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séchement des marais. Toute terre conquise sur les eaux devint terre noble, c'est-à-dire non taillable. On vit se former ainsi tout un canton du Médoc, appelé Petite Flandre, à cause du grand nombre d'ouvriers flamands qui furent chargés de ces travaux sous la direction du Brabançon Bradley, le maitre des digues.

Un gentilhomme protestant du Languedoc, Olivier de Serre, a mérité d'être appelé le père de l'agriculture française, par les préceptes qu'il traça dans son Théâtre de l'Agriculture et son Ménage des champs, et qu'il pratiquait lui-même dans une espèce de ferme-modèle. Lorsque Henri IV eut reçu son livre, pendant trois ou quatre mois il s'en fit lire chaque jour un certain nombre de pages après son diner. Bien d'autres le lisaient et en suivaient les conseils, car la noblesse, oisive depuis la fin des guerres civiles, vivait aux champs et pas encore dans les antichambres du roi. Henri leur avait dit tout net « qu'il serait bien aise qu'ils allassent en leurs maisons, et donner ordre à faire valoir leurs terres. » Aussi la production fit-elle de rapides progrès; dans la première moitié du XVIIe siècle, l'agriculture française fut la première de l'Europe. Il n'y eut pas une seule disette de 1598 à 1626.

Industrie et commerce.

Sully disait, comme Pline, que les travaux des champs font les bons soldats, ex agricultura strenuissimi milites. Le brave gentilhomme craignait que l'industrie ne désaccoutumât les Français de cette vie active, au grand air qui donne force et santé, et qu'à vivre enfermée dans les manufactures la population ne dégénérât. Il s'opposait aussi à l'importation des cultures et des industries étrangères, dans l'idée que Dieu avait donné à chaque pays abondance et disette de certaines choses, « afin que, par le commerce et trafic de ces choses........ la fréquentation, conversation et société humaine soient entretenues entre les nations. » Henri IV pensait autrement : il s'efforça de propager en France la culture du mûrier et l'élève des vers à șoie. Les Tuileries, l'emplacement des Tournelles (place Royale, furent plantés de mûriers; il voulait qu'il y en eût une pépinière dans chaque élection, et il commença par les généralités de Paris, d'Orléans et de Tours, où des magnaneries s'élevèrent, pour affranchir la France du tribut de 4 millions d'écus d'or (40 millions de francs) qu'elle payait depuis si longtemps à l'Italie en achat de soies. Semblable intention se révèle dans la fondation de manufactures de crêpe fin de Bologne, de fil d'or, façon de Milan, dont

de

il entrait en France chaque année pour 12 000 000 écus, tapisseries de haute lisse, de cuir doré, de verreries, de cristaux, de glaces, de toiles façon Hollande, etc. C'était un meilleur moyen de retenir l'or dans le royaume que les prohibitions par lesquelles Sully voulait en arrêter la sortie. Il s'était ́ opposé à toutes » ces babioles, » et il n'avait cédé qu'à la volonté absolue du roi. De ces babioles, la France en a vendu à l'étranger, en 1853, pour 376 millions. En 1604, le roi convoqua une assemblée du commerce. On y proposa entre autres choses une réformation générale des corps de métiers, et la fondation du haras pour éviter à la France la nécessité d'acheter des chevaux de guerre à l'Allemagne, à l'Espagne, à la Turquie, à l'Angleterre.

