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III.

Nous venons d'écrire : POINT DE PROSCRIPTIONS.

Maintenant écrivons : POINT DE CONJURATIONS.

S'il était vrai qu'il y eût encore des insensés ou des traîtres qui méditassent une échauffourée qui serait plus qu'une folie, qui serait un crime, car elie étendrait la solidarité de sa tentative jusqu'à ceux qui y seraient restés le plus complétement étrangers et qui l'auraient le plus sévèrement blâmée, que ces insensés ou ces traîtres le sachent, la dé– mocratie, qui représente la liberté dont ils ont déjà tant de fois compromis la cause, les désavoue et les flétrit!

Elle les appelle, non ses soldats, mais ses ennemis; elle ne verrait en eux que les agents soldés des partis déchus!

L'EMPIRE.

I.

1er mai 1952.

La présidence de la République pour dix ans, voilà ce que l'on se contentait de demander, il y a peu de mois; maintenant l'on demande que le titre de Président de la République disparaisse, pour faire place au titre d'Empereur des Français. Dans cette voie on ne s'arrête pas, on ne pourra pas s'arrêter; dès qu'on aura l'ombre, on voudra, on devra vouloir la proie.

II.

2 mai 1952.

Constatons le silence absolu que gardent le Constitutionnel, le Pays, le Siècle, le Journal des Débats, l'Assemblée nationale, l'Union et la Gazette de France sur les provocations réitérées et passionnées de journaux auxquels il ne suffit pas d'une prorogation de la présidence de la République de mai 1852 à mai 1862, et d'une dotation annuelle de 1,800,000 fr. élevée à 12 millions.

Ces journaux demandent l'Empire; ils le veulent! Si l'on attend que l'Empire ait pris rang parini les faits accomplis,

il sera trop tard pour présenter aucune observation, et toute observation tardive aurait le caractère d'une agression personnelle. C'est donc maintenant qu'il faut que chacun dise franchement ce qu'il en pense. Se taire, c'est acquiescer par son silence, car c'est laisser monter sans opposition, sans protestation les voix bruyantes qui s'élèvent en faveur de l'Empire. Si ce n'est pas pour dire, à leurs risques et périls, ce qu'ils pensent, si ce n'est pas pour avertir, lorsqu'il en est temps encore, pourquoi donc les journaux continuent-ils de paraître? Où les postes sont vides on relève les sentinelles. Le lendemain du jour où l'Empire serait un fait accompli, si la France l'avait accepté, nous le considérerions comme tel et nous nous y soumettrions sans résistance; mais, jusque-là, nous regarderons comme un devoir impérieux de conscience et de prévoyance de jeter le cri d'avertissement de la sentinelle qui veille. Utile remarque à faire ceux qui conspirent ne discutent pas; ceux qui discutent ne conspirent pas.

La discussion est la seule arme que nous ayons jamais employée; nous l'appelons se battre à l'arme franche.

- Comment, après avoir tout dit pour empêcher qu'on ne proclame l'Empire, le lendemain du jour où l'Empire serait un fait accompli, un gouvernement de fait, vous l'accepteriez passivement! quelle inconséquence! Nous reprenons et nous répondons : C'est précisément parce que nous ȧurions dit en vain tout ce qu'il était possible de dire avant, qu'après nous accepterions ce que nous n'aurions pu empêcher. Contre un gouvernement qui a succédé à un autre plus ou moins légitimement, plus ou moins glorieusement, avec l'assentiment plus ou moins tacite ou plus ou moins formel d'une nation, qu'y a-t-il à faire? Trois choses, toutes trois parfaitement connues; or, de ces trois choses, il n'en est aucune à notre usage. Quand la discussion est close, notre droit est épuisé. Nous ne le poussons pas audelà. La violence nous paraît moins sûre que la patience. Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

III.

11 mai 1852.

