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influence, date de François Ier. Avant lui, elle n'existait pas. De graves conseillers entouraient seuls Louis XII, et la chaste Anne de Bretagne n'autorisait autour d'elle que des plaisirs tranquilles et rares. François Ier voulut être toujours suivi d'une troupe si nombreuse que l'on comptait autour de la demeure royale rarement moins de 6000 et quelquefois jusqu'à 18 000 chevaux. Les nobles n'y vinrent pas seuls s'y assouplir à l'obéissance, sous les regards du maitre. François, qui prétendait qu'une cour sans dames était une année sans printemps et un printemps sans roses, attira, par l'éclat de ses fêtes, les châtelaines jusqu'alors oubliées au fond de leurs manoirs féodaux. « Du commencement, dit très-bien Mézeray, cela eut de fort bons effets, cet aimable sexe ayant amené à la cour la politesse et la courtoisie, et donnant de vives pointes de générosité aux âmes bien faites. Mais les mœurs se corrompirent bientôt; les charges, les bienfaits se distribuèrent à la fantaisie des femmes, et elles furent cause qu'il s'introduisit de trèsméchantes maximes dans le gouvernement. » Trois femmes surtout exercèrent dans cette cour, sous le règne de François Ier, une influence désastreuse la propre mère du roi, Louise de Savoie, la comtesse de Châteaubriant, sœur de Lautrec, et la duchesse d'Étampes, qui, pour nuire au Dauphin auprès de son père, alla jusqu'à livrer aux ennemis de la France les secrets de l'État.

Traité de Noyon avec Charles d'Autriche (1516). — Jusqu'en 1519, la France et l'Europe furent en paix. En 1516, mourut Ferdinand le Catholique. Cette mort livrait à Charles d'Autriche, déjà souverain des Pays-Bas et roi de Castille, l'Aragon, la Navarre, Naples, la Sicile et la Sardaigne. François ne chercha point à l'empêcher de recueillir ce magnifique héritage. Il signa avec lui le traité de Noyon (1516), qui stipulait, entre les deux princes, une alliance offensive et défensive, sans autre avantage pour la France, que la restitution à Jeanne d'Albret de la Navarre, dont s'était emparé Ferdinand le Catholique. Une autre mort, celle de Maximilien (1519), vint tout changer.

François Ier brigue la couronne impériale; élection et puissance de Charles-Quint (1519). — François Ier vit dans cet événement une nouvelle perspective de grandeur. Il espéra relever l'empire de Charlemagne, et crut n'avoir qu'à demander la couronne impériale pour l'obtenir. L'Allemagne avait besoin d'un prince capable de la défendre contre les Turcs

dont la puissance était alors comme une marée montante, irrésistible, qui battait alternativement ses deux rivages d'Europe et d'Asie. Et qui pouvait mieux les arrêter que le brillant vainqueur de Marignan? Mais les princes allemands songeaient. aussi à la condition où les rois de France avaient réduit les grands seigneurs de leur pays, et ils redoutaient un sort pareil. L'archevêque de Mayence le dit tout haut au moment de l'élection : « Il n'y a plus aujourd'hui personne qui ne tremble, au plus petit signe du roi. » Il semblait qu'on n'eût rien de tel à craindre du nouveau roi d'Espagne, jeune, sans gloire, dont les États étaient nombreux, mais dispersés, et qui, maître de l'Autriche, avait à recevoir les premiers coups des Turcs, s'ils se tournaient contre l'Allemagne. Henri VIII d'Angleterre se mit aussi sur les rangs. Son île était bien loin, sa candidature ne fut pas sérieuse. « Les angelots, dit un contemporain, ne firent pas mieux que les écus d'or au soleil (monnaie de France). >> Tous les candidats avaient, en effet, prodigué l'or aux électeurs, et nous avons encore les quittances du marché; mais, quoique François eût le plus donné, Charles d'Autriche fut élu et devint Charles-Quint. Deux siècles de guerres sont sortis de cette élection simoniaque.

François Ier avait écrit très-chevaleresquement à CharlesQuint avant l'élection : qu'ils poursuivaient tous deux la même conquête et n'en resteraient pas moins bons amis, quel que fût le rival heureux. L'échec lui pesa. Outre le dépit de l'ambition blessée, il comprit bien vite les dangers que couraient la France et l'Europe de la réunion de tant de couronnes sur une même tête. De ce jour, la politique de la France changea. Il ne s'agissait plus de gagner une province au delà des Alpes, pour en faire probablement l'unique apanage de quelque fils de France, mais de sauver la liberté du continent menacée. Maître de l'Espagne et de Naples, des Pays-bas et de l'Autriche, CharlesQuint tenait, si j'ose dire, l'Europe par les quatre coins. Il était encore empereur d'Allemagne, titre auquel étaient attachés des droits de suzeraineté sur l'Italie; il entraînera bientôt dans son alliance le pape et Henri VIII d'Angleterre; Fernand Cortez et Pizarre faisaient pour lui la conquête du Mexique et du Pérou. Que manquait-il donc au nouveau Charlemagne, à l'ambitieux dont la devise était : « Toujours plus loin! » la France, qu'il menaçait déjà de trois côtés, par les Pyrénées, la FrancheComté et la Flandre. Mais la France ne se donna ni ne se laissa prendre.

