d'autres; en portant l'attention du public fur ces intrigans éhontés, en les peignant occupés à obféder le monarque de terreurs, pour lui promettre le lendemain de l'en délivrer à beaux deniers comptans, on eut détourné la fureur populaire; car je crois avoir affez obfervé le peuple dans la révolution, pour appercevoir que ce peuple était alors un enfant chez qui la curiofité l'emportait encore fur la férocité. * Il eut chaffé du Panthéon les reftes infects de Mirabeau, il eut pendu Chapélier, Talon & Duport; nous en euffions tous ri depuis le Palais Royal jufqu'à Mofcou; les gens qui auraient voulu continuer de poursuivre M. de la Porte, auraient été arrêtés par la crainte de paraitre récriminer contre des refus de gratifications, & M. de la Porte aurait peut-être été fauvé, ainfi que le Roi. La loyauté eft une belle vertu fans doute, mais elle doit être accompagnée du courage. Ce n'eft rien de favoir mourir, il faut savoir agir & parler à l'occafion †. * Il mettait à connaître les fecrets de la lifte civile, le même empreffement qu'il avait mis à voir ceux du livre rouge, le même empressement qu'il avait mis jadis à lire la correfpondance, les mémoires fecrets, & l'Efpion Anglais. On femblait ici punir M. de la Porte d'avoir privé la curiofité publique du dernier ouvrage de Mad. de la Motte, dont il avait arrêté & brulé l'édition. Cependant l'ouvrage a paru & Mad. de la Motte n'en a été que plus méprisée. + Si M. de la Porte avait été orateur, & qu'il eut pu improviser un difcours de 2 heures, il pouvait faire fortir de fa pofition le plus beau plaidoyer pour le Roi & la royauté. Quoiqu'il en foit, M. de la Porte marcha au fupplice, & le fubit, avec la plus grande férénité. II mourut en proteftant de fon innocence. Sur la route de la Conciergerie au Carroufel, près de fa demeure, une femme qui fubfiftait de fes bienfaits fe mit à fondre en larmes, en le voyant marcher à l'échaffaud. Elle fut à l'inftant affommée par la populace, à la vue même de fon bienfaiteur à qui l'on dit; c'est ainsi que périront toutes tes créatures. Ainfi, il emporta au tombeau la douleur de prévoir combien de victimes innocentes allaient l'y fuivre. M. de la Porte eft mort regretté de tous ceux qui étaient accoutumés à le voir. D'un caractère doux & facile, d'une intégrité rare, on eut dit que la bienfaifance était pour lui un befoin. Chargé de diftribuer les aumônes du Roi, il avait à chaque commencement de mois l'honorable foin de confoler & de foulager 800 indigens. Perfonne ne fut plus avant que lui dans la confiance intime du monarque auffi qu'en réfulta-t-il pour lui? Tiraillé par mille cabales diverfes, toutes celles qui croyaient qu'il avait conseillé au Roi une autre détermination que leur propre projet, l'accufaient & l'invec tivaient à la fois. La multitude de fes fonctions, la quantité de demandes qu'on lui faifait, & l'inquiétude que lui donnait fon attachement famille royale, l'abforbaient entiérement. Il vou R 2 pour la lut lut plufieurs fois donner fa démiffion, le Roi exigea toujours qu'il reftât auprès de lui *. On avait peut-être à lui reprocher quelque penchant fecret pour les gens à demi mefures, quelques imprudences, mais fon zèle & fes malheurs ne permettent pas de troubler fa cendre. Il a laiffé une femme & plufieurs enfans en bas âge. Il n'eft pas moins pleuré de plufieurs frères qui honorent également la magiftrature & le clergé . de Le 25 Août, de Rozoi, auteur de la Gazette de Paris, qui depuis le mois de Novembre 1789, ne ceffait de déclamer contre les Jacobins, les impartiaux & les monarchistes, avec plus de zèle que talent, fut envoyé au fupplice. Il