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ingrats, féconder les plus stériles; en un mot, produire des effets et des résultats fort au-dessus de ceux que l'on a cru jusqu'ici pouvoir en attendre. Il en est des esprits comme des terreins; le sol le plus fécond produira peu de choses et souvent beaucoup de mauvaises choses, s'il reste inculte ou s'il est mal cultivé, tandis qu'entre les mains d'un habile cultivateur il ne produira que de très-bonnes choses et en produira abondamment, comme le sol le plus ingrat sera par ses. soins rendu fertile à la longue. L'éducation est en morale l'image de l'agriculture, il n'est pas d'élève, à moins qu'il ne soit atteint de la maladie naturellement assez rare de la stupidité ou de la folie, dont un sage et habile instituteur ne puisse tirer un trèsgrand parti, et auquel il ne puisse donner une excellente tête.

En effet, l'homme ne naît ni stupide, ni savant, ni vertueux, ni vicieux; seulement en naissant il apporte avec lui les instrumens de ses connoissances, de ses talens, de ses vertus et de ses vices, c'est-à-dire, des sens. Mais quelqu'heureusement disposés qu'ils soient, si l'on ne prend soin de diriger et de développer chacun d'eux par un exercice journalier et méthodique, au moins durant quelques années, ils acquereront peu d'habitudes, et l'individu le mieux organisé ne sortira point de la sphère assez étroite d'une sorte d'esprit naturel ou de bon sens, qui est à la vérité le premier germe des talens et du génie, mais qui reste infécond, faute d'une culture et d'une application convenables.

Parmi cette foule d'hommes simples et grossiers qui habitent les campagnes, combien il en est qui eussent

été des Raphaël, des Puget, des Racine, des Voltaire, des Newton, des Turenne, etc., s'ils avoient reçu une éducation convenable; et qui peut douter que les grands hommes que je viens de nommer n'eussent été d'obscurs villageois, si, comme eux, ils fussent nés et eussent passé leur vie à la campagne. C'est donc en grande partie aux circonstances heureuses où le hasard de la naissance et de la fortune les a placés, à l'excellente éducation qu'ils ont reçue de la part des hommes et des choses, à la force de tête, à l'énergie des passions, et à la vigueur de caractère qui en a été la suite, qu'ils ont dû leur supériorité. Que d'hommes sont restés médiocres ou nuls faute d'occasion et d'un théâtre assez étendu pour le développement de leurs talens! Qu'eût été notre illustre Bonaparte avant la révolution? On lui eût permis tout au plus d'être un excellent officier d'artillerie. Qui sait jusqu'à quel hauteur peut s'élever celui que sa position, de grands obstacles à vaincre, de grandes choses à faire, l'ambition de ne pas paroître au-dessous de sa place, l'amour de la gloire, etc., force de recourir aux plus grands efforts, à un développement total de ses forces? Que de gens long-tems regardés comme obscurs, se montrent tout-à-coup dans une révolution des hommes extraordinaires !

Tout s'apprend, c'est l'exercice et l'habitude qui font le maçon, le charpentier, le tisserand, l'horloger, etc., et toute cette classe précieuse d'individus, qui, livrés aux arts mécaniques et chargés de satisfaire à nos premiers besoins, sont les premiers fondemens des sociétés : ce sont des habitudes plus suivics, plus étendues, qui forment le musicien, le

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dessinateur, le peintre, le sculpteur, l'architecte l'ingénieur, etc.; enfin, ce sont des habitudes encore plus compliquées, qui font l'habile marin, le grand guerrier, le grand administrateur, le ministre ou l'homme d'état, et le profond législateur.

Si donc l'on ne peut se flatter de détruire entièrement la différence naturelle ou l'inégalité primitive des esprits, (car il paroît que dans le moral comme dans le physique la nature à la rigueur ne fait rien d'égal), l'on peut certainement beaucoup la dimi`nuer: il ne dépend guère plus de nous que les esprits ne soient, à certains égards, aussi semblables, et sous beaucoup de rapports, aussi différens que le sont les visages et les corps; mais il dépend de nous d'empêcher qu'il y ait tant d'ignorans, de mauvais raisonneurs, d'esprit faux, de mauvaises têtes, de mauvais cœurs et de petites ames; comme nous serions les maîtres d'empêcher, par un bon régime physique, qu'il y ait tant de corps foibles, rachitiques, languissans et contrefaits, parce que les défauts du corps, comme ceux de l'esprit, sont presque toujours le résultat des mauvaises habitudes, d'une mauvaise nourriture et d'une éducation vicieuse,

