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vriers allaient chercher à la commune des pioches, des pelles, des outils de fer qu'ils promenaient d'abord dans les rues de Paris, & dérobaient enfuite, pour en voler de nouveaux le lendemain. Tout était à ce camp yvreffe, difputes, indécences & vols. On y menaçait tantôt les infpecteurs, tantôt les municipaux, de la lanterne & du fabre. Les travaux en furent fufpendus, prefque auffitôt que

commencés.

On érigea dans toutes les places publiques des trétaux & des théatres, où l'on enrôlait des recrues pour l'armée. D'abord on y joua la comédie qu'en a renouvellé depuis, d'avoir des foldats poftiches qui allaient s'enrôler le même jour à dix places différentes, afin de tromper la populace fur le civilme général. Plufieurs bandits profitèrent de cet exemple, & reçurent effectivement dix fois le prix de leur engagement.

Ce mode de recruter ne fourniffait encore que très peu d'hommes. Les maffacres du 2 7bre. eurent lieu; & alors la terreur fit partir de Paris plus de 40 mille individus. Gentilshommes,

prêtres, bourgeois, enfans de famille, ouvries, tout partit; on fuyait avec horreur une terre de défolation. Ce n'était point fa patrie qu'on allait défendre, c'était la mort, mais une mort digne d'un homme, qu'on allait chercher; plufieurs fe rendaient

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daient auprès de Dumourier pour fe rapprocher des émigrés ou du Duc de Brunfwick, & trouver jour à fortir de France; leur uniforme était leur déguisement, & leur commiffion était leur paffeport.

Il fallait armer, nourrir & habiller cette multitude fans frein, qui confommait vingt fois plus que ne l'aurait fait une armée difciplinée. On épuifa les gréniers & les manufactures nationales & étrangères; la malheureuse facilité de s'acquitter avec des affignats d'une part, & de l'autre, la cupidité aveuglaient la France & les nations voifines fur le danger que l'on faifait courir à l'Europe par ce gafpillage réitéré, & ce déplacement brufque de tant de chofes. En effet, fi l'état de l'Europe, quant aux fubfiftances & au commerce, eft devenu, en quelque forte, une maffe homogène & un fyftême congru, il ne doit point être indifférent à des adminiftrateurs de voir une rupture d'équilibre fi forte & fi fubite avoir lieu dans une partie du grand tout. La France, en s'épuifant de numéraire, s'épuifait de confommateurs futurs; en dépenfant une quantité de fubfiftance triple de la conformation ordinaire, elle commençait une famine quelque part; ainfi, il n'était pas difficile de prévoir dès lors le mouvement qui a fuivi ce mouvement; on devait fentir que chaque lettre de France qui apportait une commande, femait une banque

route;

route; auffi, lorsque j'appris à mon arrivée à Londres, de combien de millions la fin de 1792 avait enrichi la douane Britannique, je vis de ce moment les banques particulières fans credit, & Manchefter fans travail.

Telle fut bientôt la pénurie totale de la France, que l'invafion de la Belgique, de la Hollande, & des Electorats n'eut lieu principalement que pour aller y prendre le bled qu'on n'avait pas, & l'or que l'on n'avait plus.

Enfin, la difette eft venue graduellement au point que, faute de draps, de crédit, & de commerce, il a fallu prendre depuis aux citoyens leurs bas, leurs fouliers, & leurs culottes, & dernièrement, cent mille aunes de velours avaient été achetées pour vêtir les foldats de la république. Encore quelques mois, & nous aurions vu les broçards de Lyon & les tapifferies de la couronne couvrir leur nudité.

Jufqu'ici, vous n'avez vu que des fureurs, des fottifes, ou des ridicules. Maintenant, lecteur, voici du fang.

Commune

Commune de Paris, Arreftations, Tribunal Criminel populaire, Exécutions, Vifites domiciliaires, Massacres.

On fait de quels hommes était compofée cette commune de Paris. Il n'est pas de jour que l'on ne voie fur la scène, Marat, Robespierre, Danton, Panis, Offelin, Sergent, Santerre, Billaud Varennes, Tallien, Léonard Bourdon, Huguenin, Yon, Collin, Rocher, Chaumet, Hebert, Jacques Roux, Lavaux, Collot d'Herbois, Camille Defmoulins, Robert, l'Huillier, Fabre d'Eglantine, L'enfant, Duplain, Jourdeuil, & cent autres brigands de la même trempe on fait leur affociation avec une cinquantaine de membres du corps légiflatif, tels que Chabot, Bazire, Merlin, Albitte, Thuriot, Charlier, Gafparin, le Cointre Puiravaux, de Bry, Duhem, la Marque, &c.....On voit leurs rivaux actuels, leurs complices alors, chercher à leur difputer la faveur & la puiffance populaires, Condorcet, Briffot, la Croix, Sié; és, Guadet, Genfonné Vergniaux, Manuel, Louvet, Roland, Petion, Kerfaint, Barbaroux, Gorfas, &c....Enfin, chaque jour nous préfente un nouvel individu qui de l'obfcure condition de manoeuvre tueur, devient à fon tour, un perfonnage, tantôt c'eft un Weftermann,

ou

ou un Desfieux, tantôt un Fournier, un Lajoufki, un Maillard, qui fortent de la nuit qui les couvrait, pour venir arracher quelques fleurons à la couronne de ceux qui ne les avaient d'abord employés qu'en fous ordre; tandifque Philippe Egalité, s'aviliffant toujours au deffous du dernier de ceux qui compofaient jadis fes phalanges, confpué par eux tous, eft enfin defcendu au dernier terme de la dégradation humaine. Voyons agir ensemble pendant 40 jours cette aggrégation de factions qui fe déchirent aujourd'huy entre elles; mais auparavant de les voir en action, préfentons aux factieux de tous les pays & de tous les tems un tableau de ces factions, de leur origine, de leurs moyens, & de leur fin.

Le 10 Août, toutes ces factions réunies & combinées avaient détruit la faction conftitutionnelle qui régnait alors fous le nom du Roi. Ce n'était pas tout de vaincre, il fallait conferver fa puiffance. La multitude factieufe ameutée par Petion, par Marat, par Briffot, par Santerre, les poëtes & les bouchers, les gazettiers & les mâcons, les ftipendiés de Philippe, & les écoliers de Chenier, réunis, pouvaient bien renverfer le peu d'obstacles que leur oppofait la conftitution, mais ils commençaient leur régne, comme toutes les factions qui les avaient précédés, depuis M. Necker, fans plans, & fans vues méditées d'avance. Obligés de fe fervir

les

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