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thousiasme la Virgen purísima et les Andalouses au pied furtif, à la taille cambrée, qu'elles soient brunes ou blondes :

Por una que peinaba
Rubios cabellos

Olvidé una morena

De pelo negro.

Pour une femme qui peignait des cheveux blonds, j'oubliai une brune à la noire chevelure. »

On trouverait aisément, en lisant ces Contes et poésies populaires, plus d'un exemple d'affèterie; ainsi dans ces vers:

Mi corazon dió un suspiro

Y el alma le preguntó :
¿Corazon, porqué suspiras?

Alma, porqué tengo amor.

« Mon cœur lança un soupir, et mon âme lui demanda : 0 cœur, "pourquoi soupires-tu ? Parce que, ô mon âme, j'ai de l'amour. » Les coplas suivantes sont pleines de finesse et de tendresse; ce sont deux charmants petits bijoux ciselés avec un art infini :

Dame la mano, prima;

No quiero, primo,

Que está muy lejos Roma,

Y no sé el camino.

Donne-moi la main, cousine. Je ne veux pas, mon cousin, car » Rome est très-loin, et je ne sais pas le chemin. "

Quisiera verte y no verte,
Quisiera hablarte y no hablarte.
Quisiera encontrarte á solas

Y quisiera no encontrarte.

« Je voudrais te voir et ne pas te voir; je voudrais te parler et ne "pas te parler; je voudrais te rencontrer seule et je ne voudrais pas te

» rencontrer.

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C'est bien à contre-cœur que nous ne faisons pas ici de plus longues citations. Nous renvoyons avec confiance nos lecteurs au volume publié par Fernan Caballero. Ne croyez pas que tous les proverbes andalous soient consacrés à l'amour. Les habitants de ce pays sont doués d'un Pratique excellent, et leur morale n'a souvent rien à envier à la prudence des mieux avisés.

sens

Voulez-vous

un proverbe profond et triste, trop triste peut-être?

« Des amis, il n'est point d'amis. Votre meilleur ami vous trompe. » Il n'y a d'autre ami que Dieu et un duro dans la poche.

Voici un autre proverbe qui paraît mal s'accorder avec la loquacité andalouse, et qui semble plutôt empreint du mutisme castillan :

Réfléchis, réfléchis, car en y pensant toujours, les plus grandes » impossibilités sont vaincues en se taisant. »

La lecture des Poésies populaires réunies par Fernan Caballero montrera que l'esprit riant, la gaieté franche, cordiale, expansive, sont les heureux apanages de cette contrée favorisée des dieux, aimée des femmes et du soleil. Rien, pas même la verve intarissable du héros de Beaumarchais, ne peut donner une idée du brio de ce peuple pétulant, alerte et voluptueux. Sans les chercher, son esprit trouve les rapprochements les plus inattendus et tire du contraste des choses un effet pittoresque, ingénieux. Tour à tour léger, grave, parfois aussi positif, l'Andalou regarde comme la plus sérieuse des occupations l'amour qu'a fait naître dans son cœur un regard échangé à travers une grille. Si la troupe légère des dieux, à jamais disparue de l'Olympe, pouvait revivre un jour, ce serait au sein de la Bétique qu'ils aimeraient à prendre une enveloppe mortelle, tous ces dieux amis du plaisir, toutes ces prêtresses de l'amour facile. Vénus ne rêverait pas d'autre temple que ce ravissant palais de Séville, situé sur les bords du Guadalquivir, et ses jardins où s'étalent, caressées par une tiède brise, toutes les merveilles de la flore africaine. On respire dans ce délicieux pays je ne sais quel bien-être; on est heureux d'admirer son ciel toujours bleu, de se chauffer aux rayons de son soleil, de vivre au sein de cette atmosphère toute parfumée de senteurs ineffables. Ne vous étonnez donc pas si les habitants de ces contrées aiment leur Andalousie comme les amoureux leurs maîtresses; tout y respire si bien la volupté, que le catholicisme y a vu fondre les rigueurs de son exaltation ascétique. Si vous entriez, à un certain jour de l'année, dans la cathédrale de Séville, en voyant des Andalouses, dans ce costume d'un adorable mauvais goût que chacun connaît, agiter dans leurs mains coquettes les palillos de la danse effrénée, vous seriez surpris de voir le paganisme, survivant à toutes ses défaites, étaler ses pompes dans le temple même du Crucifié; vous constateriez une fois de plus ce mélange de sentiment religieux et de passions, de galanterie et de dévotion qui vous étonne toujours, vous, enfants des froides régions du Nord.

