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roi. Que demandez vous? - A être reçu au giron de l'Église catholique, apostolique et romaine. » Il s'agenouilla et fit sa profession de foi. « Je jure, dit-il, devant la face du Dieu toutpuissant, de vivre et de mourir en la religion catholique; de

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la protéger et défendre envers et contre tous, au péril de mon sang et de ma vie, renonçant à toutes hérésies contraires à icelle. »

Quelques prédicateurs de la Ligue essayèrent vainement de

présenter cet acte comme une hypocrisie. « On l'a vu, disait l'un d'eux, en une même heure huguenot et catholique, et puis le voilà à la messe, et sonne le tambourin! » Le plus grand nombre regarda cette conversion comme le gage d'une patriotique réconciliation. Les états furent tués du coup. Ils déclarèrent qu'ils n'avaient point pouvoir pour régler la succession au trône, renouvelèrent le serment d'union, ordonnèrent la publication du concile de Trente, pour faire quelque chose, et se dispersèrent au milieu de l'indifférence générale. Dans les provinces, la réaction se prononça davantage. Lyon s'insurgea contre le duc de Nemours et arbora le drapeau blanc; Meaux, Péronne, Montdidier, Vitry, Orléans, entrainèrent leurs gouverneurs. Le sacre, qui eut lieu à Chartres (27 février 1594), augmenta ces dispositions. Là où l'entraînement populaire ne suffisait pas, Henri aida au dénoûment par d'habiles négociations. Ainsi, il acheta Paris à Brissac pour un bâton de maréchal, les gouvernements de Mantes et de Corbeil, et 200 000 écus.

Brissac prit soin que rien ne vint rompre son marché; il éloigna ou occupa les troupes dont il se défiait. Le 21 mars au matin 4000 hommes d'élite se présentèrent à la porte SaintDenis et à la porte Neuve. Quelques Allemands qui s'y trouvaient mirent bas les armes. Les troupes royales en bon ordre descendirent au centre de Paris et occupèrent silencieusement les principales places. Le peuple ne montra d'abord que de la stupéfaction. Mais quand le roi se présenta, reçu par Brissac et le prévôt des marchands, L'Huilier, moitié souriant, moitié menaçant, les cloches sonnèrent à pleines volées, et les cris de: « Vive la paix! vive le roi!» le saluèrent. Quelques ligueurs qui voulurent remuer furent contenus par les gardes bourgeoises. La garnison espagnole, au nombre de 3000 hommes, se cantonna dans le faubourg Saint-Antoine, espérant d'abord y faire résistance. Quand elle sut le roi au Louvre et toute la ville satisfaite ou tranquille, elle se résignà à sortir avec les honneurs de la guerre. L'ambassadeur, duc de Féria, passant avec elle sous les fenêtres du palais, ne fit au roi qu'un maigre salut. « Messieurs, dit Henri avec son ironie habituelle, recommandez-moi à votre maître, mais n'y revenez plus ! » Ils n'y étaient que trop venus! Un ligueur, Villeroy, en fait l'aveu. « Nous n'avons soutenu la guerre depuis le commencement que des deniers du roi d'Espagne et avec ses forces. » Soumission des liguears. Le roi avait la capitale,

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le parlement épuré et restauré abolit les arrêts rendus contre lui, où la Sorbonne reconstituée le reconnut pour vrai et légitime roi; mais il n'avait pas toute la France; les Espagnols y étaient encore, et les chefs ligueurs comptaient ne sortir de cette longue tourmente que les mains bien garnies.

Henri marcha d'abord contre les Espagnols et les Lorrains, fortement établis dans quelques places de la frontière du nord, surtout à Laon. Un de ses partisans les plus dévoués, dont le rôle grandissait chaque jour, Maximilien de Béthune, baron de Rosny, plus tard duc de Sully, fut chargé des traités et eut ordre de n'y point user de façons ni remises. » La présence seule du roi fit déclarer Abbeville malgré d'Aumale, Troyes et Sens malgré les Lorrains. Biron, le fils du maréchal récemment mort à Épernay, aussi brave et habile que son père, commença avec 8000 hommes les tranchées autour de Laon, tint tête à une armée de secours arrivée des Pays-Bas, et emporta la ville dont la reddition décida celle d'Amiens, de Beauvais, de Château-Thierry et de Cambrai.

