la démarcation établie entre les diverses classes de la société en ce qui concerne l'appréciation des injures. Tel est le cercle parcouru avec succès par M. Cauchy : son ouvrage est digne de l'approbation de l'Académie. Plusieurs questions importantes de droit public et de législation étrangères au duel y sont incidemment traitées; il mérite d'être étudié par les jurisconsultes et les publicistes : les amis de la science et du pays le méditeront avec fruit. MÉMOIRE SUR LA NÉCESSITÉ DE FONDER EN FRANCE L'ENSEIGNEMENT DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE PAR PAR M. FELIX DE LA FARELLE. L'auteur se propose d'établir combien il serait essentiel et urgent que l'économie politique fût professée largement en France, comme un complément d'éducation pour les classes libérales, et répandue dans les rangs de la société au point d'y devenir populaire. Dans ce but, il recherche ce que la classe supérieure et la classe inférieure pourraient emprunter de connaissances utiles et pratiques à la science de la formation et de la répartition de la richesse. Aux premiers rangs de la classe supérieure se trouve le groupe nombreux des hommes voués plus spécialement au maniement et à la direction de la chose publique : membres de la législature, administrateurs, magistrats, agents de toute espèce du pouvoir exécutif. Comprend-on que les jeunes gens qui se destinent à l'une de ces carrières puissent rester plus longtemps étrangers aux enseignements de l'économie politique ? Le gouvernement de la fortune publique serait-il done livré à des citoyens qui ignoreraient les premières notions de l'idée fondamentale présidant à la formation, à la distribution, à la consommation des produits nationaux, qui ne connaîtraient ni la nature, ni la fonction de la monnaie, ni le sens des mots valeur, capital, revenu brut et revenu net, rente territoriale, ni la théorie de l'impôt, des emprunts, des débouchés, des échanges! Et cependant l'élève le plus studieux et le plus intelligent de nos universités, connaît à peine, lors de son entrée dans le monde politique, le nom des Ricardo, des Malthus et des Say; il ne les connaît du moins que par quelques lambeaux de nos recueils, qui lui ont donné des idées si fausses et si confuses, qu'une ignorance absolue serait préférable. La politique proprement dite n'est, après tout, que la science de la forme sociale, la théorie du gouvernement; c'està-dire de l'instrument au moyen duquel chaque peuple s'efforce d'obtenir la plus grande somme de liberté conciliable avec le maintien de l'ordre général et de la paix publique. Mais l'économie politique va bien plus droit au fond des choses son sujet, c'est l'intérêt vital et capital de la société en soi. Le problème qu'elle se pose et prétend résoudre est celui de faire vivre, sur un espace donné, le plus grand nombre d'hommes aux meilleures conditions d'existence. Ce n'est donc plus ici, comme l'on voit, le moyen, mais le but même de la sociabilité humaine qui fait l'objet de la science. M. de Lafarelle regarde comme une anomalie déplorable une école de droit sans un cours obligatoire d'économie politique; mais cet enseignement ne lui paraît pas moins indispensable pour les classes agricoles, industrielles et commerciales. La science leur apprendrait tout ce qu'elles peuvent devoir à une sage proportion établie entre le capital fixe et le capital circulant, à un heureux choix du site, et des conditions matérielles des ateliers, à la rigoureuse exactitude de la comptabilité, à un habile et discret ménagement des matières premières, à une surveillance minutieuse et assidue des ouvriers. L'économie politique contribuerait à rendre la production plus habile et plus féconde, et en même temps à mettre les producteurs en garde contre l'encombrement du marché, source la plus habituelle des crises commerciales, en leur enseignant la prévoyance et la loyauté. Enfin, l'enseignement des sciences économiques imposerait à tous les entrepreneurs d'industrie une nouvelle ligne de conduite plus rationnelle et plus libérale vis-à-vis des populations inférieures ; il leur révèlerait que la bonne conduite, les lumières utiles, l'amélioration de l'existence matérielle, ne sont chez elles rien moins que fâcheuses et regrettables. M. de la Farelle pense dès lors qu'il serait nécessaire de créer des chaires d'économie politique : 1o dans les écoles de droit; 2o dans les facultés des sciences et des lettres; 3° dans un nombre toujours croissant d'instituts spéciaux consacrés à l'agriculture, au commerce et à l'industrie; puis il examine l'utilité et les conditions de ce même enseignement rendu infiniment plus élémentaire et mis à la portée des nombreuses professions vouées à l'œuvre manuelle. « Démontrer, dit-il, tout ce qu'elles auraient à apprendre de l'économie politique, n'est une tâche difficile qu'à raison de son étendue et de l'embarras du choix. En fait de points de vue différents, c'est surtout dans les rangs inférieurs de la société que l'inestimable prix du temps, la miraculeuse puissance de l'épargne progressive et accumulée, l'absolue nécessité de beaucoup de prudence et de raison à l'endroit de l'union conjugale, sont des vérités rudimentaires aussi profondément ignorées que constamment méconnues. Nous venons de toucher, messieurs, aux causes les plus énergiques comme les plus intimes de cette misère profonde, radicale, incurable, pour laquelle il a bien fallu inventer un nom nouveau, puisqu'il s'agissait de caractériser un phénomène propre el spécial à l'époque moderne. Oui, le gaspillage des heures el des forces, le défaut d'ordre, d'économie et d'esprit de suite, la facilité plus qu'imprévoyante avec laquelle les mariages précoces se multiplient au sein du prolétariat, voilà les sources véritables du paupérisme, ce redoutable contre-poids de tous les bienfaits sociaux dus à notre civilisation contemporaine. Jadis la classe supérieure exerçait sur les classes laborieuses un patronage légal, que je suis certes bien loin de regretter et de vouloir réhabiliter sa disparition est, je le reconnais, un progrès civilisateur, puisqu'elle a fait faire un pas à l'humanité vers la conquête de l'indépendance et de la dignité individuelle de tous ses membres. Toutefois la subordination des travailleurs du dernier ordre, vis-à-vis de ceux qu'il faut bien appeler leurs maîtres, laissait en quelque sorte à ceux-ci une large part de responsabilité; dans la conduite de ceuxlà, les croyances religieuses offraient d'ailleurs à ces mêmes classes ouvrières une direction énergique, constante, minutieuse, et qui s'accordait habituellement très-bien avec les prescriptions de l'économie politique. Je dis habituellement, et non pas constamment, à cause de certains abus qui n'étaient pas partie intégrante de ces croyances, et dont la suppression a de nos jours mis en accord parfait les préceptes de la religion et ceux de la science économique. Mais, de ces deux hautes influences, de ces deux grandes forces directrices, l'empire de la religion et de la domination des rangs supérieurs, la première s'est malheureusement fort affaiblie, la seconde a par bonheur fait son temps: comment et par quoi sera comblé le vide immense qu'elles ont laissé dans le milieu social? Messieurs, par la science de la vie matérielle, celle qui enseigne à chacun de tous l'art de se conduire et de faire ses affaires soi-même, par l'économie politique en un mot. On s'effraye beaucoup de nos jours du goût effréné qui se développe, dit-on, de plus en plus au sein des |