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du les Corps céleftes en différentes Spheres, qui allume & qui éteint des Etoiles, & qui en fuivant toujours des loix invariables, diversifie à l'infini fes effets. Si la différence. étonnante des moeurs & des opinions des Peuples eft fi agréable à considérer, on étudie auffi avec un extrême plaifir la prodigieufe diverfité de la ftructure des différentes efpéces d'Animaux, par rapport à leurs différentes fonctions, aux élemens où ils vivent, aux climats qu'ils habitent, aux alimens qu'ils doivent prendre, &c. Les traits d'Histoire les plus curieux auront peine à l'être plus que les Phofphores, les Liqueurs froides qui en fe mêlant produisent de la flamme, les Arbres d'argent, les Jeux prefque magiques de l'Aiman & une infinité de Secrets que l'Art a trouvés en obfervant de près & en épiant la Nature. En un mot, la Phyfique fuit & démêle, autant qu'il eft poffible, les traces de l'Intelligence & de la Sageffe infinie qui a tout produit; au lieu que l'Hiftoire a pour objet les effets irréguliers des paffions & des caprices des hommes & une fuite d'événemens fi bifarre, que l'on a au

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trefois imaginé une Divinité aveugle & infenfée pour lui en donner la direction.

Ce n'eft pas une chofe que l'on doive compter parmi les fimples curiofités de la Phyfique, que les fublimes réfléxions où elle nous conduit fur l'Auteur de l'Univers. Ce grand Ouvrage, toujours plus merveilleux à mesure qu'il eft plus connu nous donne une fi grande idée de fon Ouvrier, que nous en fentons notre efprit accablé d'admiration & de refpect. Sur-tout l'Aftronomie & l'Anatomie font les deux Sciences qui nous offrent le plus senfiblement deux grands caracteres du Créateur; l'une, fon immenfité, par les distances, la grandeur & le nombre des Corps céleftes; l'autre, fon intelligence infinie , par la Méchanique des Animaux. La véritable Phyfique s'éleve jufqu'à devenir une efpéce de Théologie.

Les différentes vûes de l'efprit humain font prefque infinies, & la Nature l'eft véritablement. Ainfi l'on peut espérer chaque jour, foit en Mathématique, foit en Phyfique, des découvertes qui feront d'une efpéce nouvelle

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nouvelle d'utilité ou de curiofité. Raffemblés tous les différens ufages dont les Mathématiques pouvoient être il y a cent ans; rien ne reffembloit aux Lunettes qu'elles nous ont données depuis ce temps-là, & qui font un nouvel organe de la vue, que l'on n'eût pas ofé attendre des mains de l'Art. Quelle eût été la furprife des Anciens, fi on leur eût prédit qu'un jour leur pofterité, par le moyen de quelques inftrumens, verroit une infinité d'objets qu'ils ne voyoient pas, un Ciel qui leur étoit inconnu, des Plantes & des Animaux dont ils ne foupçonnoient feulement pas la poffibilité? Les Phyficiens avoient déja un grand nombre d'expériences curieuses; mais voici encore depuis près d'un demifiécle la Machine Pneumatique qui en a produit une infinité d'une nature toute nouvelle, & qui en nous montrant les corps dans un lieu vuide d'air, nous les montre comme tranfportés daus un Monde différent du nôtre, où ils éprou vent des altérations dont nous n'avions pas d'idée. Peut-être l'excellence des Méthodes Géométriques que l'on invente ou que l'on perfectionne de jour Tome V.

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en jour, fera-t-elle voir à la fin le bout de la Géométrie, c'est-à-dire de l'Art de faire des découvertes en Géométrie, ce qui eft tout; mais la Phyfique qui contemple un objet d'une variété & d'une fécondité fans bornes, trouvera toujours des obfervations à faire & des occafions de s'enrichir, & aura l'avantage de n'être jamais une science complette.

Tant de chofes qui restent encore, & dont apparemment plufieurs resteront toujours à favoir, donnent lieu au découragement affecté de ceux qui ne veulent pas entrer dans les épines de la Phyfique. Souvent pour méprifer la fcience naturelle, on fe jette dans l'admiration de la Nature, que l'on foutient absolument incompréhensible. La Nature cependant n'eft jamais fi admirable ni fi admirée que quand elle eft connu. Il est vrai que ce que l'on fait eft peu de chofe en comparaison de ce qu'on ne fait pas ; quelquefois même ce que l'on ne fait pas eft juftement ce qu'il femble qu'on devroit le plutôt favoir. Par exemple, on ne fait pas, du moins bien certainement, pourquoi une pierre jettée en l'air >

retombe; mais on fait avec certitude quelle eft la caufe de l'Arc-en Ciel, pourquoi il ne paffe jamais une certaine hauteur, pourquoi la largeur en est toujours la même ; pourquoi quand il y a deux Arcs-en-Ciel à la fois, les couleurs de l'un font renverfées à l'égard de celles de l'autre, &c. Et cependant, combien la chute d'une pierre dans l'air paroît-elle un Phénomene plus fimple que l'Arc-enCiel? Mais enfin, quoique l'on ne fache pas tout, on n'ignore pas tout auffi quoique l'on ignore ce qui paroît plus fimple, on ne laiffe pas de favoir ce qui paroît plus compliqué ; & fi nous devons craindre que notre vanité ne nous flatte fouvent de pou-. voir parvenir à des connoiffances qui ne font pas faites pour nous, il eft dangereux que notre pareffe ne nous flatte auffi quelquefois, d'être condamnés à une plus grande ignorance que nous ne le fommes effectivement.

Il eft permis de compter que les Sciences ne font que de naître, foit parce que chés les Anciens elles ne pouvoient être encore qu'affés imparfai tes, foit parce que nous en avons pref

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