Le siége en règle fait par les promesses et l'argent de Sully à la Ligue eut des résultats encore plus prompts. Villars-Brancas livra Rouen et la Normandie, pour la charge d'amiral et 60 000 livres de pension. Le fils du Balafré, Guise, céda ses places de Champagne pour 24 000 livres de pension et le gouvernement de la Provence (nov. 1594); le duc de Lorraine fit sa paix pour 900 000 écus et le gouvernement de Toul et de Verdun. On félicitait un jour Henri IV de ce que ses loyaux sujets lui avaient rendu son royaume : « dites vendu, » s'écriat-il. Suily estime qu'il lui en coûta 32 millions qui en vaudraient quatre fois autant aujourd'hui. Pour mieux finir la guerre civile, Henri commença une guerre nationale contre l'étranger. Guerre avec l'Espagne : combat de Fontaine-Française (1595). Depuis vingt-cinq ans et plus, l'Espagne avait eu la main dans tous les troubles, dans tous les malheurs de la France. Elle seule perpétuait la résistance des derniers ligueurs, et retardait l'absolution pontificale qui manquait | encore à Henri IV. Peut-être même ne fut-elle pas étrangère à une tentative d'assassinat faite contre le roi. Un jeune homme, Jean Châtel, lui porta un coup de couteau à la gorge. Henri, en se baissant pour embrasser un seigneur, évita le coup et ne fut frappé qu'à la lèvre. Châtel avait étudié chez les jésuites, et était en relation avec plusieurs d'entre eux. Ces pères s'étaient montrés dans la Ligue les plus ardents fauteurs des pré

tentions espagnoles. Un d'eux fut exécuté après Châtel1; un arrêt du parlement bannit les autres du royaume, le 8 janvier 1595, «comme perturbateurs du repos public et corrupteurs de la jeunesse. » Le 17 du même mois, Henri déclara solennellement la guerre à Philippe.

Le roi d'Espagne ordonna au gouverneur du Milanais, Velasco, de passer dans la Franche-Comté, et à Fuentès, gouverneur des Pays-Bas, de se jeter en Picardie. Henri IV courut au-devant du premier, et renouvela en Bourgogne ses héroïques témérités. Le 5 juin, il fut surpris avec le maréchal de Biron près de Fontaine-Française par l'armée ennemie ; il n'avait qu'une poignée de braves autour de sa personne. « Faites, messieurs, leur dit-il, comme vous m'allez voir faire, » et, en risquant dix fois sa vie, il arrêta l'effort des Espagnols; ses troupes eurent le temps de le rejoindre. Pendant qu'il était sur la Saône, le comte de Fuentès arrivait sur la Somme, entrait dans Ham, dans le Catelet, dans Doullens, où il saccagea tout, et faisait tomber Cambrai, par la crainte d'un sort semblable.

L'absolution, depuis

Absolution du roi (sept. 1595). longtemps demandée au pape par Henri IV, couvrit heureusement ces revers. «Philippe II menaça en vain : Clément VII, dit un cardinal, a perdu l'Angleterre par trop de vivacité; que Clément VIII ne perde pas la France par trop de lenteur » Les deux ambassadeurs du roi, Duperron et d'Ossat, ayant abjuré l'hérésie au nom de Henri, et promis la publication des décrets du concile de Trente, excepté ceux qui pourraient exciter quelques troubles, le grand pénitencier toucha de sa baguette la tête des ambassadeurs agenouillés, et le pape prononça la formule d'absolution au milieu des acclamations du peuple. Le roi, du reste, remplissait partout et minutieusement les devoirs d'un bon catholique A la messe, il édifiait les fidèles; au plus long sermon, il ne montrait pas d'ennui, et le jour de Pâques il touchait les écrouelles. On n'eût pu trouver un prince plus orthodoxe 2.

1. Il avait approuvé, dans des écrits qu'on saisit au collége de Clermont, le meurtre de Henri III, et y soutenait une doctrine qu'on retrouva dans l'interrogatoire de Châtél. Ce jeune homme, souillé de vices, avait voulu, disait-il, racheter son âme en tuant le roi, «< chose permise, puisqu'il n'était pas approuve du pape. » Un vicaire de Saint-Nicolas des Champs fut exécuté pour des propos pareils : c'était le vieux levain de la Ligue qui fermentait encore dans quelques ȧmes depravées.

2. Voy. le récit de la semaine sainte, passée par Henri IV en 1598 à Angers dans le Journal de Louvet, forcené ligueur qui n'était devenu royaliste que depuis l'absolution donnée par le pape. Mourin (La Ligue en Anjou, p. 313.)

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