C'est la gloire de François Ier d'avoir accepté avec la maison d'Autriche une lutte qui semblait si inégale. Il compta sur son courage et sur sa renommée; il pensa qu'un pouvoir fort et obéi, qu'un royaume compacte, une population militaire, riche et dévouée, valaient cette ambitieuse liste d'États remuants et dispersés, cet empire « sur lequel le soleil ne se couchait pas; » -« ce grand vaisseau dont la proue était dans l'Océan Atlantique et la poupe dans la mer des Indes. »

Négociations avec l'Angleterre (1520). — Les deux rivaux se disputèrent l'alliance du seul souverain redoutable après eux Henri VIII, roi d'Angleterre. François Ier lui offrit de splendides fêtes, au camp du Drap d'or, entre Guines et Ardres (7 juin 1520). Il y dépensa des sommes folles, et força ses courtisans à s'y ruiner comme lui. « Maints seigneurs, dit Martin du Bellay, y portèrent leurs moulins, leurs forêts et leurs prés sur leurs épaules. » Un édifice du temps, l'hôtel du Bourg-Théroude, à Rouen1, nous montre encore, dans ses curieux bas-reliefs, les pompeuses cavalcades et les divers incidents de cette entrevue fameuse. François éclipsa son hôte par sa magnificence, par son adresse et par la rare élégance de son esprit et de ses manières. Il blessa l'amour-propre de l'Anglais au lieu de le gagner. Charles-Quint, plus adroit, alla trouver Henri VIII à Gravelines, en petit appareil, comme un client, le salua du nom de père, pensionna son ministre favori, le cardinal Wolsey, auquel il promit la tiare, et s'assura ainsi l'alliance anglaise.

Les Français en Navarre, les Impériaux en Champagne (1521). · Battu en diplomatie, François espéra plus de succès à la guerre. Une révolte venait d'éclater en Espagne; il fit entrer dans la Navarre, que Charles-Quint, malgré ses promesses, n'avait pas restituée à Henri d'Albret, une armée qui parut n'être qu'à la solde de ce prince (1521). Lesparre, qui la conduisait, emporta Pampelune, où fut blessé un jeune gentilhomme basque, Ignace de Loyola, que sa blessure fit renoncer aux armes et qui fonda plus tard l'ordre des jésuites.

1. Cet hôtel s'élève sur l'ancien marché aux veaux, appelé aujourd'hui place de la Pucelle en souvenir du martyre de Jeanne d'Arc qui y fut brûlée. La façade extérieure n'indique nullement les richesses sculpturales qui s'offrent à la vue dans la cour intérieure. C'est cette cour que représente notre gravure. Les différentes scènes de l'entrevue des deux rois sont reproduites sur la pierre, et comme ces bas-reliefs sont contemporains de l'événement. ils forment un véritable musée pour l'archéologie de cette époque. Voy. la Normandie du baron Taylor.

En même temps, Robert de la Marck, duc de Bouillon, soudoyé en dessous main par la France, déclara la guerre à l'empereur et attaqua le Luxembourg. Mais les révoltés espagnols

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furent écrasés, avant l'arrivée des Français, qu'on chassa ensuite aisément de la Navarre. Au nord, le comte de Nassau, général de Charles-Quint, s'empara du duché de Bouillon, envahit la Champagne, prit Mouzon, et s'approcha de Mézières.

On voulait d'abord brûler cette ville pour ne pas la laisser aux ennemis : « Il n'y a point de place foible, dit Bayard, là où se trouvent des gens de bien, » et il se jetta dans Mézières. Les Impériaux le sommèrent de se rendre. « Il me faut un pont pour sortir, répondit-il, et les corps de vos gens n'ont pas encore comblé le fossé. » En deux jours, l'ennemi lança dans la place 5000 boulets, et l'on employa alors, pour la première fois, les bombes et les mortiers dont on se sert aujourd'hui. Mille soldats épouvantés s'enfuirent. « Tant mieux, dit Bayard, pareille canaille n'étoit pas digne d'acquérir de l'honneur avec nous. » Après trois semaines d'efforts, l'ennemi se lassa le premier. Bayard avait sauvé la France d'une invasion qu'aucune armée n'était prête à arrêter.

α

Défaite de la Bicoque (1522); perte du Milanais, — L'invasion de la Champagne avait engagé directement la guerre entre la France et l'Empereur. Le premier coup sérieux fut porté en Italie. Lautrec, qui commandait dans le Milanais, avait irrité les populations par un gouvernement dur et rapace. Inférieur en forces aux troupes espagnoles de Pescaire, il abandonna Parme, Plaisance, même Milan (1521). Il conservait avec peine ses Suisses, qu'il ne pouvait payer. François lui avait promis 400 000 écus pour leur solde; mais la duchesse d'Angoulême, jalouse de la comtesse de Châteaubriant, sœur de Lautrec et favorite du roi, s'était fait livrer, par le surintendant Samblançay, les sommes destinées aux Suisses. Ceux-ci, las d'attendre, demandèrent argent, congé ou bataille : Lautrec les mena à l'attaque de la Bicoque, à 7 kilomètres de Milan (22 avril). Ils s'engagèrent résolûment dans un chemin creux pour emporter la position, et l'attaquèrent à trois reprises différentes; foudroyés par l'artillerie, ils reculèrent, puis partirent pour leurs montagnes. Par leur retraite, le Milanais se trouva abandonné aux troupes espagnoles. Lautrec, de retour, se plaignit vivement de n'avoir pas reçu l'argent promis. On informa. Le surintendant, à qui la reine avait fait soustraire le reçu de la somme, ne put se justifier, et cinq ans plus tard fut pendu.

Trahison de Bourbon (1523). — François Ier crut réparer tout par sa présence. Il dirigea 25 000 hommes sur les Alpes; mais au moment où il allait en prendre le commandement, éclata un complot dont le succès eût ruiné la France. Charles-Quint, assuré du nouveau pape Adrien VI, son ancien précepteur, du roi d'Angleterre, qui avait promis de débarquer

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