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PRÉFACE.

E soumets à l'examen de l'Institut Na tional, des Sociétés savantes de l'Europe, des amis de la vraie philosophie, de la raison et de la vérité, un ouvrage com posé durant quelques mois, et en grande partie parmi les occupations péniblesd'un service qui s'étendoit à vingt départemens, et qui exigeoit de ma part, outre une correspondance fort active, un déplacement presque continuel.

Je dois au hasard et à ma position ambulante, la première idée de cette production. Mes fonctions m'ayant appelé à Paris dans le courant de l'an 5, le programme des prix de l'Institut National tomba entre mes mains, et je fus frappé de la question suivante : Déterminer l'influence des signes sur la formation des idées. Elle me parut susceptible d'un grand et beau développement je jetai sur-lechamp un assez grand nombre d'idées sur le papier, et profitant, pour les mettre en Tome I.

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ordre, de quelques momens de loisir, j'en formai à la hâte un mémoire d'environ 250 pages in-8°. ayant pour épigraphe : Felix qui potuit rerum cognoscere causas, et présenté au concours dans le mois de messidor, an 5, sous le n°. 9.

J'ai jugé, par le rapport qui a eu lieu dans la séance publique de l'Institut, du 15 nivôse an 6, et par la mention honorable du mémoire précité, qu'il avoit obtenu, sinon sinon pour la forme, au moins pour le fonds, les suffrages de mes juges, dont quelques-uns vouloient même lui décerner le prix au surplus, l'on peut voir sur cet objet l'opinion de la commission chargée de juger les mémoires, dans le rapport fait en son nom, par le citoyen Garat. Les encouragemens, les éloges qu'il renferme, étoient sans doute la récompense la plus flatteuse que l'Institut pût m'offrir; mais, loin de m'éblouir, elle n'a fait que m'inspirer une sage défiance de mes forces; elle m'a tout au plus fait éprouver plus vivement le besoin de mériter l'estime des

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vrais savans et du public pensant; et en leur offrant un ouvrage résultant de nouveaux efforts de ma part, les mettre à même de juger si, et jusqu'à quel point le mémoire précité dont il est le développement, étoit digne des éloges du rapporteur et de ses collègues. Au reste, je dois déjà beaucoup de reconnoissance à l'Institut, puisqu'en n'offrant l'occasion de résoudre plusieurs problèmes de la plus haute importance, en tournant mon penchant et mes facultés vers l'honorable et paisible carrière des sciences, et m'imposant, en quelque sorte, l'obligation de lui offrir un ouvrage qui ne fût point indigne de fixer l'attention de la première société savante de l'Europe, il a déterminé le meilleur emploi de mes loisirs et le principal bonheur de ma vie.

Mais, quoique j'aie mis dans la composition de cet écrit, tout le zèle, l'attention, les efforts, et sur-tout cet amour de la vérité qu'impose le respect que se doit à lui-même, et que doit à des juges aussi

intègres que distingués, l'homme qui leur soumet ses idées, je sens néanmoins combien il est loin du degré de perfection qu'il pourra recevoir un jour. C'est un premier jet de l'intelligence et de l'imagination qui a besoin encore d'être retouché, parce que c'est le début d'un jeune homme je l'ai composé rapidement et presqu'en entier sans avoir près de moi les livres qui auroient pu m'aider ou me servir de guide, (je n'avois pas même le dictionnaire de ma langue); mais quoique pour l'instant je n'aie ni le loisir, ni le courage de rien faire de mieux, je me détermine à le publier, persuadé qu'il peut faire naître quelques idées heureuses dans un moment où

l'on songe songe à organiser et à mettre en vigueur l'instruction publique, et qu'il ne sera point inutile à quiconque veut conduire sûrement et promptement son esprit dans l'étude des sciences, ainsi qu'aux hommes chargés par état de les enseigner; d'un autre côté, à mesure que je m'occuperai des traités partiels dont l'ensemble doit

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composer la suite de cet ouvrage, ou mon Cours d'études analytique et élémentaire, je sentirai mieux les changemens, les améliorations dont il est susceptible, et je les ferai.

Quant au style, je me suis écarté le moins que j'ai pu de cette devise: Simplicité, clarté, laconisme, sans néanmoins négliger de joindre, autant qu'il m'a été possible, à la justesse et à la profondeur des pensées, une certaine noblesse d'images, quand le sujet m'en a paru susceptible, afin de prévenir le dégoût qui naît de la sécheresse et de la monotonie, presqu'inséparables des matières philosophiques; et si par fois j'ai paru m'éloigner du but en me livrant à quelques digressions passagères, j'ai cru qu'elles étoient pardonnables dans un sujet qui, quoique fécond et très-étendu, ne laisse pas d'être fatigant et rebutant par l'extrême difficulté d'analyser avec précision nos idées et leurs signes, les opérations de l'esprit et les facultés intellectuelles.

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