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voulu qu'une ligne de douanes, la frontière, et il y en avait autour de chaque province. S'il ne put détruire les nombreux péages établis sur les chemins et les rivières, il les réduisit du moins, et il supprima dans douze provinces les douanes intérieures. Il encouragea, en diminuant le tarif des droits à payer (1664), l'exportation des vins et eaux-de-vie; il déclara Dunkerque, Bayonne et Marseille ports francs, et accorda à la dernière de ces villes, en 1670, une chambre d'assurances; il institua dans nos ports des entrepôts, où, en cas de réexporta

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Hôtel de ville de Lyon, commencé en 1646.

tion, les droits acquittés étaient rendus; il favorisa le transit par la France des marchandises étrangères, qui obtinrent le passage en franchise à travers toutes les provinces; il fit réparer les grandes routes devenues impraticables, et en construisit de nouvelles'. Enfin il projeta le canal de Bourgogne,

1. Colbert laissa malheureusement beaucoup à faire sous ce rapport. On voit dans les Mémoires de l'intendant de la généralité de Montauban en 1697, que les habitants du haut Quercy, du haut Rouergue et d'une grande partie des Pyrénées étaient obliges de faire des provisions de vivres pour cinq ou six mois de l'année, pendant lesquels les mauvais chemins leur fermaient toute communication avec le plat pays.

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1. Ce canal est alimenté au point de partage par les eaux de la MontagneNoire, qui sont reunies dans l'immense bassin de Saint-Ferréol; il a 1558

fit décréter celui d'Orléans, qu'on ouvrit en 1692, et creusa malgré l'opposition des États du Languedoc, celui des DeuxMers, qui joignit la Méditerranée à l'Océan. Le port de Cette fut construit à une de ses extrémités (1666); Toulouse était à l'autre, et, de Toulouse, la Garonne menait facilement à Bordeaux et à l'Océan. Ce travail, gigantesque pour l'époque, fut commencé en 1664 et continué sans interruption jusqu'en 1681. Il fut exécuté par le célèbre Riquet, d'une ancienne famille de Florence, sur les dessins d'un ingénieur français, Andréossy: il coûta environ 34 millions et employa, chaque année, dix à douze mille ouvriers.

Le commerce, ainsi secondé, prit un développement rapide. Pour régler cette activité nouvelle et l'éclairer, Colbert rétablit en 1665 le conseil de commerce institué par Henri IV. Louis XIV y présida régulièrement tous les quinze jours. Des conseils semblables, établis dans les provinces, durent « s'assembler tous les ans, au 20 juin, pour examiner l'état du commerce et des manufactures, » et choisir des députés qui présenteraient leurs vœux au ministre. Une ordonnance de 1671, qui ne fut malheureusement pas exécutée, prescrivit de rendre uniformes les poids et mesures dans tous les ports; ils le devinrent du moins dans nos arsenaux.

Commerce maritime et colonies. « Les étrangers, dit un édit de 1664, s'étaient rendus maitres de tout le commerce par mer, même de celui qui se fait de port en port au

dedans du royaume. » Chaque année, 4000 bâtiments hollandais débarquaient sur nos côtes les produits de leur industrie, particulièrement leurs draps, avec les denrées des deux mondes, et enlevaient nos soieries, nos vins et nos eaux-devie. Colbert voulut relever la France de cette infériorité. Il écrivait, le 21 mars 1669, à Arnauld de Pomponne, ambassadeur de la Haye : « Le commerce par mer se fait en Europe par 25 000 vaisseaux environ; dans l'ordre naturel chaque nation doit en posséder sa part suivant sa puissance, sa population et l'étendue de ses côtes; mais les Hollandais en ayant 15 à 16 000, et les Français 500 à 600 au plus, le roi emploiera toutes sortes de moyens pour s'approcher un peu plus du nombre de vaisseaux que ses sujets doivent avoir. » Déjà, en

mètres de longueur, 800 de largeur et 32 de profondeur. Quand les eaux s'élèvent plus haut, elles se déversent dans le vallon du Laudot, en formant à travers les arbres et les rochers une magnifique cascade. Il faut 60 jours pour remplir ce bassin, 8 pour le vider.

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1659, le surintendant Fouquet avait établi un droit d'ancrage de 50 sous environ (6 fr.) par tonneau sur les navires étrangers, payable à l'entrée et à la sortie de nos ports: Colbert conserva ce droit, qui fut presque pour notre marine ce que le fameux Acte de navigation a été pour la marine anglaise. Il accorda aux navires nationaux des primes pour l'exploitation et l'importation; et il encouragea les constructeurs des bâtiments pour la grande navigation par une autre prime de 4 à 6 livres par tonneau; de sorte que notre marine marchande, à la fois protégée et stimulée, prit l'essor.

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Mais les Anglais et les Hollandais avaient encore sur nous l'avantage d'une plus longue expérience, de débouchés assurés, de marchés qu'ils fréquentaient depuis un siècle, de capitaux immenses qui leur permettaient d'oser et de risquer davantage. Colbert, pour lutter avec eux, substitua des associations prvilégiées aux efforts isolés des individus. Il établit cinq grandes compagnies sur le modèle des sociétés hollandaise et anglaise celles des Indes orientales et des Indes occidentales en 1664; celles du Nord et du Levant en 1666; celle du Sénégal en 1673. Il leur accorda le monopole exclusif du commerce dans ces parages éloignés, avec des primes, leur fit des avances considérables (6 millions pour la seule compagnie des Indes orientales) et obligea les princes du sang, les seigneurs, les riches, à s'y intéresser; enfin il fit déclarer par un édit, en 1669, que le commerce de mer ne dérogeait pas à la noblesse'. En même temps, nos consuls, nos ambassadeurs, recevaient l'ordre, fréquemment renouvelé, de donner la plus énergique protection à notre commerce, et de lui fournir tous les renseignements qui pourraient lui être utiles.

Il voulut rendre la vie à notre système colonial, fort négligé depuis Richelieu. Nous ne possédions que le Canada avec l'Acadie, Cayenne, l'ile de Bourbon, quelques comptoirs à Madagascar et aux Indes. Colbert racheta, pour moins d'un million, la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie, Grenade et les Grenadilles, Marie-Galande, Saint-Martin, Saint-Christophe, Saint-Barthélemy, Sainte-Croix et la Tortue dans les PetitesAntilles (1664); il plaça sous la protection de la France les flibustiers français de Saint-Domingue, qui s'étaient emparés de

1. Il avait assuré une prime de 40 fr. par tonneau sur les marchandises exportées de France pour les colonies ou des colonies pour la France. Néanmoins, ces compagnies tombèrent après la mort de Colbert. Le monopole ne put les faire vivre. Colbert reconnut lui-même cette vérité en ouvrant, mais plus tard, en 1681, le commerce d'Amérique aux particuliers.

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