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teur, a publié une traduction de cette Oraison dès l'an 1638.

Cette traduction parut avec celle de sept autres oraisons dont quatre étoient de M. d'Ablancourt. « Ce fut, dit M. » Pélisson (a), après avoir lu ces traduc» tions, (et quelques autres livres fran"çois qu'il cite) que je commençai non» seulement à ne plus mépriser la Lan»gue françoise, mais encore à l'aimer » passionnément, et à croire qu'avec du "génie, du tems et du travail, on pouvoit » la rendre capable de toutes choses ».

Quarante ans après, M. Patru donna une nouvelle traduction de cette même oraison: je dis nouvelle, parce que sion la compare avec la premiere, "on n'y trou

vera presque point de tours qui se res» semblent, presque point de phrases qui soient entiérement les mêmes ( b ). » La Langue françoise avoit fait dans cet intervalle ses plus grands pas vers la perfection. La France avoit produit, ou possédoit les Corneilles, les Racine, les Quinault, La Fontaine, Moliere, Despréaux, Pascal, Bossuet, Fénelon, Pélisson, etc. Cette seconde traduction peut fournir dans l'Eloquence françoise une seconde époque, d'autant plus aisée à

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marquer, que l'Elocution, portant sur le même sujet et sur les mêmes pensées le choix des termes et des tours oratoires, y fait la seule différence à reconnoître.

Celle que je donne aujourd'hui arrive quatre-vingts ans après la seconde de M. Patru. Je déclare que je l'ai faite sur le texte latin seul, il y a plus de vingt-cinq ans, ne connoissant ni l'une ni l'autre des traductions dont je viens de parler. Je l'ai revue et retravaillée depuis peu, conformément à des principes que j'ai établis dans le Traité de la construction Oratoire (a): j'ai choisi les tours qui m'ont paru les plus énergiques : je puis m'être trompé souvent; mais il m'a toujours semblé que c'étoient ceux qui approchoient le plus du texte latin.

J'avois eu dessein d'imprimer ces trois traductions vis-à-vis du texte, et d'offrir ces pieces de comparaison à ceux qui voudroient connoître le génie de notre langue par opposition au génie de la langue latine, ou en étudier soit les variations, soit les acquisitions, pendant près d'un siecle et demi. Mais de quel droit fournirois-je moi-même une de ces pieces de comparaison? Je me suis restreint à jeter de tems en tems au bas des pages

(a) Tome V. a. Part.

quelques morceaux de M. Patru, avec quelques légeres remarques, laissant au lecteur instruit à juger lui-même les différences : ce qui lui sera beaucoup plus utile que de juger mes observations.

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M. T.

CICERONIS

Pro A. Licinio Archia poëta.

ORATI O.

SI quid est in me ingenii, Judices, quod sentio quam sit exiguum; aut si qua exercitatio dicendi, in qua me non inficior mediocriter esse versatum; aut si hujusce rei ratio aliqua, ab optimarum artium studiis, ac disciplina profecta, à qua ego nullum confiteor ætatis meæ tempus abhorruisse ; earum rerum omnium vel in primis hic A. Lieinius fructum à me repetere propè suo jure debet (a).

Nam quoad longissimè potest mens mea respicere spatium præteriti temporis, et pueritiæ memoriam recordari ultimam, indė

(a) Trad. de M. Patru. «Si j'ai quelque esprit ; ou si l'exercice du barreau m'a pu apprendre quelque chose en l'art de parler; ou si ce peu de connoissance » que j'en ai me vient de l'étude des bonnes Lettres, » que je confesse avoir été tout l'entretien de ma vie;

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c'est sans doute pour cet Archias que je suis par»ticuliérement obligé d'employer toutes ces choses. »

M. Batru a conservé l'ordre des membres de cette période, mais il en a supprimé le premier incise, quod sentio quam sit exiguum; il a affoibli le second, in qua non inficior, etc. au point de le rendre presqu'imperceptible; enan il a changé la couleur du troisieme, en mettant l'affirmatif à la place du negatif.

2. Trad. de M. P. « Si j'ai quelque intelligence et quelque esprit: ou si un long exercice a pu m'ins

TRADUCTION

De l'Oraison de Cicéron pour le poète Archias.

S'IL y a en moi, Messieurs, quelque foible talent, dont je sens toute la médiocrité; si j'ai quelque usage d'un art, dans lequel je ne disconviens pas que je me suis assez long-temps exercé ; enfin si l'étude des Lettres, pour lesquelles j'avoue que je n'eus d'éloignement dans aucun tems de ma vie, a produit en moi quelque avantage du côté de la parole : c'est à Licinius qu'il appartient sur-tout d'en recueillir le fruit.

I "

Du plus loin que je puis me rappeler le souvenir de mes premieres années, en remontant jusqu'à ma plus tendre jeunesse,

truire en l'art de parler; ou si ce peu de connoissance qué j'en ai, je le dois à la culture des bonnes Lettres » qui certainement ont été tout l'entretien de ma vie': il n'y a personne qui puisse prétendre plus justement » qu'Archias tout le fruit qu'on peut espérer de toutes » ces choses. »

La seconde traduction est plus moelleuse, plus nourrie, plus arrondie, plus françoise: il ne dit point, que je confesse avoir été, qui sentle latinisme, ni cet Archias qui nous paroîtroit aujourd'hui méprisant, et qui peutêtre répond plus au pronom iste, qu'au pronom hic des latins. On peut observer encore qu'aujourd'hui on ne finiroit pas une période à quatre membres par toutes) ces choses, qui est une chute traînante.

M 3

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