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devaient nécessairement se servir des populations errantes et bannies de leur berceau.

X. Jalons servant à expliquer le vrai sens des sacrifices. humains.

Nous avons voulu consigner ici tout ce que les anciens auteurs nous ont dit sur les sacrifices humains; mais aucune lumière ne nous est donnée sur leur origine, et comment il a pu entrer dans l'esprit de l'homme que le sacrifice d'un homme pût étre agréable à Dieu. D'ailleurs, ni dates, ni lieu fixe, ni auteurs. La chose a existé. Voilà tout.

Pour laisser quelque chose de déterminé, de certain et de raisonnable dans l'esprit de nos lecteurs, nous allons, comme à notre ordinaire, poser deux jalons historiques.

10 Jalon historique..

507. année après le Déluge.
125e année de l'âge d'Abraham.
59° année de l'âge d'Ismaël.

25° année de l'âge d'Isaac.

50° année après la promesse de Dieu à Abraham.
55° année du règne de Mencherès en Égypte.

5° année du règne d'Aralius, en Assyrie.

232° année de l'empire des Assyriens, 1133 année avant la fondation de Rome. 1890° année avant Jésus-Christ 1.

Voici l'événement historique qui arriva :

« Dieu éprouva Abraham et lui dit : Abraham, Abraham. » Celui-ci répondit: Me voici. Et Dieu lui dit: Prends ton ⚫ fils unique que tu chéris, Isaac, et va dans la terre de vision, Det là tu l'offriras en holocauste sur une des montagnes que »je te montrerai.....

» Et ils vinrent au lieu que Dieu avait montré, et là Abraham ⚫ éleva un autel, et y plaça le bois. Et après qu'il eut attaché » son fils Isaac, il le mit sur le bois disposé sur l'autel. - Et il » étendit les mains, et il saisit le glaive pour immoler son D fils.....

1 La plupart de ces chiffres ont été changés par les découvertes modernes. Nous avons prévenu que nous suivions le P. Salian. Quelques années de plus u de moins ne changeut rien à l'ensemble ni au but que nous poursuivons.

» Et l'ange dit: N'étends pas ta main sur l'enfant et ne lui >> fais aucun mal; car je sais maintenant qué tu crains Dieu, » puisque tu n'as pas épargné ton fils unique à cause de >>> moi...........

» L'ange de Jéhovah appela une seconde fois Abraham du haut > du ciel, disant : J'ai juré par moi-même, dit Jéhovah, parce » que tu as fait cela, et que tu n'as pas épargné ton fils » unique à cause de moi, je te bénirai et je multiplierai » ta semence..... et toutes les nations de la terre seront bé› nies, en celui qui sortira de toi, parce que tu as obéi à ma parole 1. D

1r jalon. Dieu veut voir si Abraham reconnaît sa puissance sur toute créature; Abraham la reconnaît, et parce qu'il a obéi, Jéhovah le récompense.

2 Jalon, 387 ans après.

888° année après le déluge.

10 année de la sortie d'Égypte.

1re année de la loi donnée au Sinaï.

81 année de l'âge de Moïse.

17o année et dernière du règne d'Achencherès, en Égypte.

9. année du règne de Ascatade, en Assyrie.

613 année de l'empire d'Assyrie.

748° année avant la fondation de Rome.

1509o année avant Jésus-Christ.

Voici l'événement historique qui arriva :

« Jéhovah parla à Moïse, disant :

> Consacre-moi tout premier-né d'entre les enfants d'Israël, », et des hommes et des bêtes; car tout est à moi..... Tu sépa> reras pour Jéhovah tout ce qui ouvre le sein d'une mère et » tous les premiers-nés de tes troupeaux. Tous les mâles appar» tiennent à Jéhovah. Tu rachèteras le premier-né de l'àne » par un agneau. Si tu ne le rachètes pas, tu lui briseras la » tête. Tu rachèteras le premier-né de l'homme par une of» frande 2. D.

