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l'occasion; elle le désapprouve, si l'im pression en est désagréable.

Qund ces impressions sont légeres elles produisent ce qu'on appelle sentimens, mouvemens, passions douces, comme l'amitié, la gaieté, le goût. L'ame alors n'est point troublée par ces secousses violentes, qui la déplacent et lui font perdre son état. Elle n'est remuée qu'autant qu'il le faut pour s'exercer ellemême, et se donner le plaisir de l'action. Lorsqu'elles ne sont qu'à ce degré dans un discours, on leur donne quelquefois le nom de Maurs: parce que le mouvement qu'elles donnent au discours. -ressemble à celui d'un homme paisible, qui agit pour quelque vue, quelque intérêt; mais sans être emporté par aucun sentiment trop vif.

Quand les impressions sont vives, violentes; c'est alors qu'on les nomme proprement Passions. Ce sont des mouvemens impétueux qui nous emportent vers un objet, ou qui nous en détournent.

De même qu'en considérant la maniere dont l'Esprit travaille sur les objets, il prend les noms de génie, de jugement, d'imagination, de mémoire; de même la maniere dont la Volonté se porte vers , quelque chose lui fait donner aussi différentes dénominations. Si elle veut s'unis

à l'objet qui lui est présenté, c'est l'Amour. Pour exciter cette passion, il faut peindre l'objet avec des qualités agréables et utiles à ceux à qui on parle :

Tel fut cet Empereur sous qui Rome adorée
Vit renaître les jours de Saturne et de Rhee,
Qui rendit de son joug l'univers amoureux,
Qu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux;
Qui soupiroit le soir si sa main fortunée

N'avoit par ses bienfaits signalé la journée....
Mais où cherché-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous ?
Grand Roi, sans recourir aux histoires antiques,
Ne t'avons-nous ́pas vu dans les plaines Belgiques
Quand l'ennemi vaincu désertant ses remparts,
Au devant de ton joug couroit de toutes parts,
Toi-même te borner, au fort de la victoire,
Et chercher dans la paix une plus juste gloire. Boil.

C'étoit ainsi que Despréaux inspiroit l'amour de Louis XIV.On inspire l'amour de la campagne, de la liberté du repos, du travail, de la vertu, peignant fortement leurs avantages.

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Si la Volonté tend à s'éloigner de l'ob jet, c'est la Haine; on l'excite par les moyens opposés à ceux qui produisent l'amour; les Verrines, les Philippiques les Catilinaires de Cicéron, en fournissent des exemples brillans.

Ces deux passions, l'amour et la haine, sont la base de toutes les autres; parce qu'elles comprennent les deux rapports

de notre ame avec le bien et le mal. Si le mal est présent; c'est Tristesse, Douleur; s'il est absent, avec quelqu'apparence qu'on pourra l'éviter, c'est Crainte; si on ne peut l'éviter, c'est Désespoir; s'il est dans d'autres, mais de maniere à pouvoir tomber aussi sur nous, c'est Compassion.

Il en est de même du bien. S'il est présent, il cause la joie. S'il est absent, et qu'il y ait quelque moyen de l'obtenir, c'est l'Espérance. S'il est dans d'autres à notre préjudice, c'est l'Envie. Si on veut nous l'arracher quand nous le possédons, il produit la Colere. Il seroit aisé de pousser loin ces détails et de multiplier les exemples tous les tragiques en sont pleins d'un bout à l'autre. D'ailleurs on les sent assez, quand on les trouve dans les Auteurs. S'il s'agit de les exprimer, il faut les éprouver en soi-même; et on n'arrive point à les sentir, ni par systême, ni par regles. Nous traiterons ciaprès de la maniere de les exprimer,

SECTION SECOND E.

DE LA DISPOSITION ORATOIRE.

LA disposition dans l'Art Oratoire

consiste à arranger toutes les parties fournies par l'Invention, selon la nature et l'intérêt du sujet qu'on traite. La fécondité de l'esprit brille dans l'Invention: la prudence et le jugement dans la Disposition.

Tout ouvrage doit avoir, s'il est entier, un commencement, un milieu, une fin. Il y aura donc dans le discours oratoire, un exorde, ensuite viendront les récits, ou les preuves, et enfin une conclusion, quelle qu'elle soit, qui avertisse au moins que tout est dit.

L'Exorde est la partie du discours qui prépare l'auditeur à entendre le reste. Le Récit est l'exposé clair et court d'un fait, Une Preuve est un raisonnement qui établit la vérité d'une proposition. On entend assez ce que c'est que Conclusion: les choses claires s'obscurcissent quand on veut les expliquer. Reprenons toutes ces parties, et voyons ce que l'Art prescrit à l'Orateur par rapport à chacune d'elles,

CHAPITRE I.

De l'Exorde.

L'EXORDE est une partie très-importante dans le discours. Il s'agit de disposer les esprits à recevoir favorablement ce qu'on va leur adresser. Pour cela, les maîtres de l'Art veulent que l'Exorde soit ingénieux, modeste, court, et tiré du fond même du sujet.

Les Orateurs, tant Grecs que Romains, en avoient ordinairement des provisions de toute espece, tirés de la personne même qui parle, ou de celle des auditeurs, ou de celle de l'accusé de l'accusateur, des juges, ou des circonstances des lieux, des tems, etc. Ils les accommodoient au sujet le mieux qu'il étoit possible, sauf à les retravailler ou'à en substituer d'autres, quand le discours se donnoit au public. Aujourd'hui on ne veut point tant d'art. S'il faut parler sur le champ, on saisit l'exorde qui se présente; ou s'il ne s'en présente point, on entre en matiere sans autre apprêt.

On veut que l'Exorde soit ingénieux. Ce qui ne signifie pas qu'il sera pétil lant, étincelant de pointes et d'antitheses;

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