E. L.

LES THEATRES.

Le monde des théâtres est enfin sorti de l'espèce d'engourdissement où il était plongé depuis deux mois. Les derniers jours de l'année qui vient de finir et les premiers de celle qui commence ont vu éclore de nouveaux titres sur chaque affiche. Aussi, bien loin de nous plaindre, comme dans notre précédent article, de la disette de nouveautés à passer en revue, nous n'avons aujourd'hui que l'embarras du choix, car depuis trois semaines les premières représentations se sont succédé avec la même rapidité que les fusées du bouquet d'un feu d'artifice. Il est vrai que beaucoup de ces ouvrages sont destinés comme elles à briller un moment pour disparaître presque aussitôt, sans laisser trace de leur passage. On peut dire que c'est là de la littérature de jour de l'an, qui vise à l'effet comme tous les objets d'étrennes, et qui dans le fond ne vaut pas grand'chose. Enfin il faut la prendre pour ce qu'elle est, et les spectateurs qui s'aventurent à aller entendre ces œuvres éphémères doivent s'estimer très-heureux lorsqu'ils y rencontrent par hasard une scène amusante ou quelques saillies spirituelles. Mais les revues de l'année 1860, bien qu'en très-grand nombre, ne sont pas les seules pièces qui se soient produites dans ces derniers temps; nous avons vu paraitre aussi quelques ouvrages que leur genre plus sérieux et leur caractère plus élevé recommandent spécialement à l'examen de la critique. Ces derniers sont-ils dignes de fixer l'attention du public, et sont-ils appelés à fournir une plus longue carrière que leurs sœurs les pièces de facture? C'est ce que nous nous proposons d'examiner aujourd'hui.

Le théâtre de l'Opéra-Comique, après bien des hésitations et bien des retards, s'est enfin décidé à nous donner Barkouf, l'opéra de M. Offenbach. Ce compositeur a maintenant ses entrées de plain-pied sur toutes nos scènes lyriques; toutes les portes lui sont ouvertes, et nous ne serions pas étonné qu'on lui confiât un de ces jours le libretto d'un grand opéra en cinq actes. Pour notre part, nous nous réjouissons de la faveur dont il est l'objet, non pas que nous soyons admirateur enthousiaste de sa musique, tant s'en faut! mais parce l'on ne peut bien se rendre compte de l'étendue des facultés d'un compositeur qu'en lui voyant aborder plusieurs genres différents. M. Offenbach, ayant écrit des partitions pour les Bouffes-Parisiens, pour l'Opéra et pour l'Opéra-Comique, a maintenant accompli ses trois débuts, comme les chanteurs en province; c'est au public à décider s'il prononcera son admission. Parcourons rapidement les pièces sur lesquelles ce jugement devra être rendu.

M. J. Offenbach, vers 1845, s'était fait une assez grande réputation comme violoncelliste; cependant son jeu pêchait bien un peu par la justesse, mais il avait l'air inspiré en parcourant le manche de son instrument, et par ses attitudes convulsionnaires, il rappelait, disait-on, les poses de l'illustre Paganini. Plus tard, la vogue venant à l'abandonner, il accepta la tâche assez ingrate de diriger l'orchestre du ThéâtreFrançais, qui est chargé, on le sait, d'exécuter un morceau symphonique au milieu de chaque entr'acte, pendant que tout le public est dehors. Cette position ne pouvait être qu'un pis-aller pour un musicien de quelque valeur, aussi M. Offenbach ne tarda pas à l'abandonner, et enfin, en 1855, il alla fonder aux Champs-Élysées le théâtre des BouffesParisiens. C'est de cette époque seulement que datent ses premiers essais dans la composition musicale. On le voit, M. Offenbach est un instrumentiste qui s'est fait compositeur par occasion. Il a prouvé depuis qu'il possédait à un haut degré les aptitudes nécessaires pour le devenir, car il est doué de beaucoup d'imagination, d'une grande facilité, et sait donner à ses mélodies un certain tour heureux qui les rend populaires; mais les études sérieuses lui ont fait défaut. Il a passé sa jeunesse à vaincre des difficultés de mécanisme, au lieu de la consacrer à l'étude des maîtres. Aussi la musique qu'il écrit aujourd'hui manque de fond; son orchestre, souvent bruyant, n'est jamais plein; ses modulations, lorsqu'il se hasarde à en faire, sont d'une naïveté qui fait sourire les harmonistes ou d'une rudesse qui choque toute oreille délicate. Il est vrai qu'on pourra nous répondre que la musique n'a pas besoin d'être bien composée pour réussir, puisque Orphée aux enfers a eu trois cent cinquante représentations. Nous avouons que l'objection est sans réplique, et nous ne contestons pas l'éloquence d'un pareil chiffre; mais, puisque M. Offenbach obtient sur sa petite scène des succès éclatants, il devait comprendre qu'il est là sur son vrai terrain, et avoir l'esprit de n'en pas sortir. Certes, Barkouf, comme musique drôlatique, est tout aussi bien réussi que ses devanciers, que Ba-ta-clan ou que les Deux Aveugles; mais le milieu n'étant plus le même, l'effet produit est complétement différent. Le public de l'Opéra-Comique ne se contente pas, même dans la musique bouffe, d'une suite de motifs entraînants, quand ces motifs ne sont pas doublés d'un vrai savoir musical et d'une entente parfaite de l'orchestration, et, malgré l'enthousiasme nécessairement un peu partial qui a accueilli les premières représentations de Barkouf, nous doutons fort que cet ouvrage soit appelé à obtenir un succès de vogue. On peut cependant y signaler quelques morceaux très-amusants à entendre l'air du Grand Mogol, accompagné par les chœurs en sour

