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léans, qui rétablit les élections canoniques', défendit de rien exiger pour les sacrements, obligea les ecclésiastiques à la résidence, et, achevant la réforme commencée par Louis XII, ôta définitivement l'administration de la justice aux baillis et sénéchaux, d'ordinaire hommes de guerre et ignorants des lois, pour les donner à leurs lieutenants, qui durent être de robe longue ou de judicature. C'était la première application du principe de tolérance, et une réforme dans l'administration de la justice et dans la discipline de l'Église gallicane, trois grands bienfaits. Le duc de Guise, le maréchal Saint-André et

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Montmorency, menacés d'ailleurs du rappel des sommes qu'ils avaient extorquées à la facile bonté des rois précédents, quit

1. Pour un évêché, douze députés de la noblesse du diocèse, douze du tiers, réunis aux évêques de la province et aux membres du chapitre, devaient présenter trois candidats à la nomination du roi. (Art. 1 de l'ordonnance, Recueil des anciennes lois françaises, t. XIV, p. 64.)

2. Pontoise, capitale du Vexin français. Philippe Ier et saint Louis y résidèrent souvent. Cette ville fut plusieurs fois prise par les Anglais. Il ne reste que quelques ruines de son château démoli en 1742. Des maisons en occupent la plate-forme et les fossés de la ville sont devenus des jardins. Ainsi la paix et le travail prennent peu à peu possession des lieux que la guerre.. ensanglantait.

tèrent la cour et formèrent une alliance secrète, un triumvirat, pour défendre leur argent, et, disaient-ils, la religion en péril.

·Édit de juillet; états de Pontoise (1561). L’Hôpital continua sans se laisser distraire. Tout en déclarant, par l'édit de juillet, les prêches illicites, il accorda une amnistie générale et suspendit l'exécution de toute sentence, pour fait de religion, jusqu'à la décision d'un concile général. Il avait été convenu aux états d'Orléans, que treize commissaires de chaque ordre, un par province, se réuniraient avec de pleins pouvoirs pour la question des subsides. Le chancelier les convoqua, le 27 août, à Pontoise, petite ville assise sur un coteau dont l'Oise baigne le pied; en même temps il réunit, à Poissy, un colloque de théologiens des deux religions, destiné à trouver, s'il était possible, un compromis qui mît fin aux disputes. Ces états, ou siégèrent plusieurs calvinistes, demandèrent la convocation biennale de leur réunion, la tolérance religieuse, la réforme des offices de judicature et de finance, qui ne seraient plus que de simples commissions triennales; enfin, pour payer les dettes de l'État, la vente des biens de l'Église, estimés 120 millions, les membres du clergé devant être dédommagés par des pensions : c'était déjà l'idée qui fut appliquée par la Révolution. Le clergé ne put parer le coup qu'en offrant de libérer l'État des rentes constituées sur les aides, les gabelles et les domaines par un don annuel de 1600 000 livres pendant neuf ans. « Cet engagement, nous l'acquittons encore, »> disait l'abbé Maury à l'assemblée constituante de 1789.

Colloque de Poissy (1561). · Le colloque de Poissy ne tourna pas aussi bien. L'Hôpital l'avait ouvert par de graves paroles. « Nous avons fait, dit-il, comme les mauvais capitaines qui vont assaillir le fort de leurs ennemis avec toute leur force, laissant dépourvus et désarmés leurs logis; il nous faut maintenant les assaillir avec les armes de charité, avec prières, persuasions, paroles de Dieu, qui sont propres à tels combats! >> Puis il ajoutait : « Otons ces mots diaboliques, noms de partis et de séditions, luthériens, huguenots, papistes; ne changeons le nom de chrétiens! » La conférence commença bien. Les docteurs catholiques laissèrent Théodore de Bèze exposer sa doctrine. Mais quand il nia la présence réelle dans l'eucharistie, l'assemblée entière frémit. Le cardinal de Lorraine se récria contre les abominations qu'il venait d'entendre. Le général des jésuites, Lainez, un des assistants, s'éleva

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contre la reine elle-même, en revendiquant pour le pape seul le droit de prononcer sur les questions religieuses; et il fallut rompre au plus vite l'assemblée'.

