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ouvrages tirés des légendes galloises. Il écrivit beaucoup de romans, parmi lesquels on peut Chrétien de citer le "Conte de la Charrette," le Troies. "Chevalier au Lion," "Cligès," et "Perceval." Les œuvres de Chrétien furent traduites et imitées par les poètes allemands, Hartmann d'Aue et Wolfram d'Eschenbach, et jouirent d'une immense popularité. On les lit encore de nos jours avec grand plaisir ainsi que les autres romans du cycle breton, et Arthur, Lancelot, Ivain, Gauvain, Merlin l'enchanteur, Perceval et le saint Graal, représentent des types chevaleresques et romanesques que le génie d'un Tennyson a su introduire de nouveau dans la littérature.

Le personnage principal des épopées du cycle de l'antiquité est Alexandre le Grand, qui servit de sujet au XIIe siècle à un poète de la langue d'oc, Le cycle de Albéric de Besançon, dont l'ouvrage eut l'antiqué. un grand succès et fut imité par les poètes de la langue d'oil. Parmi ceux-ci nous citerons Lambert le Tort et Alexandre de Bernai, du XIIe siècle, qui écrivirent en vers de douze syllabes, d'où vers alexandrins. Dans les épopées du moyen âge le héros macédonien a les aventures les plus extraordinaires et les moins conformes à son caractère historique. Benoît de SainteMore écrivit aussi au XIIe siècle des poèmes intéressants sur des sujets antiques, et son roman de "Troie" et son roman d'"Enéas" furent célèbres au moyen âge. De même qu'Alexandre, Jules César fut un héros favori, et l'antiquité comprise par les hommes du XIIe et du XIIIe siècle, nous paraît curieuse à observer. Quoique le latin fût encore la langue des clercs, le moyen âge ne comprit nullement le monde grec et le monde romain, et il faut attendre le xvie

siècle pour la renaissance des chefs-d'œuvre grecs et latins.

Romans d'Aventure.

Sous le titre de romans d'aventure on groupe un certain nombre d'épopées qui n'appartiennent en réalité à aucun des trois grands cycles. Citons parmi les romans grecs et byzantins, "Floire et Blanche fleur," qui fut l'origine d'"Aucassin et Nicolète," que nous analyserons plus tard. "Guillaume de Dôle," "Cléomadès" par Adenet le Roi, et surtout "Parténopeus de Blois," poème charmant, où le héros perd par son indiscrétion la femme aimée, mais la reconquiert, après mille aventures, par sa valeur et sa constance.

Appelons ici l'attention sur la littérature de la langue d'oc, appelée généralement provençale, du La littéra- nom d'un de ses dialectes. Les œuvres ture proven des troubadours sont moins énergiques çale. que celles des trouvères, on y trouve peu de poèmes épiques, mais beaucoup de chansons d'amour. Bertrand de Born, dont parle Dante, Guillaume IX, comte de Poitiers, et Arnaud Daniel sont les meilleurs poètes de la langue d'oc. De nos jours, comme nous l'avons déjà dit, Mistral, avec son admirable" Mireille," a fait revivre la littérature provençale. Il eut pour principaux collaborateurs Jasmin, Roumanille et Aubanel.

CHAPITRE III

LE DRAME

LE drame représente le côté sérieux et le côté comique de la vie humaine, et les mots tragédie et

Au moyen

comédie répresentent ces deux genres. âge, cependant, la tragédie et la comédie, telles qu'elles furent comprises plus tard, n'existaient pas, et l'on doit diviser le drame de cette époque en deux genres généraux, le drame sérieux et le drame comique; le premier comprend principalement les miracles et les mystères, le second, les moralités, les sotties, les farces, les monologues, et les sermons joyeux. Voyons quelle fut l'origine du drame en France et traçons rapidement l'histoire du genre sérieux et du genre comique.

De même que la religion des Grecs donna naissance au drame de l'antiquité, la religion chrétienne donna naissance au drame du moyen âge. Le drame L'église en fut le berceau; les prêtres et sérieux. le peuple furent les premiers acteurs, et acteurs consciencieux et sérieux. Les représentations liturgiques furent d'un si grand intérêt qu'elles furent bientôt agrandies et portées hors de l'église, et les miracles et les mystères furent créés.

