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ance, tour à tour jufte par haine, & cruel par frayeur; en un mot digne de fes auteurs, & plus digne encore de fes fucceffeurs. Je ne donne point la lifte de membres qui le compofaient. Je penfe qu'elle est également hors de la portée des feuillets de l'hiftoire, ou du greffe de la tournelle criminelle; laiffons les donc dans l'oubli, & préfentons au Royalisme l'honorable nomenclature de fes nouveaux martyrs.

Life des Prifonniers de la Haute Cour Nationale d'Orléans, égorgés le dimanche 9 7bre. à Versailles, par trente affaffins, en préfence de tionales, à trois heures après midi. Ceux qui fe font échappés, font marqués en caractères italiques,

1500 gardes na

Louis Hercule Timoléon, Duc de Coffé-Briffac, chevalier des ordres du Roi, lieutenant-général des armées, gouverneur de Paris, commandant des cent Suiffes de la garde du Roi, & récemment, commandant général de la garde conftitutionnelle de fa Majefté,

M. de Briffac avait été accufé, fans preuves, fans même un prétexte plaufible, d'avoir compofé la garde du Roi d'un manière anti-civique, & d'y avoir fait entrer des officiers fuffets; cette accufation avait été portée à la fin d'une féance permanente, qui dura pendant les trois fètes de la Pentecôte, féance où les paffions avaient été exaltées, au dernier point, par l'affaire du juge de paix La Rivière. Pendant la difcuffion du licenciement de la garde, & de l'accufation de fon chef, époque où la faction Gua det & Briffot, feconda de tout fon pouvoir la faction de Chabot, Bazire & Merlin, on avait offert au Duc de Briffac tous les moyens de s'éloigner & paffer en pays étranger; il ne voulut jamais quitter le Roi, auprès duquel il avait déjà paffé les trois années. de la révolution, fans le perdre de vue un feul jour. Lors du retour de Varennes, il fut le feul dont la prefence put confoler le Hh 3

Roi

Roi des véxations odieufes de La Fayette & des fiens. Ce fut lui, qui, embrassant ce malheureux monarque, le foir même du retour à Paris, renouvella la scène de Sully avec Henry IV. Entouré de fes féroces geoliers, Louis XVI. repouffait le loyal Duc, en lui obfervant, que fon attachement à fa perfonne allait peutêtre le faire fufpecter. Rien ne peut égaler la douleur que S. M. éprouva, lorfqu'il fallut mettre à exécution le décret contre fon ani Peut-tre, aurait-il dû, ce jour là, monter à cheval, & s'oppofer, à la tête de fa garde, à cette violation de la conftitution; mais la guerre civile, qui feule préfentait au Roi une chance de falut, répugnait tellement à fon cœur, qu'il préféra sacrifier fon ferviteur, plutôt que de faire un appel au peuple, qui eut fauvé l'un & l'autre. Alors, il eft vrai, Dumourier, Servan, Clavière & Roland étaient minifties, & le Roi n'était pas maitre de fon confeil. Quoiqu'il en foit, M. de Briffac n'en pouvait pas éviter davantage le fort qui le menaçait; quand bien ménie il n'eut point été emprifonné, il n'eut pas quitté la famille royale au 10 Août, & il eut péri à côté de M. de Viomesnil, ou

de M Bachmann.

M. de Briffac était le confolateur de tous les malheureux prifonniers d'Orléans. M. Dulery paraiffait affecté d'une profonde mélancholie, quelques jours avant fon jugement. M. de Briffac voulut en favoir la raison. Il apprit que cet infortuné gémiffait fur le fort de fa femme & de deux enfans qu'il laiffait fans reffources. Il lui rendit fa fermeté en affurant 1200 liv. de rente aux uns & aux autres. Je ferais au deffous de la vérité, fi j'essayais de peindre tous les traits de loyauté, de nobleffe & de grandeur, qui caractérisèrent pendant 50 ans la carrière de M. de Briffac. Je me borne à dire qu'il faifait partie de ce petit nombre d'hommes qui, dans ces derniers tems, nous retraçaient encore avec M M. les Maréchaux de Biron, de Broglie, & de Castries, M. le Comte d'Egmont, & quelques autres, ce qu'étaient jadis, & ce que devraient être les grands feigneurs en France. C'est ce petit nombre de grands feigneurs qui fait le dèfefpoir des gens qui veulent de bonne foi nous propofer une chambre des pairs à l'Anglaife;

