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DE

M. BOILEAU
DESPREAUX.

A

PARIS,

Aux dépens de la Compagnie.

M. D C C. LXXV.

Avec Approbation & Privilege du Roi,

NOMS DES ASSOCIÉS.

La Veuve SAVOYE, rue Saint-Jacques, à l'Espérance.

La Veuve DESAINT, rue du Foin-SaintJacques.

SAILLANT & NYON, rue Saint-Jean-de-
Beauvais.

BARBOU, rue & vis-à-vis la grille des
Mathurins.

AUMONT, Pavillon des quatre Nations.
BROCAS, rue Saint-Jacques, au Chef S.
Jean.

HUMBLOT, rue Saint-Jacques, près S.
Yves.

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DURAND neveu rue Galande Hôtel
Leffeville.

DURAND SUGERES, rue du Foin-Saint-
Jacques,

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D IS COURS

AU ROI.

Quoique cette Piéce foit placée avant toutes les autres, elle n'a pourtant pas été faite la premiere. L'Auteur la compofa au commencement de l'année 2665, & ilavoit déja fait cinq Satires. La même année ce Difcours fut inféré dans un Recueil de Poéfies, avant que l'Auteur eût eu le tems de le corriger. Il le fit imprimer lui-même l'année fuivante 1666, avec les fept premieres Satires.

EUNE & vaillant Héros, dont la haute sagesse N'eft point le fruit tardif d'une lente vieillesse, Et qui feul, fans Miniftre, à l'exemple des Dieux, Soutiens tout par Toi-même, & vois tout par tes yeux, GRAND ROI; fi jusqu'ici, par un trait de prudence, J'ai demeuré pour Toi dans un humble filence, Ce n'eft pas que mon cœur, vainement fufpendu, Balance pour t'offrir un encens qui t'eft du. Mais je fais peu louer, & ma Muse tremblante Fuit d'un fi grand fardeau la charge trop pefante,

Et dans ce haut éclat où Tu te viens offrir,

Touchant à tes lauriers, craindroit de les flétrir.
Ainfi, fans m'aveugler d'une vaine manie,
Je mesure mon vol à mon foible génie :

Plus fage en mon refpect, que ces hardis mortels,
Qui d'un indigne encens profanent tes autels;
Qui dans ce champ d'honneur, où le gain les amene,
Ofent chanter ton nom fans force & fans haleine;
Et qui vont tous les jours, d'une importune voix,
T'ennuyer du récit de tes propres exploits.

L'un en style pompeux habillant une Eglogue,
De fes rares vertus Te fait un long prologue,
Et mêle en fe vantant foi-même à tout propos,
Les louanges d'un Fat à celles d'un Héros.

L'autre en vain fe laffant à polir une rime,
Et reprenant vingt fois le rabot & la lime,
Grand & nouvel effort d'un efprit fans pareil!
Dans la fin d'un Sonnet Te compare au Soleil.
Sur le haut Hélicon leur veine méprisée,
Fut toujours des neuf Sœurs la fable & la rifée.
Calliope jamais ne daigna leur parler,
Et Pégafe pour eux refufe de voler.

Cependant à les voir enflés de tant d'audace,
Te promettre en leur nom les faveurs du Parnaffe,
On diroit, qu'ils ont feuls l'oreille d'Apollon,
Qu'ils difpofent de tout dans le facré Vallon.

C'est à leurs doctes mains, fi l'on veut les en croire,
Que Phébus a commis tout le foin de ta gloire :
Et ton nom, du Midi jufqu'à l'Ourse vanté,
Ne devra qu'à leurs vers fon immortalité.
Mais plutôt fans ce nom, dont la vive lumiere

Donne un luftre éclatant à leur veine groffiere,
Ils verroient leurs écrits, honte de l'Univers,
Pourrir dans la pouffiere à la merci des vers.
A l'ombre de ton nom ils trouvent leur afile;
Comme on voit dans les champs un arbrisseau débile;
Qui, fans l'heureux appui qui le tient attaché,
Languiroit triftement fur la terre couché.

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Ce n'eft pas que ma plume injufte & téméraire, Veuille blâmer en eux le deffein de Te plaire : Et parmi tant d'Auteurs, je veux bien l'avouer, Apollon en connoît qui Te peuvent louer. Oui, je fais qu'entre ceux qui T'adreffent leurs veilles, Parmi les Pelletiers on compte des Corneilles. Mais je ne puis fouffrir, qu'un Efprit de travers,' Qui pour rimer des mots penfe faire des vers, Se donne en Te louant une gêne inutile. Pour chanter un Auguste, il faut être un Virgile. Et j'approuve les foins du Monarque guerrier, Qui ne pouvoit fouffrir qu'un Artifan groffier Entreprît de tracer, d'une main criminelle, Un portrait réservé pour le pinceau d'Apellé.

Moi donc, qui connois peu Phébus & fes douceurs, Qui fuis nouveau fevré fur le mont des neuf Sœurs : Attendant que pour Toi l'âge ait mûri ma Muse, Sur de moindres sujets je l'exerce & l'amufe: Et tandis que ton bras, des peuples redouté, Va, la foudre à la main, rétablir l'équité, Et retient les méchans par la peur des fupplices, Moi, la plume à la main, je gourmande les vices} Et gardant pour moi-même une jufte rigueur, Je confie au papier les fecrets de mon cœur.

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