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Ainsi voilà la raison de la consécration de l'homme; c'est qu'il appartient à Dieu, et Dieu entend qu'on s'en souvienne. Mais tout de suite vient le rachat, et pour la bête, qui est ra1 Genèse, XXII, 1-18.

2 Exode, XIII, 1, 12, 13.

chetée par une immolation moins coûteuse, et pour l'homme, qui ne doit pas être immolé.

Ces deux faits historiques durent être connus des contemporains d'Abraham, et surtout conservés religieusement dans la famille d'Ismaël et d'Isaac. Nous laissons à nos lecteurs de décider s'ils n'ont pas eu quelque influence sur les croyances des différents peuples, qui, consacrés aux différents Dieux, furent lancés, longtemps après, dans les divers pays en vertu des Printemps sacrés:

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XI. Les victimes humaines chez les. Romains.

Après ces préliminaires, nous allons énumérer, d'après les dates historiques plus ou moins certaines, les diverses personnes qui étaient consacrées, et donner la liste, trop longue malheureusement, des victimes volontaires ou forcées, immolées aux infâmes Daimons païens.

Le premier homme consacré que nous trouvons dans l'histoire romaine est celui dont il est parlé dans une loi de Ro¬ mulus, citée par Denys d'Halicarnasse.

<«< Celui qui était convaincu de ces crimes (trahison) était Datteint par la loi de Romulus contre les traîtres. Dès qu'on > l'en avait convaincu, il était permis à chacun de le tuar, » comme une victime offerte au Dios sous-terrain. Car c'était » une coutume chez les Romains, quand ils voulaient qu'un > homme fût tué impunément, de dévouer son corps à quel» qu'un des Dieux, principalement aux Dieux infernaux. C'est D ce que fit alors Romulus. »

Ένοχος ἦν τῷ νόμῳ τῆς προδοσίας, ὃν ἐκύρωσε ὁ Ρωμύλος, τὸν δὲ ἁλόντα τῷ βουλομένῳ κτείνειν ὅσιον ἦν, ὡς θῦμα τοῦ καταχθονίου Διός (Denys, Ant. Rom., l. 11, in-fol, p. 84. Francf., 1586).

Il faut noter que Romulus n'inventa pas cette loi; il l'avait trouvée parmi les peuples qui s'adjoignirent à lui, et l'appliqua à certains crimes particuliers.

Il faut descendre jusqu'à l'an 245 de Rome (507 av. J.-C.) pour trouver une autre application de cette loi. C'était après l'expulsion des rois, alors le consul Valérius porta la loi « qui >> consacrait, avec sa tête et ses biens, celui qui formerait le » dessein de s'emparer du pouvoir 1. »

D

1 Sacrandoque cum bonis capite ejus, qui regni occupandi concilia inisset (Tite-Liv. II, 8).

Puis 15 ans après (260,472), dans la réconciliation qui eut lieu lors de la retraite du peuple sur l'Aventin :

« Les magistrats du peuple furent déclarés sacro-saints, »> nous dit Tite-Live. D

Ut plebi sui magistratus essent sacro sancti (Tite-Live. н, 33, no 1).

C'est là que fut fondée cette puissance des Tribuns, qui dévouait aux Dieux infernaux ceux qui oseraient porter atteinte à leur personne.

Denys d'Halicarnasse formule cette loi en ces termes :.

<< Tout homme qui aurait attenté à leur inviolabilité serait » déclaré sacré, tous ses biens consacrés à Déméter ou Cérès, » et celui qui l'aurait tué, serait pur de ce meurtre. »>

Ἐὰν δέ τις τῶν ἀπηγορευμένων τὶ ποιήσῃ, ἐξάγιστος ἔστω, καὶ τὰ χρήματα αὐτοῦ Δήμητρος ἱερά καὶ ὁ κτείνας τινὰ τῶν ταῦτα εἰργασμένων góvou xalαçòs loto (Denys d'Halicar, Ant. rom., l. VI, p. 410).

On comprend corabien une telle loi dut conserver chez le peuple romain la pensée et la pratique que l'on pouvait apaiser les Divinités, en leur immolant des victimes humaines. Ceci va nous expliquer la fréquence et la perpétuité de ces sacrifices.

