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de la loi et le sentiment de la justice rendent la résistance des amis de l'ordre et de la vraie liberté tout aussi forte que pourrait l'être l'attaque des anarchistes. »

De M. de Broglie:

« Ce droit de compter soi-même et de mesurer son obéissance sur la justice et la raison, ce droit de vivre et d'en être digne, c'est notre patrimoine à tous; c'est l'apanage de l'homme qui est sorti libre et intelligent des mains de son créateur. C'est parce qu'il existe imprescriptible, inexpugnable au dedans de chacun de nous, qu'il existe collectivement dans les sociétés; l'honneur de notre espèce en dépend. »

De M. Cousin:

« Le droit naturel repose sur un seul principe, qui est la sainteté de la liberté de l'homme. Le droit naturel, dans ses applications aux diverses relations des hommes entre eux et à tous les actes de la vie sociale, contient et engendre le droit civil. Comme en réalité le seul sujet du droit civil est l'être libre, le principe qui domine le droit civil tout entier est le respect de la liberté ; le respect de la liberté s'appelle la justice. La justice confère à chacun le droit de faire tout ce qu'il veut, sous cette réserve que l'exercice de ce droit ne porte aucune atteinte à l'exercice du droit d'autrui. L'homme qui, pour exercer sa liberté, violerait celle d'un autre, manquant ainsi à la loi même de la liberté, se rendrait coupable. C'est toujours envers la liberté qu'il est obligé, que cette liberté soit la sienne ou celle d'un autre. Tant que l'homme use de sa liberté sans nuire à la liberté de son semblable, il est en paix avec lui-même et avec les autres. Mais aussitôt qu'il entreprend sur des libertés égales à la sienne, il les trouble et les déshonore, il se trouble et se déshonore lui-même, car il porte atteinte au principe même qui fait son honneur et qui est son titre au respect des autres. Une loi de l'ordre éternel attache la misère au crime, et le bonheur ou du moins la paix à la vertu. La paix est le fruit naturel de la justice, du respect que les hommes se portent ou doivent se porter les uns aux autres, à ce titre qu'ils sont tous égaux, c'est-à-dire qu'ils sont tous libres. La société est le développement régulier, le commerce paisible de toutes les libertés sous la protection de leurs droits réciproques. La société n'est pas l'œuvre des hommes, c'est l'œuvre même de la nature des choses. Il y a une société naturelle et légitime, dont toutes nos sociétés ne sont que des copies plus ou moins imparfaites. A cette société correspond un gouvernement tout aussi naturel, tout aussi légitime envers lequel nous sommes obligés, qui nous défend et que nous devons défendre, et en qui nous avons le devoir de placer et de soutenir la force nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Mais la force qui peut servir peut nuire aussi. L'art social n'est autre chose que l'art d'organiser le gouvernement de manière à ce qu'il puisse toujours veiller efficacement à la défense des institutions protectrices de la liberté, sans jamais pou

voir tourner contre ces institutions la force qui lui a été confiée pour les maintenir. D

De M. Rossi:

« La liberté fait promptement oublier, par ses bienfaits et par la vive impulsion qu'elle donne à la puissance humaine, tout ce qu'elle nous a coûté d'efforts et de sacrifices. >>

Mais il faut s'entendre sur le mot LIBERTÉ!

Eh bien! nous l'entendons comme l'entendait Siéyès, la définissant ainsi dans la Déclaration des droits du 22 juillet 1789:

« Celui-là est libre qui a l'assurance de n'être point inquiété dans l'exercice de sa propriété personnelle ni dans l'usage de sa propriété réelle. Ainsi, tout citoyen a le droit de rester, d'aller, de penser, de parler, d'écrire, d'imprimer, de publier, de travailler, de produire, de garder, de transporter, d'échanger et de consommer. »>

Nous ne demandons rien de plus; mais nous ne voulons rien de moins.

Ce que nous demandons en juillet 1852, c'est ce qui était demandé en juillet 1789 il y a soixante-trois ans !

II.

17 juillet 1852.

Le mot d'ordre donné sur toute la ligne henriquinquiste est de paraître s'occuper du peuple. Le peuple compte donc pour quelque chose? Oh! la veille beaucoup, le lendemain. peu. Peine perdue, messieurs, si vous espérez que le peuple français fera jamais une révolution pour ramener une royauté. L'Union prend son ton le plus patelin, c'est M. de Riancey qui tient la plume, pour s'apitoyer en ces termes sur les grèves d'ouvriers:

