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rends justice à la bonne foi qui se trouve disséminée dans la société, et si je vénère surtout les grands noms de quelques protecteurs! Ce respect est tel que souvent je me suis surpris argumentant contre moi-même sur le sujet qui nous occupe dans ce moment, pour voir s'il y auroit moyen de transiger avec l'intraitable logique. Jugez donc si j'embrasse avec transport le point de vue ravissant et tout nouveau sous lequel vous me faites apercevoir dans un prophétique lointain l'effet d'une entreprise qui, séparée de cet espoir consolateur, épouvante la religion au lieu de la réjouir.

Cætera desiderantur.

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FIN DU ONZIÈME ET DERNIER ENTRETIEN.

NOTES DU ONZIÈME ENTRETIEN.

No I.

(Pag. 30g...... La nation française devoit être le grand instrument de la plus grande des révolutions.)

On ne lira pas sans intérêt le passage suivant d'un livre allemand intitulé Die Siegesgeschichte der christlichen religion in einer gemeinnützigen Erklarung der Offenbarung Johannis. Nuremberg, 1799, in-8°. L'auteur anonyme est fort connu en Allemagne;. mais nullement en France, que je sache du moins. Son ouvrage mérite d'être lu par tous ceux qui en auront la patience. A travers les flots d'un fanatisme qui fait peur, erat quod tollere velles. Voici donc le passage, qui est très-analogue à ce que vient de dire l'interlocuteur.

Le second ange qui crie: Babylone est tombée, » est Jacob Bohme. Personne n'a prophétisé plus » clairement que lui sur ce qu'il appelle l'ère des lys (LILIENZEIT). » Tous les chapitres de son livre crient : «< Babylone est tombée! sa prostitution est » tombée; le temps des lis est arrivé. »(Ibid., ch. XIV, v. vii, p. 421.

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« Le roi Louis XVI avoit mûri dans sa longue cap

tivité, et il étoit devenu une gerbe parfaite. Lors

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qu'il fut monté sur l'échafaud, il leva les yeux au >> ciel et dit comme son rédempteur: Seigneur, par» donnez à mon peuple. Dites, mon cher lecteur, si un homme peut parler ainsi sans être pénétré (durchgedrungen) de l'esprit de Jésus-Christ! Après lui >> des millions d'innocens ont été moissonnés et ras » semblés dans la grange par l'épouvantable révolu» tion. La moisson a commencé par le champ français, et de là elle s'étendra sur tout le champ du Seigneur dans la chrétienté. Tenez-vous donc » prêts; priez et veillez. (Page 429...) Cette nation ( la française) étoit en Europe la première en tout: » il n'est pas étonnant que la première aussi elle ait » été mûre dans tous les sens. Les deux anges moissonneurs commencent par elle, et lorsque la moisson sera prête dans toute la chrétienté, alors le Sei» gneur paroîtra et mettra fin à toute moisson et à » tout pressurage sur la terre. » ( Ib. p. 431.)

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Je ne saurois dire pourquoi les docteurs protestans ont en général un grand goût pour la fin du monde. Bengel, qui écrivoit, il y a soixante ans à peu près, en comptant par les plus doctes calculs les années de la béte depuis l'an 1130, trouvoit qu'elle devoit être anéantie précisément en l'année 1796. (Ib., p. 433.)

L'anonyme que je cite nous dit d'une manière bien autrement péremptoire : « Il ne s'agit plus de bâtir des

palais et d'acheter des terres pour sa postérité; il » ne nous reste plus de temps pour cela. » (Ibid., pag. 433.)

Toutes les fois qu'on a fait, depuis la naissance de

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leur secte, un peu trop de bruit dans le monde, ils ont toujours cru qu'il alloit finir. Déjà, dans le XVIe siècle, un jurisconsulte allemand réformé, dédiant un livre de jurisprudence à l'électeur de Bavière, s'excusoit sérieusement, dans la préface, d'avoir entrepris un ouvrage profane dans un temps où l'on touchoit visiblement à la fin du monde. Ce morceau mérite d'être cité dans la langue originale; une traduction n'auroit point de grâce.

In hoc imminente rerum humanarum occasu, circumactaque jam fermè præcipitantis ævi periodo, frustrà tantum laboris impenditur in his politicis studiis paulò post desituris... Quum vel universa mundi machina suis jam fessa fractaque laboribus, et effecta senio, ac hominum flagitiis velut morbis confecta lethalibus ad eamdem apo, si unquam aliàs, certe nunc imprimis quadam àñoxoçadoxía feratur et anhelet. Accedit miserrima, quæ præ oculis est Reip. fortuna, et inenarrabiles &ives Ecclesiæ hoc in extremo sæculorum agone durissimis angoribus et sævissimis doloribus laceratæ.

(Math. Wesembecii præf. in Paratitlas).

II.

(Pag. 310... Son Pollion, qui fut depuis traduit en assez beaux vers grecs, et lu dans cette langue au concile de Nicée.)

Il n'y a rien de plus curieux que ce que le célèbre

Heyne a écrit sur le Pollion. Il cite de bonne foi une foule d'auteurs anciens et nouveaux qui ont vu quelque chose d'extraordinaire dans cette pièce, ce qui ne l'empêche pas néanmoins de dire : Je ne vois rien de plus vain et de plus nul que cette opinion (1). Mais quelle opinion? Il s'agit d'un fait. Si quelqu'un a cru que Virgile étoit immédiatement inspiré, voilà ce qu'on nomme une opinion dont on peut se moquer si l'on veut; mais ce n'est pas de quoi il s'agit: veut-on nier qu'à la naissance du Sauveur, l'univers ne fût dans l'attente de quelque grand événement? Non sans doute; la chose n'est pas possible, et le docte commentateur convient lui-même que jamais la fureur des prophéties ne fut plus forte qu'à cette époque (2), et que, parmi ces prophéties, il en étoit une qui promettoit une immense félicité; il ajoute que Virgile tira bon parti de ces oracles (3). C'est en vain que Heyne, pour changer l'état de la question, nous répète les réflexions banales sur le mépris des Ro

(1) Nihil tamen istá opinione esse potest leviùs et certis rerum argumentis magis destitutum. (Heyne, sur la IV e églogue, dans son édition de Virgile. Londres, 1793, in-8°, tom. Ier, P. 72.)

(2) Nullo tamen tempore vaticiniorum insanius fuit studium. (Ibid. p. 73.)

(3) Unum fuit aliquod (Sibyllinum oraculum) quod magnam aliquam futuram felicitatem promitteret. (Ibid., p. 74.) Hoc itaque oraculo et vaticinio seu commento ingeniosa commodè usus est Virgilius. (Ibid., p. 74.)

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