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La crainte dans le monde imagina les dieux (1).

Je me plais au contraire à remarquer que les hom

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mes, en donnant à Dieu les noms qui expriment

(1) Primus in orbe deos fecit timor. Ce passage, dont on ignore le véritable auteur, se trouve parmi les fragmens de Pétrone. Il est bien là.

la grandeur, le pouvoir et la bonté, en l'appelant le Seigneur, le Maître, le Père, etc., montroient assez que l'idée de la divinité ne pouvoit être fille de la crainte. On peut observer encore que la musique, la poésie, la danse, en un mot ous les arts agréables étoient appelés aux cé– rémonies du culte; et que l'idée d'allégresse se mêla toujours si intimement à celle de fête, que ce dernier devint partout synonyme du premier.

Loin de moi d'ailleurs de croire que l'idée de Dieu ait pu commencer pour le genre humain ; c'est-à-dire qu'elle puisse être moins ancienne que l'homme.

Il faut cependant avouer, après avoir assuré l'orthodoxie, que l'histoire nous montre l'homme persuadé dans tous les temps de cette effrayante vérité : qu'il vivoit sous la main d'une puissance irritée, et que cette puissance ne pouvoit être apaisée que par des sacrifices.

Il n'est pas même aisé, au premier coup d'œil, d'accorder des idées en apparence aussi contradictoires; mais si l'on y réfléchit attentivement, on comprend très-bien comment elles s'accor

dent, et pourquoi le sentiment de la terreur a toujours subsisté à côté de celui de la joie, sans que l'un ait jamais pu anéantir l'autre.

« Les dieux sont bons, et nous tenons d'eux tous les biens dont nous jouissons: nous leur devons la louange et l'action de grâces; mais les dieux sont justes et nous sommes coupables: il faut les apaiser; il faut expier nos crimes; et pour y parvenir, le moyen le plus puissant est le sacrifice (1). »

Telle fut la croyance antique, et telle est encore, sous différentes formes, celle de tout l'univers. Les hommes primitifs, dont le genre humain entier reçut ses opinions fondamentales, se crurent coupables. Les institutions générales furent toutes fondées sur ce dogme; en sorte que les hommes de tous les siècles n'ont cessé

(1) Ce n'étoit point seulement pour apaiser les mauvais génies, ce n'étoit point seulement à l'occasion des grandes calamités que le sacrifice étoit offert: il fut toujours la base de toute espèce de culte, sans distinction de lieu, de temps, d'opinions ou de cir

constances.

d'avouer la dégradation primitive et universelle, et de dire comme nous, quoique d'une manière moins explicite nos mères nous ont conçus dans le crime; car il n'y a pas un dogme chrétien qui n'ait sa racine dans la nature intime de l'homme, et dans une tradition aussi ancienne que le genre humain.

Mais la racine de cette dégradation, ou la réité de l'homme, s'il est permis de fabriquer ce mot, résidoit dans le principe sensible, dans la vie, dans l'âme enfin, si soigneusement distinguée par les anciens, de l'esprit ou de l'intelligence.

L'animal n'a reçu qu'une ame; à nous furent donnés et l'âme et l'esprit (1).

L'antiquité ne croyoit point qu'il pût y avoir,

(1) Immisitque (Deus) in hominem spiritum et animam. (Joseph. Antiq. jud., lib. I, cap. I, Ș. 2.)

Principio indulsit communis conditor illis
Tantùm animam; nobis, animum quoque......

JUVEN., Sat. XV, 148, 49.

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