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Les termes empruntés, quand ils sont empruntés par goût et par choix, donnent de l'agrément et de l'éclat au discours on les nomme Tropes.

Ce motsignifie en général changement, retour, transport; et lorsqu'il s'agit de l'appliquer aux mots, il signifie changement de signification.

CHAPITRE IV.
Des Tropes.

LES principaux Tropes sont la Méta

phore, la Métonimie, la Synecdoche, 'Inonie, l'Hyperbole.

Le mot Métaphore signifie qu'un terme est transporté de sa signification propre et ordinaire, à une autre signification qui lui est impropre, de maniere qu'il en résulte quelque agrément comme quand on dit, enflammé de colere, une moisson de gloire, les riantes prairies une verte vieillesse : tous termes qui renferment une comparaison enveloppée, donnent une idée de plus, et font par-là une beauté.

Si la métaphore s'étend plus loin, et qu'elle comprenne plusieurs mots, elle s'appelle alors Allégorie. Cette jeuné plante ainsi arrosée des eaux du ciel, ne

fut pas long-temps sans porter du fruit. Otant la figure: Cette jeune princesse ainsi prévenue des graces du ciel, ne fut pas long-temps sans pratiquer des actions de vertu.

Tous les Poëtes, les Orateurs, et même les Historiens, quand ils ont de l'imagination et du feu, sont remplis de métaphores.

Il y a dans ce genre l'excès de hardiesse à éviter d'une part, et de l'autre la bassesse. Dire, en parlant des ruines de quelque bâtiment, c'est le cadavre d'une maison, ce seroit passer les bornes de la liberté; mais dire en parlant du Déluge, que Dieu lava bien alors la tête à son image, ou l'appeler la lessive du genre humain, d'est tomber dans la bas

sesssex

La Métonimie emploie, 1. l'auteur de la chose pour la chose même, comme quand on dit, les travaux de Mars pour les travaux de la guerre : les Muses pour les beaux Arts: 2. La cause pour l'effet; on dit d'un héros qui combat, la mort est dans ses mains. 3. Elle désigne le vicieux par le nom de vice même la royauté par celui de couronne, de scep tre. 4. Elle prend le contenant pour le contenu il avale la coupe funeste.

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La Synecdoche prend la partie pour

le tout

comme quand Virgile dit: Summâ placidum caput extulit undâ : son front paisible s'éleva sur les eaux. Ce seroit ne pas entendre ce Poëte que de prendre son expression à la lettre; et d'imaginer la tête d'un nageur qui paroît au-dessus des flots. Cette image seroit pauvre et mesquine en poésie comme en peinture. Virgile a voulu fixer les yeux du lecteur sur le front même du dieu, parce que le front est le siége de la sérénité Placidum caput. De même que Térence avoit dit : Quot capita tot sententia. Et Horace: Quis desiderio sit pudor aut modus tam cari capitis? 2.° Elle prend le tout pour la partie : Les peuples qui boivent la Seine. 3. La matiere dont Ja chose est faite pour la chose même : Armé d'un fer vainqueur. O sang digne

d'Horace!

L'Ironie, ou Contre-vérité, s'emploie, lorsqu'on dit précisément le contraire de ce que l'on pense, pour se divertir aux dépens de celui qu'on trompe:

Toutefois, s'il le faut, je veux bien m'en dédire:
Et pour calmer enfin tous ces flots d'ennemis,
Reparer en mes vers les maux qu'ils ont commis
Puisque vous le voulez, je vais changer de style..
Je le déclare donc, Quinaut est un Virgile,
Pradon comme un soleil, en nos ans a paru.
Pelletier, etc, Boileau, Sat. 9...

Comme

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Comme tous ces termes dans le sens propre ont un sens raisonnable, quoique faux dans l'intention de celui qui parle, il est nécessaire de donner la clef du sens figuré qu'on leur attache. Cette clef est un mot glissé légèrement, je crois, sans doute, apparemment, ou un geste, ou le ton de voix, quand on prononce l'Ironie.

L'hyperbole tient à l'Ironie en ce qu'elle donne à la chose dont ca parle quelques degrés de plus ou de moins qu'elle n'en a dans la réalité. Un coup d'épée par le moyen de cette figure devient une piqûre d'épingle, et une piqûre d'épingle une blessure mortelle.

Il seroit aisé de pousser très-loin ce détail. Tous les Grammairiens et tous les Rhéteurs de l'antiquité ont pris plaisir à s'exercer sur cette matiere. On peut consulter les Tropes de M. du Marsais.

Les expressions, tant propres qu'empruntées, ont entr'elles des différences qui les placent dans des rangs séparés. Quelqu'un a dit que l'homme étoit la mesure de tout cela n'est nulle part si vrai que dans le langage. De même qu'il y a parmi nous des nobles et des roturiers, dont les uns sont faits pour être montrés, pour attirer les respects et recueillir les hommages de ceux à Tome IV. D

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qui on les donne en spectacle, tandis que les autres sont employés dans tous les services obscurs, à tout moment et sans façon; il y a aussi des phrases, des mots, des tours qui sont destinés les uns à paroître dans les genres élevés, dans les panégyriques, les discours d'appareil, la haute poésie : on les appelle termes nobles: et il y en a d'autres qui n'ayant jamais eu d'illustration, sont condamnés , quelqu'énergiques qu'ils. soient, à rester dans l'abaissement : on les appelle en termes bas, phrases communes. Entre ces deux degrés est un milieu, qui contient un certain nombre de phrases et de mots qui ont quelque chose des deux extrêmes, sans les réunir: ce sont ceux-là qui font le corps, la base, le fonds de tout discours, dans quelque degré qu'il soit. Qu'on y jette de tems en tems des termes et des phrases nobles, le discours médiocre se trouve ennobli. Qu'au contraire on y laisse échapper des mots bas, des phrases ignobles, la médiocrité même se trouve dégradée. Il ne faut qu'une seule phrase triviale pour déshonorer toute une page; quelquefois il ne faut qu'un mot. Mais les avis et les préceptes en ce genre sont également inutiles pour ceux qui ont l'organe du sentiment, et pour ceux qui ne

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