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LES THEATRES DE PARIS DEPUIS 1806 JUSQU'EN 1860. Par M. LOUIS VÉRON, député et membre du Conseil général de la Seine (1).

LE NOUVEAU PARIS,

PAR ÉMILE DE LA BÉDOLLIÈRE,

AVEC ILLUSTRATIONS DE GUSTAVE DORÉ ET CARTES DE DESBUISSON (2).

LES GRANDES USINES,

PAR M. TURGAN (3).

De la part d'un homme qui, malgré ses titres officiels, doit avoir de grands loisirs, qui a beaucoup vu de choses et qui est parvenu à l'âge où l'on aime assez à conter, on devrait attendre un tout autre livre. On sait que M. Véron affectionne les petites histoires, les petits commérages, les révélations minutieuses. Ses Mémoires d'un Bourgeois de Paris en sont la preuve. Mais on trouvait dans tout ce qu'il a fait jusqu'ici quelques renseignements amusants sur la société parisienne. Il n'en est pas de même pour cette brochure sous le titre pompeux de : Paris en 1860, elle ne tient pas ce qu'elle promet. Les sujets traités formaient cependant un cadre intéressant à des titres bien divers. En voyant les noms de quelques-uns des hôpitaux de Paris, nous nous attendions à des études dignes de la sympathie qu'inspire la bienfaisance publique; en voyant les noms des trois théâtres subventionnés, nous nous attendions à trouver la question traitée ex professo par M. Véron, qui était là sur le terrain d'une de ses compétences. Point du tout. Quand M. Véron était médecin, il avait des prétentions littéraires; maintenant qu'il veut être homme de lettres, il semble ne plus vouloir s'occuper que d'édilité. Ce qui est surtout frappant dans cette légère production, c'est l'incroyable exiguïté des détails : la grandeur des omnibus qui transportent à Vincennes les convalescents, le menu des repas donnés aux en(2) 1 gros vol. in-8°, Gustave Barba.

(1) 1 vol., Librairie Nouvelle. (3) Librairie Nouvelle.

fants à l'Asile, le chiffre des petites dépenses, tout est indiqué avec une désolante exactitude. Ainsi, vous apprenez que dans la maison Eugène-Napoléon, les enfants ont des robes de mérinos gris, bordées de bleu pour l'hiver, d'orléans gris pour l'été; de bottines grises. Le dimanche, elles portent aux cérémonies religieuses un bonnet plus élégant, garni de dentelles qui sont l'œuvre de la première division.... - A midi, elles ont soupe, viande braisée en ragoût ou rôtie, et légumes.

Franchement, n'y a-t-il rien de mieux à dire sur des établissements ouverts à la charité?

On peut ainsi trouver à chaque page des remarques, des observations naïves en nombre assez grand pour occuper pendant longtemps la conversation des valetudinaires qui vont se chauffer à la Petite Provence; mais il serait impossible de citer dans ces pages une observation neuve, un détail nouveau, un aperçu inėdit, soit sur les embellissements de Paris, soit sur l'organisation des théâtres. M. Véron se borne à des découpures dans les Faits divers des journaux ou dans les budgets du département de la Seine.

On va ainsi de la première ligne jusqu'à la dernière sans comprendre que M. Véron n'ait pas attendu, pour produire ce livre au grand jour, qu'il ait recueilli des renseignements assez précieux pour ajouter à la séduction des quinze gravures que le livre renferme. Il y aurait cependant un grand travail à faire — curieux, plein d'études, de recherches, de renseignements utiles, - sur ce vieux Paris qu'on démolit chaque jour et sur la nouvelle ville que nous voyons grandir si vite; et c'est une pareille entreprise que M. Émile de la Bédollière vient de conduire à bonne fin. Dans le gros volume intitulé le Nouveau Paris, il trace l'histoire de nos vingt arrondissements, et chacun rappelle quelque grand souvenir ou quelque grande idée. Le Louvre, c'est notre vieille histoire; l'Hôtel de ville, ce sont les jours de l'explosion de nos libertés; la Bourse, c'est l'industrie; les Halles, c'est le commerce; le Palais-Bourbon, ce sont les luttes parlementaires; et les buttes Chaumont, les luttes de 1814. M. de la Bé

dollière a toujours écrit sans prétention il sait beaucoup, il travaille beaucoup, et dans tout livre de lui on trouve une pensée heureuse et des recherches consciencieuses.

Déjà en 1858, l'Académie des inscriptions et belles-lettres l'a couronné pour un travail sur les mœurs et la vie privée des Français. Le livre qu'il vient de publier, moins savant, plus concis dans le cercle même qu'il embrasse, sera appelé à d'autres succès. C'est un excellent vade-mecum pour quiconque veut connaître Paris; c'est un excellent memento pour le petit nombre de ceux qui le connaissent bien.

A un point de vue différent, la publication entreprise par M. Turgan, et éditée avec luxe par la Librairie Nouvelle, se rattache à l'histoire du Paris nouveau. C'est le Paris industriel, le Paris des grandes usines et des merveilleuses productions. On trouve dans les livraisons déjà publiées de cet excellent ouvrage des détails pleins d'intérêt et de clarté sur plusieurs établissements qui ont une importance capitale et une célébrité européenne. En feuilletant ces livraisons remplies de gravures, on suit la marche des travaux à l'Imprimerie impériale, à la Monnaie, aux Gobelins, à la manufacture de Sèvres, etc., aussi facilement et avec plus de netteté que si on errait au milieu des machines elles

mêmes.

