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Une enquête est donc nécessaire.
Il faut que la lumière se fasse.

L'Assemblée nationale est saisie par une lettre de M. Sartin au président de l'Assemblée.

Oui ou non, les gendarmes sont-ils au dessus des représentants du peuple?

Oui ou non, le pouvoir exécutif est-il au-dessus du pɔuvoir législatif?

1851.

LE RÈGNE DE LA PUBLICITÉ.

9 octobre 1851.

Le Journal des Débats blame très sévèrement le général Pavia d'avoir livré à la publicité des lettres confidentielles (reservadas) que lui avaient écrites le maréchal Narvaez, alors président du conseil, lettres dans lesquelles le président du conseil, qui avait promis aux cortès que, dans un délai de quinze à vingt jours, Cabrera ne serait plus sur le sol catalan, pressait le général Pavia, qui commandait en chef la Catalogne, d'employer tous les moyens efficaces que le gouvernement avait mis dans ses mains pour atteindre ce but, afin que sa dépêche sur la destruction des bandes carlistes pût arriver à Madrid assez à temps pour prouver aux chambres que le maréchal Narvaez savait tenir ses promesses.

Livrer à la publicité une correspondance que la confiance a dictée, c'est là certes un abus qui s'aggrave encore de ce qu'il y a d'exceptionnel dans la position d'un ministre ; à cet égard, la conscience publique ne saurait se montrer trop sévère; mais si sur ce point nous sommes d'accord avec le Journal des Débats, il est un autre point sur lequel nous différons complétement d'avis. Le Journal des Débats érige en principe qu'il n'y aurait pas de gouvernement possible si tout devait se faire et se dire par les documents officiels, et si les chefs d'une grande administration ne pou

vaient pas compter sur la discrétion absolue des agents qu'ils choisissent eux-mêmes pour les aider dans leurs tra

vaux.

Notre principe est le principe opposé: nous croyons qu'il ne saurait plus y avoir de gouvernement possible que celui qui n'aura à demander le secret et à redouter la lumière pour aucun de ses actes.

Un gouvernement ne doit plus être que la conscience publique en actions ou en paroles.

La conscience publique doit être pure et transparente comme le cristal de roche, autrement les consciences privées seront troubles et opaques.

La publicité doit tout éclairer, tout rectifier, tout purifier.

Son règne est venu.

Le temps du mystère est fini.

Mais si la publicité doit être un régime, elle ne doit jamais être un piége.

M. le général Pavia a commis une faute qui restera sur sa vie comme une tache, mais cette faute doit être pour le général Narvaez un enseignement.

1851.

PESEZ LES VOTES ET NE LES COMPTEZ PLUS.

I.

7 octobre 1851.

Désormais on ne comptera plus les votes, on les pèsera. Telle est l'opinion qu'émet et que soutient aujourd'hui M. Adrien de La Valette.

Cet écrivain n'a pas encore trouvé le temps, depuis un mois, de me donner sa définition promise de la religion, la famille et la propriété; mais il a tout quitté pour accourir à la défense de la loi du 31 mai sérieusement en péril.

M. Adrien de La Valette avait dit de la loi du 31 mai qu'elle était une victoire.

Sur quoi et contre qui ? lui avais-je répondu.

Voici sa réplique certifiée véritable:

M. Eugène Sue était le candidat des révolutionnaires. Il réunit à Paris toutes les voix des socialistes, toutes les voix de leurs alliés. M. Leclaire étant resté le seul candidat du parti de l'ordre, il réunit les voix de tout ce qui était le plus considérable dans l'aristocratie et dans la bourgeoisie, dans la magistrature et dans l'armée, dans les sciences et dans les lettres, dans l'industrie et dans le commerce. Toute la presse modérée avait réuni ses efforts en faveur de cette candidature. M. Leclaire n'obtint que 118,000 voix, le candidat révolutionnaire en avait réuni 125,000. C'était là une preuve éclatante des vices de l'ancienne loi électorale; c'était là un péril qu'il fallait conjurer pour l'avenir. La France ne pouvait être pour toujours livrée à une semblable majorité. S'il n'était pas possible, dans

l'exercice du suffrage universel, de peser les votes au lieu de les compter, il fallait du moins déterminer les limites du suffrage, et écarter du serutin tous ceux qui ne justifiaient point, par une certaine durée de résidence, du droit de citoyen. Non, certes, tous ceux qui votèrent pour M. Sue n'avaient pas tous le même droit que les électeurs qui le même jour votèrent pour M. Leclaire. >>

La conséquence de cette opinion est claire: c'est que désormais il ne faudra plus compter les votes, il faudra les peser.

Mon contradicteur est marquis; il est aristocrate ct. modéré. Son vote pèsera comme dix; le mien pèsera

comme un.

Le vote du simple ouvrier domicilié pèsera comme un, mais le vote du bourgeois patenté pèsera comme cinq. Combien pèseront relativement le vote du magistrat, le vote de l'officier?

Voilà cependant à quels écarts de raisonnement conduit un principe qu'on fausse!

Êtes-vous bien sûr, monsieur, que si le 10 décembre 1848 l'on eût pesé les suffrages au lieu de les compter, ce n'eût pas été M. le général Cavaignac qui eût été l'élu ? Êtes-vous bien sûr que dans le chiffre de 1,448,302 voix données au président du conseil chargé du pouvoir exécutif, il ne se trouvait pas « tout ce qui était le plus considė– »rable dans l'aristocratie et dans la bourgeoisie, dans la » magistrature et dans l'armée ? »

Comment! parce que M. Leclaire n'avait obtenu que 118,000 voix, tandis que M. Sue avait eu 125,000 suffrages, c'était là un motif suffisant pour abattre d'un coup de faux législative 3,200,000 électeurs?

Comment! parce que des électeurs, mécontents des tendances réactionnaires du cabinet Baroche et de l'expédition de Rome, avaient voté pour le candidat de l'opposition, « c'était là une preuve éclatante des vices de l'ancienne loi » électorale; c'était là un péril qu'il fallait conjurer pour >> l'avenir! »

Lorsque la Majorité se prononce contre vous, au lieu d'y

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