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teurs de bonne foi. Y voit-on jamais cette inquiétude qui accompagne l'auteur, lorfqu'il n'eft guidé que par fa propre critique dans le choix des faits & des circonftances? On fent, au contraire, la fécurité de la plume qui retrace les événemens. Ils fauront fe défendre par euxmêmes contre l'incrédulité. Qui peut nier qu'il ne foit né en Bethléem un enfant extraordinaire, annoncé par les Prophetes? Des fages d'Orient font venus pour lui rendre hommage. A qui fe font-ils adreffés? Au roi Hérode, qui n'étant pas en état de leur indiquer les lieux, affemble les Docteurs de la Loi, pour apprendre d'eux ce que les Prophetes ont annoncé à ce fujet. Cette notoriété ne fuffit pas. Les Mages fe rendent à Bethleem: le roi foupçonneux attend leur retour: & se voyant trompé dans fon attente, il explique l'oracle du ciel à fa maniere : il craint que cet enfant ne lui ôte un jour le diadême, il veut le faire périr; mais ne fachant point ce qu'il eft devenu, il com. mande qu'on égorge tous les enfans des environs de Bethléem qui pouvoient être du même âge, afin que l'enfant perfécuté fût enveloppé dans le maffacre général. Des cris aigus s'élevent contre cette inhumanité, tout l'Empire Romain les a entendus, & il a frémi d'horreur.

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Qu'avoit befoin l'hiftorien de cet événe➡ ment, de rien joindre du fien à la fimple vérité, pour la rendre plus vraifemblable?

Dans les autres Hiftoires il y a des vuides à remplir, où la vérité manque, des liaifons à ménager, des causes à mettre en jeu ; l'écrivain ne peut faire un pas que les mémoires à la main : mémoires dont l'autorité a eu befoin d'être appuyée par d'autres monumens, quelquefois inconteftables à la vérité, mais auffi quelquefois équivoques, obfcurs, énigmatiques, qui femblent fe contredire réciproquement. Dans l'hiftoire inspirée, on voit que l'auteur a tout préfent devant les yeux, & que le récit s'arrange conformément à ce qui eft.

Quoique l'Hiftoire facrée ne foit point faite pour fervir de modele aux écrivains, mais pour apprendre à l'homme ce qu'il eft, ce qu'il doit faire, & à quoi il doit tendre felon les vues de Dieu, il eft certain cependant qu'il n'y a rien de plus parfait dans le genre de l'Hiftoire. Elle eft exacte, fidelle, fùre, fimple, fans paffion: c'eft la vérité même qui fe montre naïvement & fans apprêts.

Nous ne parlons point de l'intérêt qui tient au fond des chofes; il n'en eft point de plus grand de plus noble, de plus

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vif, de plus varié dans aucune autre hiftoire. Elle est à l'égard des autres récits hiftoriques, qu'on nous pardonne cette comparaifon ce qu'eft l'Epopée à l'égard des autres poëmes :puifqu'elle feule a le droit de préfenter le merveilleux, c'est-à-dire, de montrer l'action de Dieu fur l'homme, les loix de fa juftice, l'étendue de fon pouvoir, les tréfors de fa fageffe, & la fublimité de fes deffeins. Elle contient les principes & les développemens de la vraie Religion; elle expofe dans le plus grand jour les maximes fondamentales de la Loi naturelle; elle apprend aux hommes dans tous les états, dans tous les âges, dans toutes les condi tions, les moyens de s'affurer un bonheur folide; elle renferme les titres de tous les peuples, montre leur origine; leurs établiffemens divers; elle éclaire les ténebres de plus de trente fiecles d'obfcurité ; elle nous préfente le fil pour nous tirer du labyrinthe des tems fabuleux; elle nous donne l'explication de ces monumens précieux dont le genre-humain avoit perdu le fens, quoiqu'il en fût toujours le dépofitaire; enfin ce Livre des Livres eft l'hiftoire du ciel & de la terre, & de ce qu'ils contiennent ; & tout ce qui n'y est pas renfermé n'eft, ou qu'une répétition des mêmes faits & des mêmes

exemples, ou qu'incertitude, erreur érudition vaine & inutile au bonheur de l'homme.

L'histoire Eccléfiaftique ne differe de l'Hiftoire Profane que par l'objet. L'écrivain y eft abandonné à lui-même, il n'a de reffources que dans fes connoiffances & fes talens pour reconnoîrre le vrai, & l'expofer aux autres. Mais comme il traite des matieres qui appartiennent au Chriftianisme, il est obligé plus qu'un autre hiftorien d'animer fon récit de cet efprit de fimplicité, de naïveté, convenable à une Religion qui renonce spécialement à tout ce qui n'eft que pompe vaine & oftentation frivole. M. de Fleuri a faifi parfaitement ce caractere dans fon Histoire Eccléfiaftique. Quand on le lit, on croit entendre la dépofition d'un témoin fage & fidelle, qui rend avec candeur ce qu'il a vu fans prévention & qui le rend par conféquent comme il eft. Il y a dans fon ftyle quelque chofe de cette nobleffe & de cette onction qu'on fent en lifant les hiftoires facrées. Il parle des deffeins de Dieu avec dignité, de fes miniftres avec circonfpection; il blâme & loue par les actions; par-tout il laiffe voir le bon efprit, la piété éclairée, le cœur droit. S'il préfente quelquefois en paffant le germe d'une ré

flexion, il rentre auffitôt dans fon caractere & fes fonctions d'hiftorien & de témoin défintéreffé.

Comme notre objet n'est point ici de donner une notice de tous les hiftoriens célebres, ni de tracer des regles fur la maniere d'étudier l'Hiftoire, mais feulement de caractériser les différens genres d'hiftoire, leurs qualités, leurs objets différens, on ne doit pas être étonné de nous voir passer rapidement d'un genre à l'autre. Il nous fuffit de définir, & quelquefois de citer unmodele.

CHAPITRE III.

De L'Hiftoire Profane.

'HISTOIRE profane eft le portrait des fiecles paffés préfenté aux fiecles à venir, pour leur fervir d'instruction. C'eft, dit M. de la Mothe qui la définit en orateur, un spectacle de révolutions perpétuelles dans les affaires humaines, de naiffances & de chutes d'empires, de mœurs, d'opinions, qui se fuccedent inceffamment; enfin de tout ce mouvement rapide, quoiqu'infenfible, qui emporte tout & change continuellement toute la face de la terre.

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