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Entre 1250 et 1850 six siècles se sont écoulés. La France veut avancer et ne veut pas reculer, pas même de soixante ans.

Qui entreprendrait de la ramener en 1793, la ramènerait au despotisme du sabre par le terrorisme de la hache. Qui que vous soyez, qui adressez au Peuple des appels écrits en lettres de sang, que ce soit la police ou la persécution qui vous couvre, honte et mépris!

Fussiez-vous redoutables, je ne craindrais pas votre colère et je mettrais mon honneur à la braver.

Les sentiments d'indignation que j'exprime ici, seront ceux du Peuple que vous calomnicz; de ce Peuple victorieux qui ne s'est pas montré, en 1848, moins magnanime qu'en 1830, et qui, dût-il être encore une fois trompé au lendemain d'une quatrième révolution, n'hésiterait pas entre ces deux noms odieux ou généreux.

:

Les rois ne se défendent pas et se vengent; les peuples se défendent et ne se vengent pas.

C'est pourquoi finit l'ère des rois et commence l'ère des peuples.

Le Peuple, que l'on tente d'égarer, et que j'avertis, sait qu'il n'a plus qu'à attendre patjemment pour récolter à pleines mains la Liberté que la Réaction a semée.

Ce n'est pas lorsque la partie est presque entièrement gagnée qu'il risquera inconsidérément de la perdre.

Pourquoi anticiperait-il sur 1852 ?

Il a tout avantage à voir venir; il n'en aurait aucun à rien anticiper.

Il n'abrégerait pas ses souffrances et sa misère; il les aggraverait.

Il détournerait la responsabilité que les réactionnaires ont assumée sur eux, pour l'attirer sur sa propre tête.

Ce ne serait pas de l'impatience; ce serait de la démence. Aussi, j'en suis certain, le peuple restera-t-il imperturbable jusqu'en 1852; il ne sortirait du calme qui fait sa force que s'il avait à défendre la Constitution ouvertement violée, à relever la République renversée, à protéger l'Assemblée

législative menacée, ou à répondre à l'appel suprème que lui adresserait de la tribune nationale l'opposition parlementaire.

Ce qu'il faut que le peuple sache, c'est qu'il doit rester sourd à tout autre appel; s'il y avait un grand péril à affronter, un grand devoir à remplir, ce serait à ses représentants à lui en donner d'abord l'exemple.

Autrement, et s'il n'écoutait que son courage, il risquerait de tomber dans une embûche, et une émeute facilement réprimée pourrait lui faire perdre les fruits de trois révolutions.

Qu'il n'oublie pas qu'il est souverain, et qu'il ne s'expose point à changer cette position contre celle de vaincu.

Ce serait une irréparable faute, car il tient dans ses mains les destinées de l'Europe tout entière.

Voici l'infame provocation que je dénonce à l'indignation de tout ce qui veut, en France, l'affermissement de la République par la Liberté :

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>> Le moment est arrivé de reprendre le fusil et d'exterminer, d'un bout à l'autre de la France, les infâmes aristocrates que le 24 Février avait épargnés généreusement, et qui n'ont pas cessé de vous pressurer, de vous voler et de vous ruiner.

» L'insurrection est un droit qui appartient au peuple; c'est un droit qui vous rendra tous ceux qu'on vous a ravis; c'est le seul droit qui vous reste. Vous le savez, que chacun de vous se prépare.

>> Au premier son de TOCSIN, comptez sur le concours énergique de vos frères de Paris; de même qu'ils comptent sur votre concours si les circonstances leur faisaient prendre l'initiative.

» Soyons tous solidaires, et qu'au premier ébranlement tous se lèvent. » Mais, en attendant l'HEURE PROCHAINE de la justice populaire, écoutez un conseil et suivez-le, car il est bon:

Le peuple, en 1830 et en 1848, a fait grâce à tous les royalistes, et ces lâches suppôts du despotisme n'ont répondu à cette générosité que par des crimes plus atroces.

» Aujourd'hui, il n'y a plus de pardon possible; il n'en faut point, il ne doit point y en avoir.

» Tel doit être notre mot d'ordre, notre cri de ralliement, si nous

voulons que la révolution que nous préparons soit la dernière et nous apporte enfin le bien-être, l'aisance, la richesse, en un mot, le droit de jouir de notre travail.

» Frappez sans pitié; les traitres ne méritent aucune miséricorde. Tous ceux qui combattent la République sont des traîtres, et ceux qui s'abstiendront au moment du combat leurs lâches complices.

» Répondez à la résistance avec du plomb, du fer et du feu !!!

Pour que votre émancipation soit complète et votre bonheur durable, il faut que vos ennemis soient anéantis et disparaissent sous terre. Regardons autour de nous, et nous reconnaitrons les ennemis dont nous devons faire justice implacable; comptons-les, et, au grand jour, qu'ils tombent foudroyés.

» Frères, c'est au nom du salut de tous que nous vous adressons ce conseil. Songez d'ailleurs qu'en marchant à la conquête de la liberté, il serait dangereux de laisser dans vos communes cette race làche qui vous frapperait par derrière et immolerait vos femmes et vos enfants.

» Citoyens, si en Février la correction eût été complete, si la réaction n'eût pas profité de la magnanimité du peuple pour organiser la trahison, vous ne seriez pas obligés de prendre demain les armes pour reconquérir vos droits et votre liberté, et depuis longtemps la prospérité régnerait Sous la République démocratique et sociale.