montra fous l'instrument de mort, un courage digne des chevaliers Français qu'il célébrait chaque jour. Il fe félicitait du hazard qui illuftrait fa mémoire, en faisant pé Je dois même ajouter, à la gloire de M. de la Porte, qu'il ne retira fa démiffion que lorfqu'il vit qu'il y avait un peril certain à refter. + Le tréforier de la lifte civile (M. Tourteau de Septeuil) qui joignait à ce premier titre de défaveur, celui d'être premier valet de chambre du Roi, celui de n'avoir pas quitté leurs majeftés le 10 Août, &, qui pis eft, celui d'avoir des proprietés immenfes, eut le bonheur d'échapper aux poursuites qu'on lui intenta. On faifit indiftinctement fes papiers & ceux de Louis XVI. fa cassette & la caisse du roi, fon portefeuille, & les affignats de la lifte civile. Mad. de Septeuil fut arrêtée pour fon mari, & elle fe trouvait encore encore en prifon au 2 7bre. rir rir un royaliste comme lui, le jour de la fête de fon Roi*. Ici les éxécutions s'arrêtèrent pendant quelques jours, & ce fut fageffe aux bourreaux. Le peuple qui vit périr 40co hommes, le 10 Août, au bruit du canon, en éprouva moins d'affres que ne lui en causèrent ces fupplices réitérés. Je fus témoin des terreurs, qu'il conçut à la vue de ces maffacres juridiques dont il n'appercevait point le terme, & je ne crains pas d'avancer que, s'il y en avait eu un quatrième le jour fuivant, on eut vu une infurrection dans Paris. La raifon en eft fimple. Un combat, une émeute laiffent prévoir l'inftant de la victoire, ou de la fin de la commotion. On s'eft batfu, on a vaincu, on pardonne. Mais des affaffinats goutte à goutte! L'imagination d'un cannibale s'en effrayerait. Je l'ai dit ailleurs, cinquante mille hommes tués en bataille rangée font moins d'impreffion fur les fens qu'un bourgeois maffacré im * Pour ce qui précéda la mort de Derozoi, je renvoie à ce qui en eft dit dans la relation de St. Méard. † Danton, Manuel, & Petion, premiers auteurs des massacres du 2 7bre. ainfi que je vais le prouver bientôt, s'apperçurent tellement de cette impreffion qu'éprouvait le peuple de Paris, qu'il fut arrêté dès lors de frapper le grand coup; le 26, lendemain de l'éxécution de Derozoi, Danton fe fit donner les liftes des prifonniers; le 28, les vifites domiciliares eurent lieu: 5 jours après.... Correspondance Politique. punément punément dans les rues. C'eft qu'alors on voit la loi violée, la loi fous laquelle repofe toute la fociété, et quand la loi eft impuiffante, l'état n'est plus, les 25 millions d'hommes doivent fe déchirer entr'eux, & la fociété reiter au dernier vivant. L'état actuel de la France ne prouve que trop cette trifte vérité..... POSTSCRIPT. Une indifpofition grave de l'auteur a retardé la publication de ce numéro, & des deux fuivans dont le manufcrit eft terminé, Le No. XI. paraitra fous fort peu de jours. Les circonstances actuelles obligent tous les amis de la monarchie, & ceux qui défirent le rétablissement de l'ordre en France, de redoubler de zèle & d'activité pour démafquer les premiers auteurs de nos maux, & défabufer les gouvernements étrangers fur l'engoûment qu'ils fuppofent à la nation Française pour la conftitution de 1789, 90, & 1791. Comme je ne vois dans cette conftitution, s'il était poffible qu'on la retablit, que le fupplice plus ou moins prochain de Louis XVII. ou bien, fi le fils fuivait une marche différente de fon père, l'envahiffement mérité de l'Europe, je vais confacrer déformais mon tems & mes forces à préferver l'humanité, & de la conftitution, & des conftitutionnels de 1789, & d'abord je prie qu'on life avec un peu d'attention le paragraphe qui fuit. Paragraphe |