« Les grèves d'ouvriers se multiplient depuis quelques semaines, et chaque jour nous annonce qu'il en a éclaté quelqu'une dans un nouveau département. Ce symptôme est grave, et il convient de s'y arrêter, car il dénote un malaise sérieux dans les classes laborieuses, et il peut finir par

altérer l'ordre et la sécurité publique. C'est là, pour les hommes politiques, un sujet de préoccupations considérables. Est-ce un état normal, satisfaisant, juste, que celui d'une société où de telles crises sont à craindre et reviennent presque périodiquement? N'y a-t-il rien autre chose à faire, pour y remédier, que d'appeler la force armée et d'ouvrir les prisons? Et si ces mesures de rigueur deviennent nécessaires, si la conscience publique les exige au lendemain du désordre et de la violence, ne serait-il pas mille fois plus désirable de pouvoir prévenir le mal que d'avoir à le réprimer? »

Avant M. Henri de Riancey, M. Berryer, plaidant en 1845 pour les ouvriers charpentiers, s'était exprimé en ces termes aux applaudissements redoublés de l'auditoire:

<< Comment! quand tout participe autour de vous au progrès qui, depuis dix ans, a, pour ainsi dire, transformé la société; quand vous agrandissez tous les jours votre capitale; quand les rues étroites disparaissent pour faire place à des voies luxueuses et magnifiques ; quand la prospérité étend partout ses ailes; quand une force mystérieuse double les facultés de tous, la fortune de tous, le bien-être du pays! Quand le prix des subsistances augmente; quand l'embellissement continuel des maisons produit nécessairement l'augmentation des loyers; quand l'ouvrier ne peut plus se loger à des prix minimes; quand il est obligé de prendre sa part de ce mouvement général, d'en profiter, mais aussi de le subir, de payer ses habitations, ses aliments, ses vêtements plus cher, vous ne voulez pas qu'il trouve son salaire actuel insuffisant, et qu'il réclame... quoi?... une misérable augmentation de 10 c. pour ses sueurs par chaque heure de travail! (Profonde sensation.) Et, à côté de cela, vous représentez-vous toutes les misères sociales? J'ai voté avec la Chambre des députés un crédit pour l'émancipation des noirs; mais ne savez-vous pas que nos ouvriers blancs sont beaucoup moins heureux que les noirs dont on a réglé l'émancipation? Et, en vérité, je comprends qu'on ait parlé d'enrôler des prolétaires français pour les substituer aux noirs, puisque les assimiler à ces derniers, c'est leur donner une existence supérieure à celle qu'ils trouvent en France. (Mouvement.) Quand le génie de mon pays lui fait créer tant de prodiges, quand la vapeur s'apprête à sillonner la France en tous sens, quand les efforts de la mécanique se multiplient, quand l'âme de la patrie s'en va, pour ainsi dire, féconder toutes les bran. ches du commerce, de la science et de l'industrie, en communiquant à toutes les veines sociales une circulation immense; quand de magnifiques monuments s'élèvent de toutes parts, vous ne voudriez pas que ces braves ouvriers, sans lesquels toutes ces grandes choses dont vous jouissez ne se feraient point, recueillent à leur tour le fruit de leurs travaux, participent au progrès qu'ils ont réalisé, aient l'espoir d'être plus heureux, eux aussi?...Vous ne voudriez pas qu'au lieu de 5 fr. ils en gagnassent 6,

et même 7!... (Mouvement prolongé.) Eh! messieurs, c'est la loi du progrès. Tout cela est légitime, désirable. Mais pourquoi vous êtes-vous attachés exclusivement aux honnêtes charpentiers que vous avez sous les yeux? Il fallait nous dire ce qui se passe en dehors de cette audience. Les compagnons qui sont ici sont... décents, c'est vrai; mais allez donc, ô messieurs, allez dans ces bouges affreux où tant de misérables gémissent sans pain, sans habit, sans paillasse...; allez visiter le pauvre peuple dans tous ces réduits, et vous nous direz ensuite s'il est trop heureux. (Vive émotion dans l'auditoire.) »

Eh bien! depuis 1845, qu'a-t-on fait pour établir dans sa vérité rigoureuse le rapport nécessaire entre la valeur et le prix du travail? On a fait des phrases retentissantes comme celles de M. Berryer et creuses comme celles de M. de Riancey.

L'UNITÉ.

16 juillet 1852.

L'unité d'impôt amènera, par la suppression des octrois, l'unité de salaire et plus tard l'unité d'intérêt.

L'unité, sous toutes les formes et en tous lieux, tend à se faire et à devenir universalité.

Unité de Dieu.

Unité de droit.

Unité de justice.

Unité de jurisprudence.

Unité de langue.

Unité de méridien.

Unité de rails.

Unité de poids et mesures.

Unité d'impôt.

Unité de salaire.

Unité d'intérêt.

Unité de collége électoral.

Unité d'administration publique.

Ainsi le veut la science, cette économie du temps, cet art d'accroître indirectement la vie humaine, inventé par l'homme impuissant à l'accroître directement.

Le premier et le plus grand des progrès fut l'unité de Dieu, célébrée en ces termes par Châteaubriand:

« Le concile de Nicée a fait ces choses immenses; il a proclamé l'unité

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