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HISTOIRE

A487316

DE LA

PHILOSOPHIE

CARTÉSIENNE

PAR FRANCISQUE BOUILLIER

CORRESPONDANT DE L'INSTITUT, DOYEN DE LA FACULTÉ DES LETTRES

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HISTOIRE

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PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE

CHAPITRE I.

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Caractères généraux de la seconde période du cartésianisme français. — Antécédents de la philosophie de Malebranche dans l'Oratoire. - Sage et libérale constitution de l'Oratoire. Goût de l'étude et de la retraite. Union des sciences, des lettres et de la philosophie avec la théologie. Éloge de l'Oratoire Bossuet. par Esprit philosophique de l'Oratoire. Prédilection pour saint Augustin et pour Platon. - Essais de philosophie platonicienne dans l'Oratoire antérieurs à Descartes. Encouragements donnés à Descartes par le cardinal de Bérulle. Les PP. de Condren, Gibieuf et La Barde, introducteurs du cartésianisme dans la congrégation. André Martin, précurseur et maître de Malebranche. cartésiennes dissimulées sous le nom et l'autorité de saint Augustin. Alliance de Platon et de saint Augustin avec Descartes, caractère particulier du cartésianisme de l'Oratoire. Fidélité de l'Oratoire à Descartes. Contraste entre les tendances de l'Oratoire et les Jésuites. Circonstance qui détermine sa vocation philosophique Aversion pour

Malebranche.

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Composition et succès de la Recherche de la vérité.

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Doctrines

Beauté de la

la polémique. Infériorité de ses ouvrages de polémique sur ceux de pure spéculation. De Malebranche comme écrivain. forme de ses Méditations. Malebranche physicien.

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billons.- Dédain de l'histoire, de l'érudition et des langues. Dédain de la poésie. Des deux vers qui lui sont attribués. Rétractation de la signature du formulaire. Malebranche fier du nom de Méditatif. la mise en scène de ses dialogues. Sa renommée dans toute l'Europe.Sa mort. -- Malebranche jugé par le XVIIIe siècle.

Avec Malebranche s'ouvre, dans l'histoire du cartésianisme français, une seconde période qui se distingue de la première

par de nouveaux développements et par un caractère plus prononcé d'idéalisme. Nous allons voir la question de l'origine et de la nature des idées jouer un plus grand rôle et se placer au premier rang. Descartes, sauf en ce qui concerne la preuve de l'existence de Dieu par l'idée de l'infini, avait laissé incomplète et vague la théorie des idées innées, il avait méconnu leurs véritables caractères et leurs rapports avec Dieu, et je m'imagine qu'il eût été fort étonné d'entendre, ce qu'enseignent tous les principaux cartésiens de cette seconde période, que nous voyons la vérité en Dieu. Mais Malebranche remet en lumière et développe tout ce que Descartes avait omis ou négligé dans la doctrine de la connaissance et des vérités éternelles, et quelles que soient les erreurs où il tombe, il a la gloire de rétablir leurs caractères d'immutabilité et d'éternité, de replacer leur siége dans l'entendement divin, en quoi il est suivi par l'école cartésienne presque tout entière. Enfin il a mérité le nom de Platon français, par la hardiesse de son vol dans le monde de l'invisible et de l'absolu.

Descartes n'avait fait qu'effleurer la question des attributs de Dieu et de la Providence; Malebranche, avant Leibnitz, comble cette grande lacune; il aborde hardiment les grands problèmes de l'existence du mal, de la fin et des voies de la Providence, non seulement dans l'ordre de la nature, mais aussi dans celui de la grâce. Mais si, d'une part, il mérite bien du cartesianisme, de l'autre, il le compromet par de dangereuses bizarreries sur la vision des corps en Dieu, par son étendue intelligible et par un constant effort pour immiscer la théologie avec la philosophie. Descartes avait voulu séparer, Malebranche veut unir les vérités de la foi et celles de la philosophie. Mais souvent il embrouille la théologie avec la philosophie, faisant intervenir les mystères dans la philosophie, comme la philosophie dans les mystères. De là des nouveautés

téméraires, de là les alarmes de Bossuet et d'un grand nombre de théologiens, même de ceux qui s'étaient prononcés en faveur de Descartes. A l'occasion de Malebranche, la division s'introduit parmi les cartésiens; les uns se déclarent ses adversaires et les autres ses disciples. Tous continuent, il est vrai, à marcher sous le drapeau de Descartes, mais avec des couleurs et des armes particulières. Pour les uns, la philosophie de Malebranche est le magnifique et légitime développement des principes du maître; pour les autres, une défection manifeste, un tissu de rêves et de chimères. Pour les uns, elle est une éclatante démonstration; pour les autres, la ruine des vérités fondamentales de la foi. Cependant, l'influence de Malebranche, trop peu appréciée par quelques historiens de la philosophie, s'étend jusque sur la plupart de ses adversaires. Les plus véhéments contre sa providence générale, son optimisme et ses nouveautés en théologie, lui empruntent plus ou moins la doctrine de la raison et de la vue des vérités éternelles en Dieu, ou du moins, sans lui, ne les eussent peut-être pas retrouvées dans saint Augustin.

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Mais Malebranche est un enfant de l'Oratoire, en même temps que de Descartes. Montrons donc d'abord le lien entre sa philosophie et l'esprit de son Ordre; recherchons quels y furent ses antécédents et ses maîtres. Quel magnifique éloge Bossuet ne fait-il pas de cette pieuse et savante congrégation, de son esprit et de ses sages et libérales constitutions, dans l'oraison funèbre du P. Bourgoing! « Allez à cette maison où reposent les os du grand saint Magloire (1); là, dans l'air le plus pur et le plus serein de la ville, un nombre infini d'ecclésiastiques respire un air encore plus pur de la disci

(1) Saint-Magloire était la principale maison de l'Oratoire dans le haut du faubourg Saint-Jacques, à Paris.

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