Jusqu'ici les ouvrages de ce genre étaient presque toujours obscurs pour le vulgaire celui-ci, tout en renfermant des détails techniques, met la science à la portée de tous et facilite par un grand nombre de bonnes gravures l'intelligence des mécanismes les plus compliqués. Il est important que des publications de ce genre, très-usitées en Angleterre, deviennent plus populaires en France; mais que M. Turgan se tienne en garde contre tout ce qui pourrait faire ressembler à une réclame cette œuvre d'un intérêt général! Tout en ayant la juste prétention de jouer dans le monde un grand rôle industriel, nous avons trop peu tenté jusqu'ici pour en donner et en répandre la preuve. Ce sera là, dans la sphère qu'il s'est tracée, le but de cet ouvrage. C. BERNEL.

HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ITALIE DE 1846 A 1850,

PAR M. DIEGO SORIA,

PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC EN ITALIE (1).

Jamais livre ne vint plus à propos. On aime l'Italie en France, et chacun prétend le lui montrer à sa façon. Mais il est peu de pays dont on ignore aussi profondément l'histoire, car on ne peut donner ce nom aux récits contradictoires enfantés et défigurés par les passions du jour. De là tant d'engouements aveugles, tant de jugements hasardés, et tant de préjugés si bien reçus à l'état d'axiomes, que la puissance des événements ne suffit pas encore à les dissiper tout à fait. Mais ne nous faisons pas trop coupables. Cette histoire, où l'aurions-nous apprise? Nous ne connaissons dans notre langue que deux tentatives sérieuses en ce genre, toutes deux également insuffisantes: le travail trop sommaire et trop coupé de divisions factices de M. Charles Perrens, et l'ouvrage estimable, mais incomplet sous d'autres rapports, de M. César Vimercati. M. Diego Soria comble aujourd'hui cette lacune. Par l'étendue des documents qu'il cite, par l'importance et la sûreté des informations, il met tout lecteur intelligent à même de se faire à lui seul une idée vraie des événements qu'il a sous les yeux. Quant à ses impressions personnelles, elles sont celles d'un Italien passionné pour l'Italie, et qui a connu pour elle les souffrances les plus aiguës de l'exil. On a le droit d'en discuter la portée et les termes, mais on ne peut en suspecter la sincérité.

La période de quatre années que son livre embrasse, depuis l'amnistie de Pie IX jusqu'à la chute de Rome et de Venise, soulève toutes les questions et met en scène presque tous les hommes qu'à dix ans d'intervalle nous retrouvons aujourd'hui dans le drame italien. C'est le prologue, mais un prologue plus tumultueux, plus bruyant, plus frémissant de passions contraires que

(1) Deux volumes in-8°. Grassart, éditeur, 3, rue de la Paix.

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ne l'est presque le dénoùment; et c'est un salutaire et consolant spectacle, en comparant l'action des mêmes personnages aux deux époques, de voir combien l'expérience peut servir en politique, et à quel degré les nations elles-mêmes sont susceptibles d'éducation. M. Soria se jette avec ses acteurs dans la mêlée des opinions et des partis; il s'en excuse dans sa préface. Nous croyons qu'il n'en avait pas besoin. Il faut à l'histoire une moralité, et nous mettons l'historien philosophe qui conclut et qui juge, au-dessus du chroniqueur indifférent qui ne sait que peindre et raconter. Or, pour juger, il est bon d'entendre, et nous comprenons à merveille que M. Soria ne se décide qu'après avoir reproduit dans leur vivacité les arguments de chaque parti. Ses appréciations d'ailleurs sont la plupart du temps équitables et toujours patriotiques. Pourquoi faut-il que quelques taches déparent l'impartialité de l'ensemble? La réponse est dans une date. Le livre est de 1859, avant la guerre. L'Italie alors avait peut-être le droit d'être soupçonneuse et défiante, car elle était malheureuse et sujette encore. Mais aujourd'hui que, relevée et fière d'elle-même, elle abjure ses préventions et ses griefs, et qu'elle signale sa régénération par des miracles d'abnégation personnelle, il ne doit pas en coûter à M. Soria pour la suivre dans cette voie de réparation et d'oubli. Le bonheur porte à l'indulgence. Qu'il efface donc quelques traits trop vifs, quelques accusations trop acerbes, quelques arrêts trop sévères, qu'on pouvait croire injustes il y a deux ans déjà, mais qui sont tombés aujourd'hui devant l'évidence. Nous demandons grâce en particulier pour M. Farini, historien comme M. Soria, quand il ne serait pas l'homme d'État dévoué au service de la cause commune. La modération à son égard serait d'autant plus légitime, que le travail de M. Farini a singulièrement abrégé les recherches de M. Soria pour l'histoire des États romains.

M. Soria possède complètement notre langue, et l'on est surpris, en lisant ses deux volumes, de la souplesse avec laquelle il sait adapter son style à tous les sujets. Si l'étranger se trahit dans de rares passages, c'est plutôt par un tour que par un mot, par un développement d'une longueur inusitée, par un emportement hors

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