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ner: des expreffions naïves & familieres, defcends là-bas, & va-t-en de ce pas. Haranguer, terme de dérision & d'infulte. foeurs filandieres, allufion à la Fable.

Telles font les trois premieres opérations dont il s'agit de développer l'art dans ce Traité. On y en ajoute une quatrieme qui a pour objet la Prononciation, c'est-à-dire, l'art des geftes, des mouvemens & des tons de voix qui doivent accompagner l'action de l'Orateur par conféquent cette Partie fera divifée en quatre Sections.

SECTION PREMIERE,

DE L'INVENTION ORATOIRE.

'OBJET de l'Orateur eft de perfua

Lder. Or, pour perfuader les hommes,

il faut prouver, plaire, toucher. Quelquefois un feul de ces moyens fuffit: quelquefois ce n'eft pas trop de les réunir tous trois. On prouve par les argumens; on plaît par les mœurs; on touche par les paffions.

Comme ces moyens regnent plus ou moins dans l'Oraison, felon la différence des Genres, commençons par faire connoître ces Genres; après quoi ncus parlerons des Argumens, des Moeurs & des Paffions.

CHAPITRE I.

Des Différens Genres d'Oraifon.

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N les réduit ordinairement à trois : le premier eft le Genre démonstratif; le fecond, le Genre délibératif; le troifieme, le Genre judiciaire. Le premier a pour objet, furtout le préfent; le fecond l'avenir; le troifieme le paffé. Dans le démonftratif on blâme, on loue. Dans le délibératif on engage à agir, où à ne pas agir. Dans le judiciaire on accufe, on défend.

I.

Genre démonftratif.

Le Genre démonstratif renferme les panégyriques, les oraifons funebres, les difcours académiques, les complimens faits aux rois & aux princes, &c. Il s'agit dans ces occafions de recueillir tout ce qui peut faire honneur & plaire à la perfonne qu'on loue.

On loue fa naiffance: c'eft le fang généreux de fes peres qui coule dans fes veines: l'aigle courageufe n'enfante point de timides colombes.

Si fon origine est obscure; c'est un hég

ros qui ne doit rien qu'à lui-même : fa gloire eft l'ouvrage de fa feule vertu.

On loue fon éducation : il eft né fi heureusement, il a été élevé avec tant de foin, que l'un de ces deux avantages, fans le fecours de l'autre, auroit fuffi pour en faire un homme extraordinaire.

Si l'éducation lui a manqué; fon naturel prefque divin a pris de lui-même un effor généreux, & a franchi tous les obftacles.

On loue de même les mœurs, les actions d'éclat, la conduite extérieure, la vie privée, l'efprit, les graces, les

vertus.

Mais l'Orateur doit fonger qu'en voulant faire trop d'honneur à fon héros, il peut quelquefois fe déshonorer lui-même. Quoique l'auditeur ne foit alors ni juge, ni partie ; il a cependant fes droits, dont il eft jaloux, & qu'il exerce ordinairement dans toute leur étendue. Si vos preuves font mal choifies, fi elles font tirées avec peine du fonds de la flatterie, plutôt que du fein de la vérité, il s'irrite contre l'adulateur, qui veut le rendre complice de fa baffeffe.

Il n'eft pas difficile, difoit Socrate, de louer les Athéniens à Athenes : niais de réuffir devant un Scythe, un Lacédémonien, un Philofophe, ce feroit le

comble de la gloire, & du héros & du panégyrifte. Un Scythe & un Philofophe ne fe rendent qu'à la vérité. Et la vérité en ce genre est toute entiere dans les faits. Pour bien louer, il ne s'agit donc que de préfenter les faits d'une maniere vive & frappante. Les éloges qui ne se foutiennent que par des mots & des phrases fonores, reffemblent aux bulles de favon qui brillent dans l'air, & que le moindre fouffle fait difparoître.

Qu'on revête les faits de tout l'appareil de l'éloquence; qu'on emploie les termes nobles & magnifiques, les tours hardis, les périodes nombreuses, les chutes préparées, les figures brillantes; que tout paroiffe choifi, mefuré, paré de fleurs & de guirlandes, l'auditeur y confent. Les panégyriftes depuis Périclès jufqu'à nous, fe font maintenus dans cette poffeffion. On fait que tout panégyrique eft une forte de triomphe accordé à la vertu. Loin de trouver mauvais qu'on le rende pompeux & magnifique, notre amour propre femble payé pour y applaudir: mais il faut des faits.

I I.

Genre délibératif.

Dans le genre démonftratif on loue la vertu; on la confeille dans le Genre dé

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libératif, on montre les raifons pourquoi on doit l'embraffer. La maxime d'Horace, vraie dans tous les cas, l'eft ici plus que jamais (a) il faut connoître à fond fon fujet, & l'avoir considéré attentivement dans toutes fes faces, non- feulement réelles, mais poffibles.

On propofe une entreprise. Eft-elle utile? Ne l'eft-elle pas? Il s'agit de déclarer la guerre, pour venger une injure reçue. Il faut calculer avec foin le pour & le contre des probabilités; ce qu'il y a à efpérer; quelles font les reffources de l'E

tat,

& celles de l'Ennemi; quelles fuites peuvent avoir les revers; par quels moyens ils feront réparés; enfin fi le dommage auquel on s'expofe ne fera point plus grand que celui qu'on a reçu.

Toutes ces chofes pefées mûrement par un efprit folide, défintéreffé, & paroiffant tel; il ne refte qu'à les expofer avec force & fimplicité. Il ne s'agit plus ici d'étaler des graces, de chatouiller l'oreille, de flatter l'imagination; c'est une éloquence de fervice, qui rejette tout ce qui a plus d'éclat que de folidité. Qu'on entende Démofthene, lorsqu'il donne fon avis au peuple d'Athenes dé

(a). . . . . Cui lecta potenter erit res,
Nec facundia deferet hunc, nec lucidus ordo....

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