En 306 (416 av. J.-C.), lors de la révolte du peuple, pour le meurtre de Virginie, cette consécration fut encore étendue plus loin. En effet, voici ce que dit Tite-Live:

« Pour rendre les Tribuns sacro-saints, ce qui avait été presque oublié, les consuls renouvelèrent certaines céré>> monies interrompues depuis longtemps. Ils décrétèrent qu'ils » seraient inviolables par une loi, ce qui était déjà sanctionné » par la religion, loi conçue en ces termes : Tout agresseur » des Tribuns du peuple, des édiles, des juges, des décemvirs » aura sa tête sacrée à Jupiter, que ses biens soient vendus au » profit du temple de Cérès, de Liber (Bacchus) et de Libera » Proserpine). ►

Et quum religione inviolatos eos, tum lege etiam fecerunt, sanciendo : ut qui tribunis plebis, ædilibus, judicibus, decemviris nocuisset, jus caput Jovi sacrum esset; familia ad ædem Cereris, Liberi, Liberæque venum iret (TiteLive, 11, 55).

La croyance que les Dieux acceptaient le sang de ceux qui leur étaient immolés ou dévoués produisit une autre sorte de sanctification, celle de l'immolation volontaire.

C'est à l'an 365 de Rome (389 av. J.-C.) que se présente le premier exemple de ce dévouement.

Parlant de la prise de Rome par les Gaulois, Tite-Live dit : • Ceux des Romains qui avaient rempli des magistratures » curules, voulurent mourir avec les insignes de leur fortune » passée, temoignage de leurs dignités ou de leurs vertus. >> Revêtant la robe solennelle des cérémonies religieuses et des >> triomphes, ils se placent au milieu de leurs demeures sur » des siéges d'ivoire. Quelques auteurs rapportent même, » que par un carmen que leur dicta le grand pontife M. Fabius, ils se devouèrent à la mort pour la patrie et pour les >> Romains, enfants de Quirinus. »

Sunt, qui, M. Fabio pontifice maximo præfante carmen, devovisse eos se. pro patria Quiritibusque Romanis, tradant (Tite-Live, v, 41).

Florus confirme la cérémonie religieuse :

a Aussitôt les vieillards qui avaient exercé les plus grandes » charges, se rassemblent au forum, et là le Pontife pronon»çant les paroles de dévouement, ils se consacrent aux Dieux » Mânes. »

Jam primum majores natu, amplissimis usi honoribus, in forum cœunt, ibi devovente Pontifice, Diis se manibus consecrant (Florus, I, 13).

En 393 (359 av. J.-C.), Tite-Live fait mention d'un nouveau dévouement, dont cependant il met en doute la réalité.

A Rome existait au forum, un lac ou fossé nommé Curtius. Une tradition attribuait ce nom à un chef sabin, du nom de Curtius-Mettus, qui s'y était fourvoyé avec son cheval 1. Mais Tite-Live ramène le dévouement à cette époque et donne le récit suivant:

Cette même année, dit-on, soit par un tremblement de terre, soit par quelque autre cause, un gouffre large et d'une profondeur effrayante s'ouvrir au milieu 'du forum. Vainement, pour combler cet abîme, chacun apporta-t-il des monceaux de terre. Sur un avis des dieux, on se mit à chercher ce qui faisait la force principale du peuple romain; car c'était là, au dire des Devins, cé qu'il fallait sacrifier en ce lieu, si l'on voulait que la Républqué fût éternelle. Alors, raconte-t-on, M. Curtius, jeune guerrier renommé, reprocha aux Romains leur incertitude, comme si le plus grand des biens, pour un Romain, ce n'était pas le courage et les armes. Il impose silence, et, tourné vers le temple des Dieux immortels qui dominent le Forum, les yeux sur le Capitole, les mains tendues au ciel, puis vers les dieux Mânes dans les profondeurs de la terre

1 Voir Tite-Live, I, 13; Denys d'Halic., 11, 81.

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