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1851.

UN MANIFESTE PSEUDONYME.

17 octobre 1851.

M. le général Changarnier met le temps à profit. Sa candidature est habilement posée dans un manifeste pseudonyme de trois colonnes expédié à la presse des départements.

Un manifeste pseudonyme, c'est fort habile, en effet, car cela dispense de toute modestie sans paraître en man

quer.

De ce manifeste, il ressort visiblement que le parti légitimiste est la base d'opérations du général Changarnier; qu'il compte sur le concours de tous les fusionnistes, et qu'il espère que, faute de toute autre candidature sérieuse, les orléanistes non de sentiment, mais de position, se rallieront à la sienne. Voici le dernier paragraphe de ce manifeste pseudonyme :

M. le général Changarnier a le sentiment de sa supériorité, ce sentiment inspire de l'ambition; mais elle n'est pas vulgaire comme chez la plupart des gens d'esprit de notre époque. Éclairé sur les dangers qui menacent la société, il se sent la force de la sauver; il aspire à l'honneur de jouer ce rôle. Noble ambition, digne d'un grand cœur. Mais, pour réussir, elle doit posséder la confiance du pays. Il a horreur des roueries el des intrigues. Le moment est venu, pour M. Changarnier, de dégager A situation de toutes les perfides manœuvres dans lesquelles on cherche ile compromettre. Il est le sabre, il ne faut pas qu'il soit le nœud. En

restant uniquement l'homme de la majorité, de la nation, en évitant des connivences funestes avec tous les agents de révolutions, M. le général Changarnier conservera cet ascendant qui, dans les jours d'une crise suprême, lui assurera le prestige et l'autorité nécessaires pour le salut de la France. »

Attendons le 9 mai 1852.

1851.

L'ABSENCE DU DROIT DE DISSOLUTION,

19 octobre 1851.

L'Assemblée nationale insiste sur l'article 68; elle veut absolument que le Président de la République prenne des ministres dans l'Assemblée législative, ou tout au moins qu'ils marchent d'accord avec la majorité.

Cette insistance est une finesse trop transparente pour que le président de la République s'y laisse prendre pour peu qu'il ouvre les yeux.

Si, dès le lendemain du 20 décembre 1848, le président de la République eût choisi ses ministres sans se préoccuper le moins du monde de la majorité parlementaire, et en se préoccupant exclusivement de l'administration du pays la plus prompte et la plus économique, non-seule ment il y eût gagné beancoup personnellement en saine popularité, mais la liberté n'y eût pas perdu tout ce que lui ont enlevé les lois qui ont suspendu l'exercice du droit de réunion, et garrotté la presse en tous sens.

La France, la liberté et le Président y eussent trouvé chacun leur compte, et les mots crise ministérielle eussent disparu du vocabulaire politique.

S'il plaît

aux docteurs en droit constitutionnel de l'As

semblée nationale de prolonger cette discussion, je les engage préalablement à examiner entre eux la différence

essentielle qui existe entre une forme de gouvernement où le chef du pouvoir exécutif peut en appeler de la majorité législative à la majorité électorale, et une forme de gouvernement où il n'a pas le droit de dissoudre l'Assemblée devant laquelle un ministère a succombé.

Dès qu'on va au fond des choses, on reconnaît qu'aucune parité n'existe entre ces deux formes de gouvernement.

L'absence du droit de dissolution dans la Constitution votée le 4 novembre 1848 est ce qui fait que si le président de la République veut retrouver sa route, il doit tourner les yeux non pas vers l'Angleterre, mais vers les États-Unis.

Aux États-Unis, les secrétaires d'État n'ont aucun rapport avec le Congrès; lorsque le Sénat et la Chambre des représentants ont besoin d'un renseignement ou d'un document, ils le demandent au président de la République, le président de la République le demande au ministère, le ministère l'envoie au président de la République, et le président de la République l'envoie au Sénat ou à la Chambre des représentants.

Ainsi le veut la logique.

En France, on veut marcher au rebours de la logique; aussi, voyez comment l'on marche..., à reculons et en tombant à chaque pas.

1851.

LA POLITIQUE ET LA SCIENCE.

22 octobre 1851.

La politique est au corps social ce que la fièvre est au corps humain.

C'est un mouvement déréglé qui atteste une souffrance ou une perturbation.

S'il n'y avait pas ou perturbation ou souffrance, la politique serait un mot qui ne signifierait plus que ce qu'il signifiait à son origine : administration de la ville.

La politique ne serait rien; la science serait tout.

Lorsqu'on jette les regards en arrière et qu'on fait le compte de tout le temps perdu à débattre des questions sans importance réelle, on ne peut se défendre de ressentir le plus profond mépris pour ce qu'on est convenu d'appeler de nos jours: LA POLITIQUE.

Ainsi, de 1831 à 1848, que de discours de tribune et que d'articles de journaux sur la question de savoir si l'on admettrait ou si l'on n'admettrait pas à voter comme électeurs ceux que la loi forçait à être jurés et à délibérer, en cette qualité, sur la fortune, l'honneur, la liberté et la vie de leurs pairs!

Ainsi, depuis un an, que de discours de tribune et que d'articles de journaux pour, contre et sur le suffrage universel, lorsque le suffrage universel n'aurait dû être que le point de départ immuable de la science appliquée.

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