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une couronne périffable, pour une immortelle qui l'attendait.

Quelles larmes, quelles expiations pourront abfoudre aujourd'huy mes concitoyens! Qui pourra les laver de la froide lâcheté avec laquelle ils ont laiffé confommer le plus odieux des parricides? Ils ont cru par leur filence, fauver & leur vie, & leurs fortunes: mais leur ruine & leur mort n'en font pas moins arrêtées dans les décrets de la providence, & leur honte fera encore au desfous de leurs malheurs.

Philofophes du fiècle, voilà votre ouvrage; voilà votre ouvrage, Voltaire, Rouffeau, Helvétius, Diderot, Dalembert, Raynal, Condorcet, Payne, & vous tous, artisans de déforganisation & d'anarchie, qui nous avez appris à mépriser les premiers principes de l'ordre focial, & à fubftituer les paffions, la vanité & l'athéifme, à l'efprit de paternité & de religion, qui fert à la fois d'appui aux gouvernemens, de frein & de confolation aux gouvernés.

Voilà votre ouvrage, vous auffi, lâches & perfides ignorans, qui vous dites envoyés pour faire une conftitution, & qui crûtes, dans votre orgueilleux délire, pofféder la fageffe des tems paffés, & que les leçons de l'expérience devaient céder aux fophifmes

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fophifmes de vos novateurs; Necker, la Fayette, Bailly, voilà le résultat de vos œuvres. Ce fang qui a coulé, c'est vous qui l'avez répandu; cet échaffaud, c'est vous qui l'avez dreffé; cette tête qui ne fe lève plus vers les cieux, cette tête fanglante.... prenez la, c'est à vous à la préfenter au peuple, c'est à vous à lui dire encore, LE VOILA, FRANÇAIS, CE ROI QUE PARIS A CONQUIS.

Ah! il eft encore bien d'autres coupables; & ceux qui long tems avant la Fayette pratiquèrent l'infurrection, ces magiftrats, qui partagèrent dès 1788, l'infolence du Duc d'Orléans envers fon maitre, espéreront-ils fe fouftraire au jugement de la poftérité ? Sans doute bien des larmes ont expié cette erreur funefte; & l'horreur de voir leurs noms unis pour l'éternité à celui du monftre qui fut le fléau & le defhonneur de fon pays, leur fait payer bien cher aujourd'huy les applaudiffemens populaires d'alors: mais je ne veux point rouyrir des bleffures qui faignent encore; je ne veux point non plus parler des maux qu'a faits un zéle mal dirigé; le fang de mon roi crie, & demande vengeance; je cherche cette vengeance partout où j'efpère pouvoir la trouver; je la cherche dans l'honneur, & je ne la dédaignerai pas dans le repentir.

C'était donc fous de pareils aufpices que je devais écrire l'hiftoire de mon pays. Ah! lorfque

j'entrepris de peindre ce dernier tableau, que j'étais loin de m'attendre à voir de nouvelles atrocités furpaffer encore celles que j'avais à décrire. Je voyais alors les forfaits du 2 7bre, mais j'en voyais auffi les vengeurs arrivés fur nos bords, & les lauriers de la victoire fe découvraient à ma vue au travers des cyprès & des tombeaux. Mes vœux ont été déçus, mes efpérances ont été détruites; je n'ai encore que des crimes à tracer, & quels crimes! le foleil a déjà parcouru des milliers d'années, fans jamais en éclairer d'auffi grands.

VINGT-UN

DIX AOUT, DEUX SEPTEMBRE, JANVIER, jours de fang & de deuil, foyez à jamais profcrits dans les faites du monde. Vous aviez été préparés par des journées non moins éxécrables; le 28 Décembre 1788; le 17 Juin le 14 Juillet, le 5 Sbre, 1789; le 4 Février 1790, le 28 Février, le 18 Avril, le 24 Juin, 1791; le 20 Juin 1792 laifferont toujours le fouvenir de leur horrible anniverfaire; mais pourquoi particularifer quelques dates? chaque jour de la vie de Louis depuis cinq années, n'a-t-il pas été un jour d'amertume & d'opprobre? Chaque jour, n'a-t-il pas eu à trembler pour la vie de ce qui lui était le plus cher, fa femme & fes enfans? I y avait long-tems fans doute qu'il avait fait le facrifice de fon éxiftence; mais il fut époux & père, & peutêtre dût-il fes malheurs à ce caractère de tendreffe & de

& de bonté qui concentra fes affections dans un cercle trop limité, au lieu de porter fa justice partout où elle devait s'étendre.

Senfibilité! funefte préfent de la nature, tu es une vertu dans les hommes ordinaires, mais que de maux tu fais à l'humanité, lorfque tu as choifi le cœur d'un roi, pour y éxercer ton empire! II voit des hommes, des amis, là où il ne devrait appercevoir que des fujets; car ces amis, ces hommes, fi philofophes, fi doux en apparence, recélent l'ame de la brute ou du tygre fous la forme de l'agneau; ces compagnons de vos plaifirs, de vos courses, peregrinantes, pernoctantes, font les premiers à vous faire rougir de leur ingratitude, & de votre erreur. Couverts de vos bienfaits, ils vous chargent de leurs calomnies; éduqués, enrichis* par vos foins, ils s'élèvent contre la main généreuse qui les a nourris;& ils argumen

* Charles Lameth, dont la mère reçut 60 mille livres du roi pour l'éducation de fon fils, a cru fe délivrer du fardeau de la reconnaissance, en remettant au tréfor public la fomme qu'il avait reçue; mais a-t-il cru pouvoir souftraire au peuple la connaiffance que c'était la reine qui à force d'intéresser la vanité d'un vieux & riche créole, l'avait déterminé à donner à Charles & fa fille & fa fortune! Si Charles voulait fe laver du fang innocent qui vient d'être verfé, qu'on lui reprefente la procédure du s 8bre, et qu'il dife, s'il l'ofe, quel fut alors fon vœu pour abolir, ou fuivre ce procès.

tent

tent encore avec vous du droit que vous avez eu de leur donner les graces qu'ils ont acceptées.

Qui plus que Louis & fa famille éprouvèrent la malveillance de ceux-là même qui leur devaient tout. On dirait que la juftice divine a voulu apprendre à tous les rois par l'exemple du nôtre, que dans un fiécle corrompu, les faveurs d'un monar que font le germe des factions; & pourtant Louis a pardonné en mourant à ces premiers auteurs de fa mort. Il a dit pour eux ce que leur orgueil avait empêché jusqu'ici à ces hommes fuperbes de confeffer; Louis déclare que dans des moments de trouble d'effervescence, on n'eft pas toujours maitre de foi; & cet aveu dans fa bouche est un nouveau bienfait dont ceux-ci ont encore à rougir. Ainfi notre divin maitre, au milieu de fes tourmens, priait pour fes bourreaux: pardonnez leur, mon père, car ils ne favent ce qu'ils font.

Louis a fini, comme il avait vécu. Ses ennemis ni fes courtifans n'ont pu dans ces derniers momens calomnier fa conduite, outrager fa vertu, ni déguifer fes lumières. Il a paru devant le tribunal de fes contemporains, comme il a paru au tribunal de la divinité; une ame élevée, un efprit orné, un cœur droit, des fentimens purs, candeur, magnanimité, ce courage que l'on ne puife que dans une confcience fans tache, voilà les traits fous

lefquels

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