Marine; colonies. La marine militaire, développée par François Ier, était retombée si bas, que le cardinal d'Ossat écrivait en 1596, à Villeroy: Les plus petits princes d'Italie, encores que la pluspart d'eux n'aient qu'un poulce de mer chacun, ont néantmoins chacun des galères en son arsenal naval, et un grand royaume flanqué de deux mers, quasi tout de son long, n'a pas de quoy se défendre par mer contre les pirates et corsaires, tant s'en faut contre les princes. » D'Ossat révélait en même temps l'importance du port de Toulon. Sully n'avait point le répugnance pour la marine; mais les colonies lointaines l'effrayaient. Les vues de Henri IV allaient plus loin que celles de son ministre; pour encourager le commerce avec l'Amérique du Nord, qui s'accroissait à ce point que, en 1578, il était venu à Terre-Neuve seulement 150 navires français; il envoya Champlain, gentilhomme de Saintonge, fonder au Canada, en 1604, Port-Royal (aujourd'hui Annapolis), et plus tard (1608) Québec, sur le fleuve Saint-Laurent. Le nom de ce marin est resté à un des grands lacs du pays; mais le pays luimême n'est plus à nous, quoiqu'il ait gardé notre langue et les douces souvenances de la mère patrie. Henri songea même à créer une compagnie des Indes, capable de rivaliser avec celles qui se formaient en Angleterre et en Hollande : il n'eut pas le temps de réaliser ce projet; mais il signa avec la Tur quie un traité où il était dit que toutes les nations chrétiennes pourraient commercer librement dans le Levant sous la bannière et protection de la France, et en reconnaissant la juridiction des consuls français. Ce pavillon était le seul qui fût respecté sur les côtes barbaresques. Les étrangers chassaient nos vaisseaux de leurs ports par des droits d'ancrage considé

rables, Henri IV usa de représailles, au grand profit de nos marins. Fouquet et Colbert reprendront cette idée.

Travaux publics; canal de Briare. On voit encore çà et là sur nos collines quelques vieux ormes que les paysans appellent des Rosnis. Ce sont les restes des plantations faites le long des routes tracées par Sully, qui savait bien que le pays le plus fertile reste pauvre si la viabilité y est mauvaise. Les plans de tous les grands canaux dont la France a été plus tard sillonnée furent conçus alors. Un seul fut exécuté, celui de Briare. C'est l'exemple le plus ancien, hors d'Italie, d'un

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canal avec écluses à sas réunissant deux versants différents. Sa longueur est de 55 kilomètres, sa pente de 117 mètres rachetés par 40 écluses. Il part de Briare sur la Loire et débouche dans la Seine près de Moret, jolie petite ville sur le Loing, qui avait titre de comté et qui donna son nom à un fils de Henri IV. Armée. Les légions provinciales de François Ier et de Henri II n'avaient pas été complétement détruites; il en était resté des compagnies dont on fit des régiments. Il n'y avait que quatre de ces régiments en 1595, commandés par des mestres

de camp; Henri les porta à onze, Louis XIII à trente. Mais l'habitude de solder des troupes étrangères subsista. La cavalerie continuait d'être dans une proportion exagérée, la noblesse ne voulant servir que là. La maison militaire du roi formait un corps d'élite. L'artillerie, entre les mains de Sully, prit une telle importance, que son grand maître fut compris au nombre des grands officiers de la couronne. Depuis 1572, défense était faite à tout seigneur d'avoir du canon en son château sans permission expresse du roi. Sully établit le payement mensuel de la solde, qui n'était auparavant délivrée que deux ou quatre fois par an. Le surintendant des fortifications date

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de 1558, celui des vivres de 1577. C'étaient deux'grands services qui jusqu'alors étaient allés à l'aventure et qu'on avait régularisés. Sully veilla de près sur eux; il fit réparer nombre de forteresses et remplir les arsenaux que la guerre civile avait vidés. Enfin Henri IV eut l'idée, que Louis XIV réalisa si magnifiquement, d'assurer un asile aux vieux soldats; mais son hôpital de la Charité, rue de l'Ourcine, ne lui survécut pas.

Les arts et les lettres sous Henri IV; galerie du Louvre; hôtel de ville de Paris. Sans aimer les arts comme François Ier, Henri II et,Charles IX, Henri IV comprenait ce qu'ils jettent d'éclat sur un règne. Il accepta donc l'hé

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