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en 1852, de même qu'en 1804, la protestation de l'héritier de Hugues Capet est envoyée au Moniteur, où elle paraît le 15 novembre 1852 précédée de ces lignes :

«Des efforts considérables et des manoeuvres de toute nature sont tentés pour répandre dans le peuple, au moment du vote solennel auquel il est appelé, les protestations des partis. Le gouvernement n'a pas d'intérêt à s'opposer à leur publication, il veut les faire connaître lui-même ; car, dans ce grand mouvement national qui pousse la France au rétablissement de l'empire, il faut que l'opinion du peuple soit éclairée, et que sa volonté, manifestée sans contrainte, soit l'expression de sa conviction.»

Aujourd'hui, qui est-ce qui parle du manifeste de Frohsdorf? qui est-ce qui y pense?

M. le comte de Chambord, ne devant être qu'imparfaitement écouté, n'eût-il pas mieux fait de garder le silence les 27 avril et 25 octobre 1852? En se taisant, il n'eût point constaté son impuissance. C'est là une vérité qui ne trouverait pas dans toute la France un seul contradicteur de bonne foi. Or, ce qui est vrai pour un de ces manifestes, qui ont été tirés à plus de cinq cent mille exemplaires, est également vrai pour tous. Ainsi que nous l'avions prévu, ils ont été plus profitables que préjudiciables au vote contre lequel ils étaient dirigés.

Cette éclatante démonstration, qui vient compléter et confirmer celle non moins éclatante du 10 décembre 1848, sera-t-elle aussi vaine? Après cette double et victorieuse épreuve, continuera-t-on encore de se défier de la publicité et de la restreindre?

Que peut redouter du droit de tout dire celui qui a la volonté de bien faire ?

Contre le DROIT DE TOUT DIRE et le DROIT DE VOTER PARTOUT, que pourra-t-on objecter désormais?

IV.

17 novembre 1852.

Après la protestation de M. le comte de Chambord, que nous avons publiée d'après le Moniteur, il n'est pas sans

intérêt de rappeler celle du comte de Lille (Louis XVIII) que l'empereur Napoléon fit publier au Moniteur du 1er juillet 1804. La voici avec la note qui la précédait dans le journal officiel :

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« Voici les propre, expressions de l'étrange protestation du comte de Lille contre tout ce qui se fait ou s'est fait en France depuis la réunion des États-Généraux :

« Protestation du comte de Lille.

"Varsovie, ce 6 juin 1804.

"En prenant le titre d'EMPEREUR, en voulant le rendre héréditaire dans sa famille, Bonaparte vient de mettre le sceau à son usurpation. Ce nouvel acte d'une révolution où tout, dès l'origine, a été nul, ne peut sans doute infirmer mes droits. Mais, comptable de ma conduite à tous les souverains, dont les droits ne sont pas moins lésés que les miens, et dont les trônes sont tous ébranlés par les principes dangereux que le Sénat de Paris a osé mettre en avant; comptable à la France, à ma famille, à mon propre honneur, je croirais trahir la cause commune en gardant le silence en cette occasion.

"Je déclare done (après avoir, au besoin, renouvelé mes protestations contre tous les actes illégaux qui, depuis l'ouverture des États-Généraux de France, ont amené la crise effrayante dans laquelle se trouvent et la France et l'Europe, je déclare, en présence de tous les souverains, que, loin de reconnaître le titre impérial que BONAPARTE vient de se faire déférer par un corps qui n'a pas même d'existence légitime, je proteste et contre ce titre, et contre tous les actes subséquents auxquels il pourrait donner lieu. »

Nous pouvons, sans nous aventurer beaucoup, prédire le même sort aux deux protestations à la protestation du

6 juin 1804 et à la protestation du 25 octobre 1852.

1852.

AVEUX TARDIFS.

22 décembre 1852.

L'Union et l'Assemblée nationale marchaient, en 1849, au premier rang des journaux qui invoquaient chaque jour l'intervention de l'État pour la restriction de la liberté de la presse, voulant impatiemment qu'il la réglât par la loi et ne voulant pas attendre patiemment qu'elle se réglât par l'usage.

L'Union fait cet aveu :

« Ce rôle ingrat et pénible qui pèse à notre indépendance est un de nos devoirs; nous apprenons à nous y habituer, et nous savons que, chez une nation comme la nôtre, la pensée du lecteur seconde et achève celle de l'écrivain. »

Eh bien ! voilà donc ce que l'État a gagné à faire, contre la liberté de la presse, lois sur lois. Il y a gagné de pervertir le lecteur en le transformant de juge en complice. Ne valait-il pas mieux qu'il ne devînt pas complice et qu'il restat juge?

