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que

l'honneur de lui écrire. Il eft impossible fes Lettres ne lui ayent emporté un temps très-confidérable; mais il aimoit autant l'employer au profit ou à la gloire d'autrui, qu'à fon profit ou à fa gloire particuliere.

Il étoit toujours d'une humeur gaie; & à quoi ferviroit fans cela d'être Philofophe? On l'a fort affligé à la mort du feu Roi de Pruffe & de l'Electrice Sophie. La douleur d'un tel Homme est la plus belle Oraison funebre.

Il fe mettoit aifément en colere, mais il en revenoit auffi-tôt. Ses premiers mouvemens n'étoient pas d'aimer la contradiction fur quoi que ce fût, mais il ne falloit qu'attendre les feconds; & en effet les seconds mouvemens, qui font les feuls dont il refte des marques, lui feront éternellement honneur.

On l'accufe de n'avoir été qu'un grand & rigide obfervateur du Droit naturel. Ses Pasteurs lui en ont fait des réprimandes publiques & inutiles.

On l'accufe auffi d'avoir aimé l'argent. Il avoit un revenu très-considérable en pensions du Duc de Volfembutel, du Roi d'Angletterre, de l'EmA a a ij

pereur, du Czar, & vivoit toujours affés groffierement. Mais un Philofophe ne peut guére, quoiqu'il devienne riche, fe tourner à des dépenfes inutiles & faftueufes qu'il méprise. De plus, M. Leibnitz laissoit aller le détail de fa Maison comme il plaifoit à ses Domestiques, & il dépenfoit beaucoup en négligence. Cependant la recette étoit toujours la plus forte, & on lui trouva après la mort une groffe fom» me d'argent comptant qu'il avoit cachée. C'étoient deux années de fon revenu. Ce Tréfor lui avoit caufé pendant fa vie de grandes inquiétudes qu'il avoit confiées à un Ami; mais il fut encore plus funefte à la Femme de fon feul Héritier Fils de fa Soeur, qui étoit Curé d'une Paroiffe près de Leipfic. Cette Femme en voyant tant d'argent ensemble qui lui appartenoit, fut fi faifie de joie, qu'elle en mourut fubitement.

. M. Eckard promet une Vie plus complette de M. Leibnitz: c'est aux Mémoires qu'il a eu la bonté de me fournir qu'on en doit déja cette ébauche. Il rassemblera en un Volume tou. tes les Piéces imprimées de ce grand

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Homme, éparses en une infinité d'endroits, de quelque efpece qu'elles foient. Ce fera-là, pour ainfi dire, une résurrection d'un Corps dont les membres étoient extrémement difperfés; & le tout prendra une nouvelle vie par cette réunion. De plus, M. Eckard donnera toutes les Euvres pofthumes qui font achevées, & des Leibnitiana, qui ne feront pas la partie du Recueil la moins curieuse. Enfin il continuera l'Hiftoire de Brunfvic, dont M. Leibnitz n'a fait que ce qui eft depuis le commencement du Regne de Charlemagne jufqu'à l'an 1005. C'eft prolonger la vie des grands Hommes,que de poursuivre dignement leurs entreprises.

ELOGE

DE MONSIEUR

OZANA M.

JA

ACQUES OZANA M naquit en 1640 dans la Souveraineté de Dombes, d'un Pere riche, & qui avoit pluAaa iij

fieurs Terres. La Famille étoit d'origine Juive, ce que marque affés le nom qui a tout à-fait l'air Hébreu ; mais il y avoit long-temps que cette tache, peut-être moins réelle qu'on ne penfe, étoit effacée par la profeffion du Chriftianifme & de la Religion Catholique. Cette Famille étoit illuftrée par plufieurs Charges qu'elle avoit poffedées dans des Parlemens de Provinces.

M. Ozanam étoit cadet, & par la Loi de fon Pays tous les biens devoient appartenir à l'aîné. Son Pere qui étoit un Homme vertueux, voulut réparer ce défavantage par une excellente édu cation. Ille deftinoit à l'Eglife, pour lui faire tomber quelques petits Bénéfices qui dépendoient de la Famille. Les moeurs du jeune Homme étoient bien éloignées de s'opposer à cette deftination; elles fe portoient naturellement à tout ce qui feroit à defirer dans un Eccléfiaftique ; & une Mere très-pieuse les fortifioit encore, & par fon exemple

&

par fes foins, d'autant plus puiffans, qu'elle étoit tendrement aimée de ce Fils. Cependant il ne fe tournoit pas volontiers du côté de l'Eglife; il avoit

fort bien réuffi dans fes Humanités ; mais il avoit pris beaucoup de dégoût pour la Philofophie Scholaftique, la Théologie reffembloit à cette Philofophie; & enfin il avoit vû par malheur des Livres de Mathématiques, qui lui avoient appris à quoi il étoit deftiné.

trop

Il n'eut point de Maître, & on n'avoit garde de lui en donner; mais la Nature feule fait de bons Ecoliers. A 10 ou 12 ans il paffoit quelquefois de belles nuits dans le Jardin de fon Pere, couché fur le dos, pour contempler la beauté d'un Ciel bien étoilé ; spectacle en effet auquel il eft étonnant que la force même de l'habitude puiffe nous rendre fi peu fenfibles. L'admiration des mouvemens céleftes allumoit déja en lui le defir de les connoître, & il en démêloit par lui-même ce qui étoit à la portée de fa raifon naiffante. A l'âge de 15 ans il avoit compofé un Ouvrage de Mathématique qui n'a été que manufcrit, mais où il a trouvé dans la fuite des choses dignes de paffer dans des Ouvrages imprimés. Il n'eut jamais de fecours que de fon Profeffeur en Théologie, qui étoit auffi MathéAa a iiij.

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