Un habile gouvernement peut certainement faire naître en tout genre des hommes de talent et de génie, pour cela il n'a qu'à le vouloir: qu'après avoir fixé les moyens les plus propres à former le corps, l'esprit et le cœur, il charge de les mettre en pratique des hommes distingués par leur sagesse et leurs lumières; qu'il veille en même-tems à ce que l'éducation domestique ou celle des parens soit, autant que possible, conforme à l'éducation publique, et l'une et l'autre à la

raison, (car ce sont-là trois puissances qui doivent agir ensemble et se favoriser, au lieu de se nuire et de s'entredétruire par une action contraire, comme cela n'arrive que trop souvent); qu'il sache (ce qui lui est toujours très-facile, puisqu'il tient en ses mains tous les ressorts, tous les moyens d'action sur les ames) faire naître et entretenir parmi tous les citoyens unė grande et noble émulation par l'attrait des récompenses, des prix, des honneurs, de la gloire et des plaisirs, comme par la crainte des châtimens, de la honte et du mépris; en un mot, par les jugemens d'une excellente opinion publique qui peut être elle-même son ouvrage alors la principale tâche du législateur et du gouvernement sera remplie, et toutes les lois s'ap pliqueront d'elles-mêmes à des hommes déjà prépa rés par un régime et des institutions convenables, å les recevoir, à les aimer, à les exécuter et à les dé

fendre.

Je n'insisterai pas ici sur un objet qui doit être traité plus à fond dans la seconde Partie de cet ouvrage, où j'espère achever de mettre dans tout son jour cette grande vérité : Des sens et des habitudes, voilà tout l'homme; vérité qui devroit rester gravée dans la tète des législateurs, des instituteurs et des pères de famille, et être écrite en lettres d'or sur le frontispice de toutes les écoles publiques.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

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ERRAT A.

DISCOURS préliminaire, pag. xxj, ligne 14, au lieu de gens censés,
lisez gens sensés.

Pag. 22 de l'ouvrage, lig. 12, au lieu de et se transportant, lisez et
qu'en se transportant.

Pag. 23, lig. 3, au lieu de la conformation, lisez sa conformation.
Pag. 26, lig. 4, au lieu de les sensations, lisez ses sensations,
Pag. 30, lig. 6, au lieu de et des, lisez et de.

Pag. 31, lig. 29, au lieu de ne peut être guérie, lisez ne peut',
dit-on, être guérie.

Pag. 33, lig. y et 10, au lieu de les odeurs, dont, etc. lisez les odeurs,
les saveurs, dont, etc.

Pag. 41, lig. 28, au lieu de s'accroîtra, lisez s'accroîtront.

Pag. 75, lig. 8 et 9, au lieu de un corps sensible, lisez le corps hu-

main.

Pag. 95, lig. 13, au lieu de infinie, lisez infini.

Pag. 106, lig. 24 et 25, au lieu de à la IV. Section offrant l'analyse
des langues, etc. lisez à l'analyse des langues, etc.

Pag. 120, 1. ligne, au lieu de Fsa force, lisez Fsa force, ou
Qsa quantité de mouvement.

Même page, lig. 16, au lieu de cette quantité, lisez toute quantité.
Pag. 189, dernier alinea, au lieu de generatum, lisez generatim.
Pag. 208, lig. 16 et 18, au lieu de l'homme, placé sur un globe, errant
dans l'espace, lisez l'homme placé sur un globe errant dans l'es-

pace.

etc.

Pag. 229, lig. 30, au lieu de sous les traits, etc. lisez tous les traits,
Pag. 286, lig. 6, au lieu de deux et quatre, lisez douze et quatre.
Pag. 295,lig. 14, au lieu de rapport toutes, lisez rapport de toutes.
Pag. 300, lig. 25, au lieu de l'analyse rigoureux, lisez l'analyse
rigoureuse.

Pag. 309, dernier alinea, au lieu de 4o. enfin la théorie, lisez 4°. enfin
l'histoire et la théorie, etc.

Pag. 318, lig. 5, au lieu de la gloire, lisez sa gloire.

Pag. 395, lig. 12, au lieu de lègue, lisez légué.

Pag. 426, ligne première, de l'Italien, lisez des Italiens.

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