L'expérience acquise ne comptera-t-elle donc jamais pour rien en France? N'avait-il pas été démontré, avec tout l'éclat de l'évidence, que la seule année où M. de Salvandy ait exercé de l'influence sur l'esprit public, ce fut sous le règne de la Restauration et sous le régime de la censure, alors que les fameuses brochures de l'auteur d'Alonzo ne se composaient que de pages blanches, ce qui permettait de les trans

former en agenda? Infâme liberté! Le jour où la censure tomba, et où M. de Salvandy put écrire tout ce qu'il voulut, il ne se trouva plus personne qui voulût lire ce qu'il écrivit. Aussi M. de Salvandy, rapporteur des lois de septembre; at-il gardé rancune à la liberté de ce détestable tour qu'elle lui joua.

L'Assemblée nationale fait cet autre aveu:

« L'intention d'injurier et l'expression injurieuse ne suffisent pas pour constituer l'offense, il faut y joindre encore, de la part de l'offenseur, cette autorité que peut seule donner la dignité du caractère. M. de Falloux disait fort justement et fort ingénieusement que l'injure est soumise à la même loi que les corps physiques, qu'elle n'acquiert de gravité qu'en proportion de la hauteur d'où elle tombe. »

Ce que disait M. de Falloux, c'est ce que nous pensons. Mais entre lui et nous il y a cette différence : c'est qu'inconséquent avec son principe érigé en axiome, il a voté toutes les lois contraires à la vraie loi de la presse, tandis que, plus conséquent que lui, nous les avons constamment combattues en septembre 1835, alors qu'au lendemain de l'attentat Fieschi, elles avaient pour auteurs MM. de Broglie, Guizot et Thiers; en août 1848, alors qu'elles avaient pour promoteurs MM. Cavaignac, Sénard et Marie; en juillet 1849, alors qu'elles avaient pour continuateurs MM. Odilon Barrot, Léon Faucher et de Falloux.

Si l'injure est, en effet, soumise à la même loi que les corps physiques; si elle n'acquiert de gravité qu'en proportion de la hauteur d'où elle tombe, alors à quoi bon des lois contre l'injure?

De vos actions qui infirment vos paroles ou de vos paroles qui condamnent vos actions. lesquelles faut-il croire?

1853.

LA LIBERTÉ DE CONSOMMATION.

1er janvier 1853.

Le Constitutionnel a obtenu la liberté de circulation sur les routes, il a obtenu l'abolition des ponts à bascule; le Journal des Débats sera-t-il aussi heureux et parviendra-til à obtenir la liberté de circulation entre peuples, obtiendra-t-il l'abaissement des douanes? M. Michel Chevalier adresse au Journal des Débats une longue lettre dont le passage suivant est extrait :

a Sous l'Empire, le blé et la viande ne payaient aucun droit de douanes. Aujourd'hui, le blé est soumis au réglement restrictif dit de l'échelle mobile, qui, sans aucun profit pour le cultivateur, gêne extrêmement notre industrie meunière, si avancée, porte un grand préjudice à notre navigation, et qui a surtout l'énorme défaut, aujourd'hui bien constaté, que, en cas de mauvaise récolte, il agit comme l'auxiliaire de la famine. La viande est soumise à des taxes exorbitantes, et, par une disposition inhumaine, la viande salée, qui est à l'usage du pauvre, paye le double de la viande sur pied. Sous l'Empire, la laine, qui est si lourdement grevée au jourd'hui, entrait pareillement en franchise.

» Sous l'Empire, la fonte en gueuse était aussi exempte de droits; elle paye aujourd'hui 77 fr. par 1,000 kilog., quand elle est de la provenance la plus recherchée du consommateur, la plus nécessaire à nos ateliers de fonderies. L'acier forme la partie vive de tous les outils; sous l'Empire, l'acier fondu, le meilleur de tous les aciers, était tarifé à 99 fr. les 1,000 kilog.; il l'est aujourd'hui à 1,320 fr., plus de treize fois autant. Le fer en barres l'était à 44 fr.; il l'est présentement, quand il est de la qualité la plus employée, à 206 fr. Le dommage que l'on cause à l'industrie française par la hausse factice qui résulte, pour le fer, l'acier et la fonte, de ces dispositions du tarif, est incalculable.

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