Page images
PDF
EPUB

vivre pour nous.

dont il remplit sa charge pastorale; il fit preuve d'une inépuisable charité et fut adoré de son son troupeau. Il paraît, cependant, que caractère. son caractère fut trop absolu, et que dans ses démêlés avec l'évêque de Meaux ce ne fut pas toujours celui-ci qui eut moins de douceur. Nisard semble avoir raison quand il dit: "La vérité éclaircie ne rend pas Fénelon coupable, mais elle absout Bossuet." Jetons maintenant les yeux sur "Télémaque." e." C'est le livre le plus populaire de Téléla littérature française, après les fables maque. de La Fontaine. Tout prélat qu'il fut Fénelon comprit parfaitement l'antiquité païenne et il la fit reSon but fut de faire usage d'une fiction pour enseigner à un prince ses devoirs de roi, et il se servit d'un style d'une élégance, d'une poésie merveilleuse, pour raconter son histoire. On a même accusé ce style d'être trop fleuri, mais telle n'est pas notre opinion. Il fallait que le style s'accordât avec le sujet, et l'on ne pouvait décrire les divinités de l'Olympe et les héros antiques de la même manière que des événements contemporains. Le récit toutefois est intéressant et l'on a grand plaisir à rencontrer de nouveau les héros grecs errants après la guerre de Troie. On suit Télémaque avec intérêt depuis l'île de Calypso jusqu'au royaume d'Idoménée à Salente, et l'on comprend la leçon qu'a voulu donner l'auteur; c'est que la jeunesse, quelques fautes qu'elle puisse commettre, arrive à surmonter tous les obstacles, si elle est pénétrée de l'idée du devoir et de la crainte de Dieu. Mentor donne d'excellents conseils à Télémaque, et quoique le plan du gouvernement du royaume de Salente soit chimé

rique en plus d'un point, on peut dire que le livre de Fénelon a dû exercer la plus heureuse influence sur son royal élève. Il y vit que les rois doivent mépriser les flatteurs, être toujours loyaux, ne pas entreprendre des guerres injustes, et ne vivre que pour le bonheur de leurs peuples. Ce fut malheureux pour Louis XIV qu'il crut reconnaître qu'il avait les qualités contraires à celles que Fénelon voulait voir chez un roi. Le duc de Bourgogne eût pu les posséder et y ajouter le jugement sain, la fermeté de son aïeul. "L'homme véritablement libre est celui qui, dégagé de toute crainte et de tout désir, n'est soumis qu'aux dieux et à sa raison." Voilà une maxime qui indique clairement l'esprit de Fénelon, elle est sans nul doute chimérique, mais c'est un noble idéal. Ce n'est qu'en se proposant un but élevé dans la vie qu'on arrive à bien remplir le rôle pour lequel on a été créé.

A l'Hôtel de Rambouillet nous avons rencontré Fléchier lisant de gracieux vers latins et des vers français du genre de ceux de Voiture et Fléchier. de Benserade. Toute sa vie cette influence se fit sentir sur ses écrits, et on y trouve un peu trop de recherche, du maniéré, peut-être. Cette pointe de précieux est curieuse et intéressante dans ses "Mémoires sur les Grands Jours d'Auvergne," mais elle n'est pas à sa place dans l'oraison funèbre. Néanmoins, malgré un style trop travaillé, où l'émotion et le pathétique sont trop de commande, on lit avec intérêt les oraisons funèbres de Fléchier. Lui qui avait été un habitué du fameux Hôtel de Rambouillet fut appelé à prononcer en 1672 l'oraison funèbre de Julie d'Angennes, et en 1690 celle de son

mari, l'honnête et constant Montausier. C'est le discours sur la mort de Turenne (1676) qui rendit Fléchier célèbre. On a comparé ce morceau d'éloquence aux sublimes paroles qu'arracha la mort de Condé à Bossuet, mais l'ouvrage de Fléchier, quoique beau et élégant, ne nous touche point comme celui de Bossuet. Nous sommes entraînés par l'évêque de Meaux et nous partageons son émotion, tandis que l'évêque de Nîmes nous laisse froids. Nous admirons ses belles paroles, mais nous trouvons sa narration de la mort du héros bien inférieure à celle de Mme de Sévigné dont nous parlerons bientôt. Citons, cependant, un passage qui nous rappelle un peu l'admirable lettre de la marquise: "Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s'éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur et ranimé par la vengeance; tout le camp demeure immobile. Les blessés pensent à la perte qu'ils ont faite, et non pas aux blessures qu'ils ont reçues. Les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort. L'armée en deuil est occupée à lui rendre les devoirs funèbres; et la Renommée, qui se plaît à répandre dans l'univers les accidents extraordinaires, va remplir toute l'Europe du récit glorieux de la vie de ce prince, et du triste regret de sa mort."