Les drames les plus an

ciens.

Le drame le plus ancien où le français apparaît est le "Sponsus" ou les "Vierges Sages et les Vierges Folles." L'ouvrage est du commencement du XIIe siècle et est écrit en latin et en langue d'oc, avec quelques mots dans la langue d'oïl. La première pièce, réellement, de la littérature française est la "Représentation d'Adam." On la jouait sous le porche de l'église et elle n'est liturgique que par le sujet. Elle est du XII° siècle et fut probablement écrite en Angleterre. L'ouvrage a un certain mérite, ainsi qu'une petite pièce nommée la "Résurrection." Ces deux drames étaient très sérieux et n'avaient rien de cet esprit bouffon et

grossier que nous voyons dans un si grand nombre des pièces du moyen âge.

Deux drames du XIIIe siècle sont entièrement différents de l'" Adam"; c'est le "Jeu de St. Nicolas," par Bodel, et le "Miracle de Théophile," par Rustebeuf. L'ouvrage de Bodel est très original et nous présente ce mélange du sérieux et du comique, que nous observons dans Shakspeare et que l'École Romantique de Victor Hugo a introduit de nouveau sur la scène française, après qu'il en eut été banni pendant trois siècles. La tragédie classique n'a aucun rapport avec le drame du moyen âge, mais il est intéressant de constater la différence qui existe entre les miracles et les mystères et les tragédies de Corneille et de Racine. Il est intéressant aussi d'indiquer en quoi les pièces du moyen âge ont quelque ressemblance avec celles de Victor Hugo.

Les miracles.

Le "Miracle de Théophile" est le premier ouvrage de ce genre. Le mot miracle désignait le récit de quelque action surnaturelle attribuée à la. Vierge ou aux saints. Les miracles du XIVe siècle, dont quarante nous sont parvenus, étaient joués par les puys. Ce mot, qui signifie en réalité une montagne, se rapportait à l'estrade où l'on jouait les pièces. Les puys étaient des sociétés littéraires, et étaient placés sous la protection de la Vierge. Les miracles doivent leur caractère particulier à la dévotion à la Vierge, à la foi entière en la miséricorde de Marie et en son influence sur son Fils. Quel que fût le crime commis le coupable était gracié s'il appelait la Vierge à son secours. Les puys, au xve siècle, abandonnèrent le drame sérieux et ne jouèrent plus que les moralités et les farces.

La mise en scène pour les miracles était des plus élémentaires, et l'on changeait à volonté le lieu de l'action d'un endroit à un autre; par exemple, dix pas séparaient Rome de Jérusalem; quatre hommes se battant représentaient une armée, et une pierre avec des inscriptions indiquaient les villes. Il n'y avait pas d'actes, pas de changement de décors; toute l'action se passait en présence du spectateur, qui pouvait voir la Vierge et les saints descendre d'une élévation au-dessus de la scène et secourir les malheureux qui avaient imploré leur secours.

M. de Julleville appelle l'attention sur les différents noms donnés aux pièces du moyen âge et ajoute que ces noms indiquent le siècle où ces pièces furent écrites. Le mot représentation se rapporte au XII siècle, jeu au XIIIo, miracle au XIV, et mystère au

XV.

Les mystères se divisaient en deux classes, les entremets, qui étaient des représentations mimiques des sujets sacrés, et les mystères parlés. Les mystères. Le sujet de ceux-ci était toujours pris des Écritures ou de la vie des saints. Il n'y avait rien d'original dans ces ouvrages; c'était la représentation exacte d'une action historique ou légendaire. Il y eut environ cent auteurs de mystères, qui écrivirent plusieurs millions de vers, dont plus d'un million nous sont parvenus. Le cycle de l'Ancien et du Nouveau Testament était supérieur en mérite à celui de la vie des saints. Dans presque tous les mystères nous voyons les tortures infligées décrites si minutieusement, et les scènes grotesques et immorales si étrangement mêlées avec les scènes religieuses qu'il nous est difficile de comprendre le succès de ces

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