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d'abord ce que l'on a fait, et dit ensuite comment on peut mieux faire; développant les diverses manières de faire une chose, les différens moyens d'obtenir un résultat, d'arriver à un but, elle démêle et saisit les plus simples, les plus prompts, les meilleurs; parmi cette foule de combinaisons dont est susceptible en tout genre un nombre déterminé d'élémens elle assigne les plus avantageuses : elle montre l'art de lire, d'écrire, de parler, de penser, de s'instruire, de composer, de découvrir la vérité, et de l'enseigner aux autres; elle ne se borne pas à remonter à l'origine des vérités, elle développe encore les sources, par malheur trop nombreuses, de nos préjugés et de nos erreurs en un mot, elle donne la règle et la théorie de tout.

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C'est elle qui préside à la création, à la réforme ou au perfectionnement des méthodes scientifiques; qui, reprenant nos idées jusque dans leur naissance, nous en fait voir l'origine, la liaison, les progrès, et montre comment, en isolant, en réunissant, comparant et combinant ces matériaux primitifs, on donne naissance à toutes sortes d'idées abstraites de notions complexes; enfin, à toutes les opérations, productions, habitudes et facultés intellectuelles et morales, comme à toutes les branches des sciences, dont on peut dire qu'elle est et la mère et la reine.

En remontant à la génération des habitudes

du corps, de l'esprit et du cœur, elle fait voir comment le caractère, le moral ou l'âme de chaque individu est en grande partie le résultat nécessaire de leur formation; et donnant des règles pour les former avec précision, elle pose ainsi les fondemens de l'instruction publique de l'éducation, de la morale et de la législation; sciences qui ne peuvent reposer que sur une analyse exacte des facultés de l'homme.

Non-seulement elle offre l'histoire philosophique des arts mécaniques; elle cherche encore dans les arts libéraux (la musique, la peinture, la sculpture, la poésie, etc.) ce qui constitue le beau, et fixe les règles du bon goût, en faisant voir pourquoi et comment une chose nous plaît ou doit nous plaire dans chacun d'eux : comme dans les sciences elle analyse la raison et la vérité, en analysant les sensations, les idées, le jugement et le raisonnement qui leur donnent naissance; en montrant pourquoi et comment l'on juge, l'on raisonne, l'on parle, l'on écrit, l'on s'exprime avec précision; comment enfin, en maniant toujours avec exactitude une langue exacte ou bien faite l'on ne quitte jamais la ligne de l'évidence, de la certitude et du vrai.

Ses limites.

Après nous avoir montré la génération et les élémens de toutes nos connoissances, ceux de nos facultés et leur développement général,

tant dans les individus que dans les sociétés résultantes de leur réunion, elle nous en montre aussi les bornes; elle nous dit: voilà d'où vous êtes parti, voilà ce que vous avez fait, voilà ce qui vous reste à faire, et voici le terme dont vous pourrez de plus en plus vous approcher, mais que vous ne dépasserez jamais; vous cesserez d'inventer, de faire des découvertes, dès l'instant où vous n'aurez plus de nouvelles observations à faire ou à vérifier, de nouvelles combinaisons d'idées simples à former, comme, vous cesserez de raisonner dès l'instant où vous voudrez faire autre chose que ce que peut faire l'esprit humain, c'est-à-dire, recevoir, conserver et combiner des idées sensibles, ou analyser des idées abstraites et composées, épier la nature par l'observation, mesurer ses forces par le calcul, et les plier à votre usage par les arts.

Tel est le point de vue aussi vaste qu'intéressant, sous lequel on doit, ce me semble, envisager la vraie métaphysique ou l'analyse universelle (car pour moi ces deux expressions sont synonymes); tel est aussi celui sous lequel je l'envisage ici, en me bornant, toutefois, à développer les lois de l'intelligence et de la volonté dans l'homme, et l'art d'exprimer avec précision le système général de nos idées par un système correspondant de signes élémentaires et de convention combinés entr'eux d'une manière analogue aux combinaisons de l'esprit,

ce qui fait qu'en analysant des mots on analyse des idées, et réciproquement.

Pour cela j'ai divisé, comme l'on voit ici, mon travail en cinq sections ou en trois par ties principales (car les trois premières sections relatives au développement de la force ou faculté pensante, peuvent être regardées comme la première partie de l'ouvrage, dont la quatrième et la cinquième section forment les deux autres.)

PREMIÈRE

SECTION.

DANS la première, je jette un coup-d'œil général sur les corps sensibles; je fais l'énumération de nos sens, j'examine la génération des sensations transmises à nous par l'action des objets énvironnans sur nos organes; par-là je connois les idées naissantes sans le secours des opérations de l'esprit et l'intermède d'aucun signe artificiel; je m'assure de ce que l'homme doit à la nature et à ses sens, dans l'acquisition de ses premières connoissances, dont je donne le tableau en raccourci.

Après avoir analysé les sensations provenantes des organes extérieurs, je passe à celles naissantes des deux principaux organes intérieurs; le cerveau, considéré comme le sens dés idées, et le cœur, envisagé comme celui des sentimens moraux je passe ensuite de l'être organisé et recevant des sensations, à l'être matériel qui les produit; je fixe les idées

qu'il faut attacher à ce mot, la matière, en montrant les deux grands points de vue sous lesquels on peut l'envisager, et séparant par une ligne de démarcation précise les propriétés des corps sensibles, d'avec celles des corps bruts et insensibles (au moins de ce qu'on est convenu d'appeler ainsi ) : par-là je donne un moyen de tarir une des principales sources de disputes et d'erreurs. Enfin, je divise le système de nos idées primitives (celles qui nous sont données par la nature et forment les premiers élémens de nos connoissances) en deux grandes classes, formées l'une de parties immesurables (1), telles que les odeurs, les saveurs, les

(1) L'analogie m'oblige d'employer ce mot, parce qu'il n'en existe point dans notre langue qui pût rendre mon idée: celui qui en approche le plus est le terme incommen-. surable; mais il s'en faut bien qu'il ait la même signification: la diagonale et le côté d'un carré, la circonférence et le rayon d'un cercle, sont incommensurables, c'est-à-dire', que l'on ne peut assigner deux nombres exprimant exactement leur rapport géométrique: mais chacune de ces quantités formée par la répétition d'élémens homogènes, est mesurable; de même les surfaces et les solides sont en géométrie des quantités mesurables, mais incommensurables, parce que formées d'élémens hétérogènes, elles ne sauroient avoir de mesure commune; mais on ne peut pas dire qu'un son soit engendré par la réunion d'autres sons de même qualité, qu'un plaisir résulte d'un assemblage de plaisirs de même nature, comme un nombre résulte d'un assemblage d'unités; on ne connoît point les élémens du rouge, du jaune, bleu, du doux, de l'amer; on ne peut pas dire que deux tons de la gamme se contiennent un certain nombre de fois :

du

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