvelle marquise plut infiniment, par sa douceur, à sa bellemère, et celle-ci fut heureuse du bonheur de son fils. Le bon et aimable marquis de Sévigné mourut en 1713 retiré dans le séminaire de Saint-Magloire, dirigé par Massillon. Il ne laissa pas de postérité. Malgré la faiblesse de son caractère on ne peut guère trouver de figure plus sympathique que celle de Charles de Sévigné.

Quand Mme de Grignan vint retrouver sa mère en

Mme de
Simiane.

1680 Marie-Blanche, sa fille, ne l'accompagnait pas. La pauvre enfant avait été sacrifiée par ses parents à l'héritier de leur nom et avait été mise au couvent dès son enfance. La grand' mère plaida souvent sa cause, mais en vain, la petite d'Adhémar, comme on appelait Marie-Blanche, ne sortit jamais de son couvent. Pauline, sa sœur, fut plus heureuse, et trouva un galant homme, le marquis de Simiane, qui l'épousa par amour. Les descendants de la fille de Pauline, la marquise de Vence, existent encore aujourd'hui.

marquis.

Le fils de Mme de Grignan, Louis-Provence, le petit marquis, fut digne d'être le petit-fils de Mme de Sévigné. Il se distingua grandement à la guerre et mourut jeune en 1704. Sa Le petit mère ne lui survécut qu'un an, mais son père vécut jusqu'en 1714, très estimé de tous ceux qui le connaissaient. Le nom de Grignan que Mme de Sévigné a immortalisé s'éteignit, mais le beau château de Grignan en Provence sera toujours un lieu de pèlerinage pour tous ceux qui ont lu et admiré les lettres de Mme de Sévigné, car c'est là que mourut la marquise, de la petite vérole, le 17 avril 1696. Elle avait soixante-dix ans, mais son cœur était resté jeune et ses lettres ne vieilliront jamais. Aussi longtemps que durera la langue française on lira avec un plaisir infini les œuvres d'une femme qui ne croyait écrire qu'à ses amis et à ses enfants, mais qui, en réalité, a été un des plus grands écrivains dont s'honore la France. Une femme charmante, un esprit d'élite, telle fut Mme de Sévigné.

Il y a peu de carrières aussi étranges que celle de Mme de Maintenon. Petite-fille d'Agrippa d'Aubigné,

Maintenon.

elle naquit en 1635 dans une prison où était détenu son père pour toutes sortes de méfaits, Mme de eut une mère vertueuse mais aigrie par les malheurs, et pendant son enfance et son. adolescence fut dans la plus profonde misère. Elle était huguenote et fut convertie avec beaucoup de peine au catholicisme. On sait que dans la suite elle devint bigote et fut accusée d'avoir contribué à la révocation de l'Édit de Nantes. A l'âge de seize ans et demi elle épousa Scarron, le poète infirme, et fut très admirée par tous ceux qui fréquentaient les salons de l'auteur du "Roman Comique." Elle sut garder sa dignité dans cette société un peu libre, et après huit ans de mariage, lorsqu'elle devint veuve, elle avait su se faire estimer et respecter, et Anne d'Autriche lui donna une pension que Louis XIV continua. Pendant plusieurs années Mme Scarron tâcha de se faire des amis puissants et y réussit si bien qu'à l'âge de trente-six ans elle fut nommée gouvernante des enfants de Mme de Montespan. Dans cette situation un peu équivoque elle se fit aimer du roi, qui lui donna la terre de Maintenon et l'épousa en 1683, à la mort de la reine. Le mariage fut tenu secret mais on ne peut en douter. Il faut lire Saint-Simon pour comprendre le rôle que joua Mme de Maintenon à la cour de France: Le roi travaillant dans sa chambre avec ses ministres et la consultant sur toutes choses, la duchesse de Bourgogne l'appelant "ma tante," et toute la famille royale à ses pieds. Son influence politique ne fut, peut-être, pas heureuse, mais on ne peut nier qu'elle n'ait exercé sur la conduite du roi une influence salutaire. Elle ramena la décence à la cour, mais contribua

à Ꭹ introduire la bigoterie et en bannit la joie et les plaisirs.

Saint-Cyr.

Le plus grand mérite de Mme de Maintenon est d'avoir fondé l'école de Saint-Cyr pour deux cent cinquante pauvres demoiselles. Elle avait, sans aucun doute, l'instinct pédagogique, et ses entretiens et ses lettres sur l'éducation sont remplis d'excellents conseils et de sages maximes. Elle écrit bien, avec pureté et élégance, et on peut la compter parmi les écrivains distingués du XVIIe siècle. Il lui manque, cependant, la grâce, la sensibilité, l'enjouement que possédait à un si haut point Mme de Sévigné, mais il faut se souvenir qu'elle eut à combattre la misère pendant bien des années et que son cœur fut retréci par les malheurs de la vie. Elle mourut en 1719 à Saint-Cyr, où elle était aimée et estimée.

CHAPITRE VIII

AUTEURS DIVERS

Scarron.

PAUL SCARRON (1610-1660), plus célèbre pour avoir été le premier mari de Mme de Maintenon que pour ses œuvres, a cependant écrit des ouvrages intéressants. Il est curieux de penser que l'auteur de tant de livres si gais était paralytique depuis l'âge de vingt-huit ans. Son "Typhon," son "Virgile Travesti," sont burlesques et fatiguent le lecteur, sa "Mazarinade" est un grossier pamphlet politique, mais ses comédies ont de l'esprit et beaucoup de gaieté, et "Jodelet" et " Don

Japhet d'Arménie" furent longtemps populaires. Son meilleur ouvrage, cependant, est "le Roman Comique" qui inspira le "Capitaine Fracasse" de Théophile Gautier. Scarron fait une peinture très exacte des mœurs des comédiens de son temps, et quand on se rappelle que Molière fut pendant douze ans directeur d'une troupe de comédiens ambulants, on lit encore avec plus d'intérêt "le Roman Comique." L'esprit réellement original de l'auteur perce dans tout l'ouvrage, ainsi que sa connaissance étonnante de la nature humaine. Rien n'est plus réaliste que la description de l'entrée de la charrette des comédiens dans la ville du Mans: "Cette charrette était attelée de quatre bœufs fort maigres, conduits par une jument poulinière, dont le poulain allait et venait à l'entour de la charrette, comme un petit fou qu'il était. La charrette était pleine de coffres, de malles, et de gros paquets de toiles peintes, qui faisaient comme une pyramide au haut de laquelle paraissait une Damoiselle, habillée moitié ville, moitié campagne." A côté de la charrette marche le Destin, dans un costume extraordinaire, puis vient le vieux la Rancune. Nous assistons ensuite à des scènes amusantes chez le sieur de la Rappinière et au tripot de la Biche, et nous voyons bientôt arriver les autres membres de la troupe, parmi lesquels est le poète, pauvre diable dont les écrits sont chez tous les épiciers. Le personnage de Ragotin est des plus burlesques et les plaisanteries qu'on lui fait ne sont pas toujours très délicates, mais l'amour du Destin et de mademoiselle de l'Étoile jette une lueur de poésie sur cet étrange roman, et nous regrettons infiniment que l'auteur ne l'ait pas complété. Nous voyons par

« PreviousContinue »