Edit de janvier favorable aux calvinistes (1562). — Mais la reine soutenait le chancelier; elle allait même, à ce moment, plus loin que lui. Ses lettres au pape réclamaient de graves réformes dans la discipline et les rites. Aussi laissat-elle L'Hôpital rendre l'édit de janvier (1562), par lequel le culte calviniste était autorisé dans les campagnes et prohibé dans les villes fermees; toute peine portée contre les hérétiques suspendue; défense faite à eux de troubler l'ancien culte, de tenir des assemblées, de réunir des soldats; mais ordre intimé aux autorités de protéger le libre exercice de leur culte. C'était le premier acte réel de tolérance. Le gouvernement faisait ce que Castelnau dit dans ses Mémoires : « Donc, puisque l'on n'avait rien pu gagner en France contre les luthériens par le feu, par la mort et autres condamnations, trente ans durant, mais au contraire qu'ils s'étaient multipliés en nombre infini, il était expédient de tenter une autre voie, et d'essayer si l'on gagnerait quelque chose de plus par la douceur. »

Impatience des partis.— Cette vertu, malheureusement, n'était guère comprise par les passions du temps. Plus le gouvernement allait à la tolérance, plus les haines de catholiques à protestants s'envenimaient. Les moines, et principalement les jésuites, qui avaient existence légale en France depuis deux ans, exaltaient la ferveur des fidèles, et les excitaient à prendre en main la défense de la religion abandonnée par la reine. Le cardinal de Lorraine, des docteurs de Sorbonne imploraient secrètement l'assistance de Philippe V, qui faisait à la reine mère de menaçantes représentations. De leur côté, les protestants, croyant avoir cause gagnée, ne se contentaient pas de ce qu'on leur avait accordé. « Élevés de leur droit, ils estimaient tous doutes effacés, et tenant l'édit de janvier au poing, l'étendaient par delà ses bornes. »

Celui dont nous rapportons ici les paroles est Agrippa d'Aubigné, esprit vigoureux, caractère antique. Il raconte luimême que quelque temps après les exécutions, âgé de huit ans, il traversa avec son père la ville d'Amboise, où les cada

1. Le colloque eut lieu dans le réfectoire de l'abbaye. Près de là s'élève une très-curieuse église dont certaines parties, la nef, le chœur avec ses chapelles et ses tours occidentale et centrale, sont du onzième siècle. Elle est classée parmi les monuments historiques.

vres des suppliciés pendaient encore aux créneaux. Son père se découvrit devant ces restes mutilés, les lui montra, et, au milieu de la foule, s'écria : « Les bourreaux! ils ont décapité la France, » et, lui posant la main droite sur la tête, le menaça de sa malédiction s'il désertait la cause sainte des martyrs. « Mon enfant, il ne faut pas que ta tête soit épargnée après la mienne, pour venger ces chefs pleins d'honneur. Ces hommes-là avaient l'âme de fer, comme l'armure. »

Quand les réformés donnaient de telles leçons à leurs enfants, comment s'étonner que les rixes, les querelles éclatassent partout. Un jour L'Hôpital, répondant aux calomnies dont il était abreuvé, prononçait ces belles paroles : « Je sais bien que j'aurai beau dire, je ne désarmerai pas la haine de ceux que ma vieillesse ennuie. Je leur pardonnerais d'être si impatients s'ils devaient gagner au change; mais, quand je regarde tout autour de moi, je serais bien tenté de leur répondre, comme un bon vieil homme d'évêque qui portait comme moi une longue barbe blanche, et qui, la montrant, disait : Quand cette neige sera fondue, il n'y aura plus que de la boue. » L'Hôpital oubliait un mot : il fallait dire aussi du sang, car le sang allait couler à flots.

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Massacre de Vassy (1562). « Le clergé, partie de la noblesse et presque tout le peuple, dit Castelnau, jugeaient que le cardinal de Lorraine et le duc de Guise étaient comme appelés de Dieu pour la conservation de la religion catholique. » Cependant, à cette heure même, ils avaient à Saverne, avec le comte de Wurtemberg, cette entrevue dont il nous est resté un si étrange récit. Ils furent rappelés à Paris contre L'Hôpital, par le maréchal de Saint-André et par le roi de Navarre, qui avait abandonné le parti protestant, dans l'espérance d'obtenir de Philippe II la restitution de son petit royaume. Le 1er mars 1562, le duc de Guise passait par Vassy en Champagne. C'était un dimanche ; il s'y arrêta pour entendre la messe. Les chants de six ou sept cents protestants réunis dans une grange voisine arrivèrent jusqu'à lui. Quelques-uns de ses gens voulurent faire cesser ce qu'ils appelaient une injure et une bravade contre leur duc, et, sur le refus des protestants, mirent l'épée à la main. Ceux-ci se défendirent à coups de pierres. Le duc de Guise, accouru à l'aide des siens, fut atteint à la joue; alors toute sa suite se jeta sur ces malheureux sans armes, en tua soixante, en blessa plus de deux cents, sans distinction d'âge ni de sexe. Quelques jours après, à Sens, dont le

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