glaife; mais qui, en revanche, fait le bonheur de ceux qui voudraient profiter de cette pénurie, pour la compofer de banquiers, d'avocats, & d'académiciens.

Antoine de Leffart, miniftre au département des affaires étrangères, cy devant confeiller d'état & miniftre de l'intérieur.

M. de Leffart avait été accufé & emprifonné le 10 Mars, par fuite d'une intrigue dont Briffot fut l'agent, & dont un miniftre que lui de Leffart avait fait renvoyer, fut l'ame. Le motif de fon accufation fut de n'avoir pas déclaré cette guerre, fans laquelle, dit Briffot, l'on n'aurait jamais eu la république. Ainsi, le crime de M. de Leffart fut d'avoir été fidèle à la conftitution qu'il avait jurée, & d'avoir cherché à en afsurer la durée. M. de Lefsart avait une grande habitude du travail, de l'efprit, & un attachement fincère à la perfonne du Roi. Les obligations qu'il croyait avoir à M. Necker, l'avaient rendu, en quelque forte, fa créature, & fon admirateur fervile, M. Necker, dans fon apologie de Louis XVI. invoqua comme un témoignage facré, les paroles que fon ami de Lefsart lui adrefsait du fonds de fa prifon, quelques jours avant fa mort. On eut cru voir le génie de la vertu évoquant du fond des enfers le génie de l'amitié; & dans le même tems, la fille du Génevois, & le miniftre rival de l'ami de fon père, fe mon、 traient publiquement ensemble dans un pays voifin!.....Mais, au milieu des crimes que je peins, les vices font au defsous de mes crayons....je reviens à M. de Lefsart....il entretint, pendant fon féjour à Orléans, une correspondance continuelle avec le château, Il y était encore dans fon cachot, l'homme le mieux informé de la France. Il y avait prédit cent fois la mort du Roi, la fenne propre, celle de toutes les perfonnes qui ont peri depuis, il douna des avis excellens, qui ne furent jamais fuivis; enfin, il vit ap procher fa dernière heure avec le courage & le fang froid du militaire le plus brave, ou du philofophe le plus réfigné. Sa mort lui

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a afsuré un nom que fes liaisons & fes habitudes antérieures euffent difgracié à jamais.

Charles Xavier Jofeph de Franqueville d'Abancour, miniftre de la guerre à l'époque du 10 Aouft, parent de M. Calonne.

Jean Arnaud de Caftellane, évêque de Mende, vieillard plus que sèxagénaire, accufé, fans preuve des troubles du département de la Lozère.

Jean Baptifte de Rets, capitaine des gardes nationales de ce même département, compris dans l'accufation de l'évêque de Mende. M. de Rets était coufin de M. de la Fayette.

Charles François de Malvoifin, lieutenant colonel du régiment de dragons de Monfieur, accufé d'embauchement pour Coblentz. Ce fut lui, qui, lors de l'irruption des brigands dans les prifons d'Orléans, fe jetta d'un toît en bas & fe caffa le pied.

Charles François Mark, jeune homme de 18 ans, garçon apotiquaire de Toul.

C'était lui, qui avait dénoncé M. de Malvoifin; mais il s'était tellement coupé, & contredit, lors de fa confrontation, qu'on prit le parti de s'en afsurer, en l'incarcérant. Cet exemple fert à prouver avec quelle légèreté le corps législatif rendait des décrets d'accufation. Ce Mark passait fon tems en prifon à voler tous fes co-prifonniers.

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