:

dine, a de l'originalité, et la chanson du Chien, supérieurement aboyée par Sainte-Foy, a un tour facile et heureux. On remarque encore les couplets de Barkouf très-bien détaillés par mademoiselle Marimon, et le chœur des conjurés, dont le rhythme est d'une bizarrerie fort plaisante. Le reste de la partition est plus faible; les morceaux de sentiment surtout sont les moins réussis. Du reste, si la musique de Barkouf n'est pas excellente, elle est encore un chef-d'œuvre en comparaison du livret. Nous avons rarement vu représenter au théâtre une pièce aussi ridiculement plate et incolore. Comment a-t-on pu prétendre divertir des spectateurs pendant trois actes avec les faits et gestes d'un chien? Enfin un pareil sujet ne peut se discuter : il est drôle ou il ne l'est pas ; mais l'œuvre même la moins sérieuse ne saurait amuser les gens d'esprit qu'à condition de se renfermer dans les limites du bon goût. Aussi, grande a été la stupéfaction du public lorsque, à la première représentation, on est venu nommer pour auteur un des princes de la littérature dramatique, une des sommités de l'esprit et du talent, qui depuis trente ans bientôt poursuit le cours de ses triomphes, et n'a pas remporté ses moindres victoires sur cette même scène de l'Opéra-Comique!

Nous adresserons aussi de graves critiques, dans un sens tout à fait opposé, au poëme des Pêcheurs de Catane. Tandis que la pièce de l'OpéraComique s'évertue à être gaie sans y parvenir, celle du Théâtre-Lyrique fait des efforts pour être dramatique, et ne réussit guère qu'à être fort longue. La première se permet tous les écarts de la fantaisie la moins réglée, et la seconde nous présente un à un, et dans l'ordre accoutumé, tous les incidents prévus du classique drame lyrique. Imaginez tous les personnages de la Muette transportés de Portici en Sicile, l'Etna ayant pris le rôle du Vésuve, Fenella ayant recouvré complétement l'usage de la parole et en partie celui de la voix; enfin Masaniello ayant modifié ses opinions politiques, et de républicain devenu conservateur, et vous aurez une idée assez exacte de l'opéra des Pêcheurs de Catane. On sent même que cette similitude de cadre et de sujet a gêné le compositeur, qui a toujours craint d'être entraîné par la situation à quelque réminiscence du chef-d'œuvre de M. Auber. N'osant pas donner à sa partition la teinte brillante et le coloris si chaud de la Muette, il a envisagé surtout le côté dramatique et sombre de l'action, et, renonçant à la couleur locale, il a composé sur ce poëme sicilien une musique pleine de mélancolie qui rappelle les lieder de l'Allemagne bien plus que les chants de l'Italie. Malgré ce contre-sens, qu'il faut imputer surtout à l'auteur des paroles, la partition des Pêcheurs de Catane est une œuvre de mérite qui renferme d'excellentes parties, une œuvre

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