Depuis que la remise des aigles à l'armée était annoncée et fixée au 10 mai, il ne s'était pas écoulé un seul jour où l'on n'eût affirmé, malgré les dénégations les plus formelles, que le 10 mai l'Empire serait proclamé, et qu'ainsi disparaîtrait sous l'Empire de fait la République de nom.

Ces affirmations ne se sont pas vérifiées; la République nominale existe encore.

Essaiera-t-on de dire que ce qui n'a pas eu lieu le 10 mai n'est que différé et ajourné au 15 août?

Pourquoi le 15 août plutôt que le 10 mai?

Est-ce vraisemblable?

Non; le plus sage est donc de s'en tenir au discours du 29 mars 1852, où il était dit: Conservons la République! Qu'il ne soit plus question de l'Empire.

IV.

15 mai 1852.

Le Pays explique ainsi POURQUoi l'empire n'est pas fait :

« L'Empire eût été proclamé il y a trois jours, qu'aurions-nous de plus? un empereur au lieu d'un président, un trône à la place d'un fauteuil! Voilà tout. Aurions-nous un pouvoir plus fort, une autorité plus concentrée, des institutions mieux réglées ? Non. Pourquoi donc l'Empire aurait-il été fait ? >>

Mais comment concilier ce passage parfaitement sensé avec le passage suivant du même article:

« L'Empire, s'il se fait un jour, ne peut sortir que du sentiment intime du pays. Il ne sera jamais un caprice ou une prétention; il sera une nécessité ou un résultat légitimé par la volonté nationale, qui légitime tout. A ce titre, il est permis de prévoir, d'annoncer, de désirer même une éven tualité qui est dans tous les esprits. Mais il n'est pas permis de devancer d'une minute l'heure de la Nécessité. »

Les deux passages où se trouvent ainsi oui et non sont signés A. de La Guéronnière.

Avant M. de La Guéronnière, l'empereur avait dit: Qu'estce que le trône? — Un morceau de bois recouvert d'un morceau de velours. Il avait ajouté :

« Ce que c'est pourtant qu'un trône et ses poisons; à peine y est-on assis qu'on en ressent la contagion. Les Brunswick, amenés par les idées libérales, élevés par la volonté du peuple, sont à peine assis, qu'ils ne recherchent que l'arbitraire et la toute-puissance; il leur faut absolument rouler dans l'ornière qui a fait culbuter leurs devanciers, et cela parce qu'ils sont devenus rois! De même, cette belle tige des Nassau, les patrons, en Europe, d'une noble indépendance, eux dont le libéralisme devait être dans le sang et jusque dans la moelle de leurs os; ces Nassau, enfin, qui ne sont qu'à la queue par leur territoire, et qui pourraient se placer à la tête par leurs doctrines, on vient de les asseoir sur un trône. Eh bien! vous les verrez infailliblement ne s'occuper que de se rendre ce qu'on appelle aujourd'hui légitimes; en prendre les principes, la marche, les travers, etc. Et moi-même, après tout, ne m'a-t-on pas fait le même reproche? Et peut-être n'est-ce pas sans quelque apparence de raison; car, enfin, peut-être bien des nuances se seront dérobées à moi-même. J'ai pourtant déclaré, dans une circonstance solennelle, qu'à mes yeux la souveraineté n'était point dans le titre, ni le trône dans l'appareil. » Quel fruit porteront ces mémorables paroles?

V.

27 mai 1852.

Si la Fusion se fait, l'Empire se fera; l'un sera la consé»quence de l'autre; et si l'Empire se fait, la Fusion ne » devra l'imputer qu'à elle-même. » Ainsi raisonne le Pays, sans prendre la peine d'examiner la question de savoir si précisément ce n'est pas sur cette conséquence, sur cette probabilité que la Fusion a compté et compte encore pour sortir du cercle étroit d'une réconciliation de famille, et donner à un acte privé la valeur et l'importance d'un concert politique.

C'est toujours un mauvais calcul que de supposer l'ineptie dans ses adversaires, et rarement l'on gagne à les rapetisser aux proportions d'un petit dédain.

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