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» LE COMITE CENTRAL DE RÉSISTANCE. »

Quels que soient les auteurs de l'odieuse proclamation qui porte le titre de DIXIÈME BULLETIN, ils auront manqué leur but, car aucun mouvement n'éclatera que s'il a été provoqué par une indéniable violation de la lettre de la Constitution.

Mais, dans ce cas, ce ne serait pas une insurrection, ce serait une révolution.

Révolution qui aurait lieu sur tous les points simultanément.

Le ministère le sait; il doit le savoir.

Aussi n'ouvrira-t-il pas les oreilles aux téméraires conseils du Constitutionnel qui propose de renverser la Constitution, sauf ensuite à s'en expliquer avec la France.

M. Véron croit que la France laisserait paisiblement faire! Il se trompe.

Pour allumer l'incendie, il suffirait d'une étincelle; malheur à qui la ferait jaillir!

II.

3 mai 1851.

Le préfet de police, nous l'en félicitons hautement, a tenu à prouver que son administration n'était pour rien dans la publication des odieux bulletins que nous avons dénoncés à l'indignation de la France; en conséquence, il a fait saisir dans une imprimerie clandestine située à Batignolles ou à Clichy le nouveau bulletin qu'on va lire :

« Citoyens,

AUX DÉPARTEMENTS.

» La République est en danger!

» En présence des menées des royalistes, en présence du travail souterrain des associations religieuses, en présence de l'insolent défi de Louis Napoléon et des préparatifs exterminateurs du pouvoir; en présence de la lâcheté criminelle d'une grande partie des commis du peuple; en présence de l'esclavage dans lequel est tombée la presse républicaine, en présence de la persécution qui pèse sur les démocrates, et du pacte de famine qui est juré et poursuivi avec acharnement contre les travailleurs :

» Peuple des ateliers, peuple des campagnes, que dois-tu faire? » Les uns te disent:

» Souffre tout jusqu'au bout et laisse passer.

» Les autres te disent:

» Prépare ta faux et ta carabine; le moment est venu de relever la tête ! » Lequel de ces deux conseils dois-tu suivre ?

» Attendre davantage, c'est tomber dans le piége que nous tendent nos ennemis, c'est leur donner le temps de nous forger de nouveaux fers, c'est laisser opérer la fusion, c'est laisser la démocratie s'épuiser dans le marasme et l'énervement.

» Non, non, plus d'attente! Assez de lâchetés et de trahisons!

Il est de ces jours de fête marqués par la Providence pour être aussi

des jours d'émancipation et de justice.

» Nous touchons à ce jour où, d'un bout de la France à l'autre, uneseule volonté doit nous unir, un seul cri doit être jeté.

>> Restitution immédiate des droits du peuple.

» Anéantissement complet de la loi liberticide du 31 mai.

» Que la voix du peuple se fasse donc entendre imposante et énergique dans chaque localité.

» Et qu'au cri universel de:

A bas la loi du 31 mai!

» Se mêle le cri de :

» Vive la République démocratique et sociale!

Salut et fraternité.

» LE COMITÉ CENTRAL DE RÉSISTANCE. »

III.

6 mai 1851.

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Le 29 avril, signalant à l'indignation de la France l'odieux bulletin qui demandait que 1851 comblât la lacune laissée en 1793, je posais la question dans des termes auxquels le préfet de police a répondu en ce qui le concernait, car il a fait arrêter ceux qui imprimaient les bulletins clandestins des comités ténébreux. La Voix du Proscrit, de son côté, fait la réponse suivante, qu'il importe de connaître :

1 Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous disons notre opinion sur la politique de la presse doctrinaire de Paris et de l'opposition parlementaire. Si le peuple a le malheur d'ajouter foi à ces prédications énervantes, nous aurons bientôt à gémir sur la ruine de la République; il est bon que tous les démocrates le saclient. Récemment, nous avons constaté avec bonheur * que le peuple pensait comme nous à cet égard, et qu'il était bien décidé à ne plus prendre conseil que de lui-même; nous ajoutions, sur la foi de nos correspondances, que les ateliers recevaient des enseignements plus révolutionnaires et plus conformes à la gravité des circonstances; nous faisions, pourquoi le cacher? allusion à des publications condamnées à se faire anonymes, dont on nous garantissait le bon esprit, mais dont nous ne connaissions ni le texte ni la source.

» Est-ce notre faute, à nous, si les entraves apportées à la liberté de la presse forcent les démocrates, qui ne veulent pas s'abandonner à une direction dangereuse, les forcent, disons-nous, à employer ces moyens clandestins?

>> En même temps que le Comité central de résistance, la réunion parlementaire présidée par M. Michel (de Bourges) a fait de son côté un appel au peuple, pour l'engager au calme, lui promettant de pousser le cri d'alarme et de marcher avec lui si la République était en danger.

» Nous ne ferons pas de récriminations, mais nous dirons au peuple qu'il n'a ni conseils ni direction à recevoir de ceux qui ont failli au

31 mai. Il fera son devoir, et saura bien choisir son jour et son heure,

sans attendre le signal de l'opposition parlementaire, car ce signal pourrait ne jamais venir. »

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