Page images
PDF
EPUB

préfenterais foudain le tableau de notre ancienne corruption, je le forcerais de s'humilier devant l'être fuprême dont les voies font incompréhenfibles, & je lui répéterais avec le pontife,

Soit que le ciel recompenfe ou puniffe,

C'est aux mortels d'adorer fes décrets.

Dans la nuit de 1er 7bre. le confeil des affaffins fe tient chez Danton. Chacun reçoit fes ordres, les fonctions font affignées, les rôles diftribués comme au 10 Août; enfin de crimes en crimes, de complots en complots, nous arrivons au di

manche 2.

Le

Le 2 Septembre.

Il s'eft levé ce jour de fang. Le foleil est encore venu prêter fa lumière à un nouveau feftin des Atrides-Obfédé d'un preffentiment funefte, rempli d'idées lugubres, feul, à pié, j'étais allé dès le matin, raffurer mon cœur fur le départ d'un aml. Il était déporté mon ami, il fuyait fa patrie & pourtant il avait été, auffi lui, envoyé aux états généreux, mais toujours fidèle à fon Dieu, à fon Roi & à l'honneur, il n'avait ceffé de fiéger à côté de Cazalès & Maury. Il était parti d'affez bonne heure pour échapper aux maffacres du jour. Je revenais de l'hôtel du Cardinal de la Rochefoucault à ma retraite, & je traverfais triftement les Thuilleries. L'afpect de la pyramide élevée aux morts du 10 Août fur le baffin du milieu, le drapeau flottant où je lifais en caractères noirs l'apothéose de Pétion encore vivant, les belles ftatues de marbre mêlées avec les images hideufes de la liberté nouvelle, les arbres qui commençaient à fe dépouiller de leur verdure, tout jufqu'à ce finiftre entourage de planches de bateaux qui circonvenait & fermait le château de toutes parts, fes colonnes dégradées, fes fculptures mutilées; la guillotine permanente au Carrou

fel,

fel, dont j'appercevais les appendices au travers des grilles du Palais, & qui femblait correfpondre pour le point de vue, au piedestal nud de la belle ftatue de la place Louis XV. renverfée & brifée; tout portait dans mon ame l'image de la deftruction & du néant; je tombai infenfiblement dans une rêverie profonde; mon imagination me plaçait au milieu des ruines de Palmyre, & ma mémoire me rappellait involontairement ces vers que j'appropri ais au lieu & aux circonftances:

Superbes monumens de l'orgueil des humains,
Pyramides, tombeaux, d'étonnante structure,
Jardins, où maintenant nos modernes Romains
De s'entr' aflaffiner fe donnent tablature....

Affaiffé, dégouté, je perdais quafi le fentiment. de l'existence, & j'allais errant ça & là, fans m'appercevoir seulement que déjà mon nom était répété depuis long tems autour de moi. Je dûs mon réveil & mon falut à un des Suiffes de porte du jardin. Il me reconnut & m'avertit du péril qui me menaçait. Je pus rentrer dans mon azile, & là, le compas à la main, je mefurais fur la carte la diftance qui féparait Verdun de Paris, & je me difais dans ma folle efpérance, avant le 15 7bre.. Paris doit être fauvé, lorfque tout à coup le bruit du canon d'allarme & le fon du tocfin vinrent m'arracher à mes calculs, & me rendre à mes pre

mières

mières inquiétudes. Une agitation fourde se manifeftait dans toutes les rues, la nouvelle de la prise de Verdun s'était confirmée vers midi, la curiofité portait tout le monde vers la falle de l'affemblée nationale, où les miniftres venaient de fe rendre. Le commun des factieux préparait fes poumons; les Marseillais & les membres de la commune aiguifaient leurs couteaux.

Pour augmenter l'effroi général, le Brun ministre des affaires étrangères prévient que la Ruffie fe ligue avec les autres ennemis de la France, que 20 mille Ruffes quittent la Pologne pour venir du côté de l'Allemagne, qu'il eft parti d'Archangel une flotte dont on ne fait pas la destination, & mille autres men fonges; le miniftre de la guerre, Servan, propose pour fe rendre populaire, une amélioration dans le pain de munition; enfin le terrible miniftre de la juftice, Danton, vient enfler de fa voix révolutionnaire toutes les trompettes de la renommée, & enlever les applaudiffemens des tribunes par un difcours de la plus profonde fcélérateffe. En voici un extrait.

"Il eft bien fatisfaifant pour des miniftres choifis "par le peuple, d'annoncer à fes représentans que "la patrie va être fauvée. Tout l'empire va y "concourir avec la capitale

Verdun n'eft pas pris.

"Les habitans ont juré d'exterminer celui qui

"parlerait

"parlerait de fe rendre. Au moment où nous 6c nous concertions avec des membres de la com

66

mune, & des députés pour le falut du peuple, "Paris vient nous en offrir les moyens. Que tous "les citoyens volent donc à l'ennemi. Que les piques feules fuffifent pour garder la capitale ; que tout citoyen qui refufera de marcher, ou de "donner fon fufil, foit puni de mort. L'homme, "avant d'appartenir à foi-même, fe doit à la "trie, éclairez le peuple; qu'il fache que ce toc"fin n'eft point un figne d'allarme, mais une in"vitation abfolument néceffaire pour détruire les "fatellites des defpotes."

pa

Il ajoute à ce pathos qu'il faut que des commiffaires ambulans foient à l'inftant nommés pour feconder les bons deffeins du pouvoir exécutif, pour tra vailler de concert avec lui au falut de la patrie. Il demande que l'on décrète encore, que quiconque refufera de remettre fes armes ou de fervir, foit déclaré traitre à la patrie & puni de mort, enfin qu'il foit fait une adreffe aux citoyens, pour diriger leurs,

mouvemens *.

Le législateur La Croix, le plus lâche, & le plus infignifiant des factieux, n'ayant d'autre talent

* On verra bientôt ce qu'étaient ces commiffaires, & comment fut conçue l'adreffe pour diriger les mouvemens civiques.

qu'une

« PreviousContinue »