Fléchier était né à Permes en 1632. Il fut d'abord oratorien, mais se sépara bientôt de la congrégation. Il prêcha devant Louis XIV, qui le nomma à l'évêché de Lavaux, puis à celui de Nîmes, où il se fit aimer par sa douceur et sa modération. Il fut membre de l'Académie Française, et son discours de réception éclipsa celui de Racine reçu le même jour que lui.

Fléchier fut un des grands prélats du règne de Louis XIV, et Fénelon s'écria en apprenant sa mort en 1710: "Nous avons perdu notre maître."

Bourdaloue

et

Mascaron.

Louis Bourdaloue (1622-1704) fut considéré par ses contemporains le plus grand prédicateur de son siècle. Il naquit à Bourges, entra dans l'ordre des jésuites, où il fut régent de collège, puis succéda à Bossuet en 1669 comme prédicateur du roi. Comme son prédécesseur il eut le courage de dire la vérité à Louis XIV, et lui plut par sa hardiesse et son éloquence. Il fut extrêmement populaire, et la cour se rendait en foule à ses sermons. Mme de Sévigné l'appréciait beaucoup, ainsi que tous les grands esprits du temps, mais aujourd'hui nous le trouvons bien inférieur comme prédicateur à Bossuet. Il est quelque peu prolixe et moralise trop. Il fait une analyse si subtile des vices et des vertus qu'on a peine à le suivre. Comme tous les grands prédicateurs de son temps il inspirait le respect par une vie irréprochable.

Jules Mascaron (1634-1703) eut aussi une grande célébrité comme prédicateur. Ses sermons furent presque aussi admirés que ceux de Bourdaloue et l'on peut comparer son oraison funèbre de Turenne à celle de Fléchier.

Massillon.

Jean-Baptiste Massillon naquit à Hyères en 1663 et mourut en 1742. Il fait partie du XVIIe siècle, puisque son œuvre fut presque accomplie du vivant de Louis XIV, dont il prononça l'oraison funèbre. Tout le monde se rappelle cet exorde: "Dieu seul est grand, mes frères;" mais ce n'est pas l'oraison funèbre qui rendit Massillon célèbre. Ce sont ses sermons, dont la forme est

excellente, où il moralise comme Bourdaloue. Son style est élégant, mais ne manque pas de force, comme l'attestent son sermon sur le "Petit nombre des élus," et le contraste énergique qu'il fait entre la mort du pécheur et la mort du juste. Voltaire l'a appelé le "Racine de la chaire," et il est certain qu'il est supérieur à tous les prédicateurs du XVIIe siècle, excepté Bossuet. Il prêcha un "Petit Carême," composé de dix sermons seulement, devant Louis XV enfant. On admire beaucoup cette œuvre ainsi que le "Grand Carême" et l'"Avent." Nommé en 1717 à l'évêché de Clermont-Ferrand, Massillon se consacra entièrement à son diocèse, et écrivit des "Discours Synodaux" que l'on compte parmi ses meilleures œuvres. Il fut reçu à l'Académie Française en 1719, et on peut le placer parmi les grands écrivains du siècle de Louis XIV.

CHAPITRE VII

LES FEMMES AUTEURS

MME DE LA FAYETTE, MME DE SÉVIGNÉ, MME DE

MAINTENON

[ocr errors]

APRÈS les romans interminables de M11e de Scudéry c'est avec plaisir qu'on lit les œuvres charmantes de Mme de La Fayette, et le petit volume Mme de qui contient "La Princesse de Clèves' La Fayette. nous fait oublier bien vite les dix tomes Sa vie. de "Cyrus" et de "Clélie." Prenons M. d'Haussonville pour guide, et voyons quelle fut la vie de l'au

« PreviousContinue »