Page images
PDF
EPUB

petit argument à l'Orateur: Si la philosophie est l'amour de la sagesse; soyez donc sage et modéré, vous qui faites profession d'être philosophe.

Les Omonymes ou jeux de mots, sont à-peu-près dans le même goût. Une cause est bien désespérée, quand elle n'a que ces deux especes d'argumens pour se défendre. C'est même faire tort au bon droit que d'employer en sa fayeur de pareilles armes.

Il n'en est pas de même du Genre et de l'Espece. On prouve fort bien qu'il faut aimer la justice, parce qu'il faut aimer la vertu et réciproquement qu'on doit aimer la vertu, parce qu'on doit aimer la justice, qui est une des especes de la vertu.

Nous ne parlons point de la Similitude, qui est presque la même chose que la Comparaison; ni de la Dissimilitude qui se confond presque avec les Contraires,

Les Contraires sont d'un grand usage. C'est souvent la meilleure maniere d'exposer une pensée. Disons d'abord ce qu'une chose n'est point : l'esprit de l'auditeur se met en action, et essaie luimême de trouver la définition. D'ailleurs une description dans ce genre sert d'ombre à l'autre qu'on prépare." Si je » venois ici déplorer la mort imprévue » de quelque princesse mondaine, je

n'aurais qu'à vous faire voir le monde avec ses vanités et ses inconstances; » cette foule de figures qui se présentent » à nos yeux, et qui s'évanouissent; » cette révolution de conditions et de "fortunes qui commencent et qui finis

sent, qui se relevent et qui retombent; » cette vicissitude de corruptions, tan» tôt secretes, tantôt visibles, qui se » renouvellent; cette suite de change » mens en nos corps par la défaillance » de la nature, en nos ames par l'instavbilité de nos désirs; enfin ce déran >> gement universel et continuel des cho

ses humaines, qui tout naturel et tout » désordonné qu'il semble à nos yeux » est pourtant l'ouvrage de la main toute» puissante de Dieu, et l'ordre de sa

providence. Mais, graces au Seigneur; je viens louer une princesse plus grande » par sa religion que par sa naissance, » etc. Fléch. »

[ocr errors]

1. Les Circonstances sont d'un grand poids dans les preuves. Milon, ditesvous, a tendu des embûches à Clodius mais considérez les circonstances où il étoit, dans une voiture, enveloppé d'ha bits embarrassans, accompagné de son épouse et de ses suivantes, etc.

Quelquefois on entasse les pensées, les faits, les circonstances; on jette le

but à la fois comme pour accabler l'au diteur par le nombre. "Turenne meurt} tout se confond, la fortune chancele la victoire se lasse, la paix s'éloigne, a, les bonnes intentions des Alliés se ra lentissent le courage des troupes est abetu par la douleur, stout le camp demeure immobile, etc. in Fléch. Ce Jjeu commun se nomme Conglobata chez les Latins, D

Les Antécédens et les Conséquens sont les choses qui suivent ou qui précedent un fait, et qui aident à le reconnoître. Vous aviez eu des démélés avec Clodius: vous l'aviez menacé : voilà des antécé dens. Il est tué vous disparoissez vous vous défiez de ses amis : voilà des conséquens.

Enfin en considérant la. Cause et les Effets, on loue, on blâme une action; on conseille une entreprise, on en dé tourne. Quoi de plus grand, de plus reLevé que l'action des Horaces, si on en regarde le principe? C'est un entier déyouement au salut de la patrie qui les mene au danger. L'effet qui en résulte n'est pas moins beau: c'est la gloire et la conservation de la patrie.

Tous ces aspects sont censés intérieurs: parce qu'ils tiennent au sujet méme, ou comme causes, ou comme parties, ou

me ou,

[ocr errors]

comme rapports, où comme circonstan ces. Ils sont tirés tous de la nature mêcomme on dit, des entrailles de la cause, ex visceribus rei. On les appelle par cette raison; Lieux intérieurs, pour les distinguer des Lieux extérieurs qui sont au nombre de six: la Loi, les Titres, la Renommée, le Serment, la Question, les Témoins tous moyens placés hors de la cause; et sans lesquels, en les prenant tous séparément, une cause peut subsister.

Le Serment, les Aveux tirés par les tourmens, les Témoins, sont des moyens sans réplique; ou s'il y en a, elles sont presque les mêmes dans tous les cas. Le serment est traité de parjure', l'aveu tiré par la question, est celui de la douleur, plutôt que de la conscience; les témoins ont été subornés, corrompus,

etc.

Quant à la Loi et aux Titres, c'est une discussion qui regarde la Jurisprudence plutôt que l'Eloquence.

La Renommée est, selon les intérêts différens, le cri de la vérité ou du mensonge; c'est un vain bruit, ou un oracle de Dieu même. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette matiere, dont on trouve les plus grands détails dans tous les livres de Rhétorique. Nous aver

tirons seulement les jeunes Orateurs de ne point trop mépriser ces secours, que l'art présente au génie. Souvent c'est un fil qui guide assez surement l'esprit dans le labyrinthe. Pourquoi, quand on a un sujet à traiter, ne se demanderoit-on pas à soi-même : Quelle est l'entreprise que je me propose? C'est de louer un homme extraordinaire? Qu'est-ce qui fait un homme extraordinaire : C'est d'avoir des vices ou des vertus au-dessus de ce qu'on voit communément parmi les hommes: Celui dont je parlerai les a-t-il eues? Parcourons les détails de sa vie. Iciila montré une modération héroïque: une ame commune auroit fait le contraire; là, une prudence, et une capacité admirable tel moyen qu'il a choisi a produit un effet qu'on n'eût osé espérer. Ainsi du reste. Ceux mêmes qui affectent de mépriser les lieux communs sont obligés d'y aller puiser, et quelquefois, sans le savoir, ils leur doivent tout ce qu'ils ont de plus beau.

Les preuves sont des moyens de rigueur pour arriver à la conviction; c'est un assaut; on entre par la breche. Mais par les mœurs l'Orateur s'insinue peu-àpeu, il dispose les esprits, et les soumet avec leur propre consentement.

« PreviousContinue »