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de la Valette d'appeler les barbares de l'intérieur? » L'Assemblée constituante issue du suffrage universel improvisé a-t-elle frappé la famille dans l'héritage, a-t-elle rayé du budget des cultes les quarante millions que prélève la religion, a-t-elle aboli les douanes, les octrois et toutes les taxes de consommation, afin de reporter exclusivement sur la propriété tout le poids des charges publiques créées à son profit et au détriment du travail ? L'Assemblée législative, également issue du suffrage universel, a-t-elle donné la majorité aux adversaires politiques des opinions dont M. Adrien de la Valette s'est constitué le champion?

Rien, absolument rien, pas le plus petit excès n'avait provoqué la présentation de la loi du 31 mai; rien, absolument rien n'en saurait donc justifier le vote. Aussi, je le reconnais, n'est-ce pas la faute de M. de la Valette s'il est obligé de rompre de phrase en phrase: il est des occasions où le courage ne peut suppléer la logique, où un peu de logique serait plus utile que beaucoup de courage.

Puisque je viens d'écrire ce mot: courage, j'ajouterai que M. Adrien de la Valette a eu parfaitement raison de penser qu'il n'y avait rien de personnel dans l'article auquel il a courtoisement répondu. Il y a entre nous deux un duel à outrance, mais c'est un duel entre le Passé, dont il porte la cocarde, et l'Avenir, dont je défends le drapeau. Entre M. de la Valette et moi, il ne saurait y avoir d'autre duel. Ce duel est une guerre. Nous sommes deux soldats. Nous combattons. Un moment nous avons été presque alliés : nous défendions l'un et l'autre la liberté. Mais, un jour, je me suis trouvé tout seul. M. de la Valette n'était plus à côté de moi; il était en face de moi. Je l'ai regretté. Le courage perd à se mettre au service de l'Arbitraire tout ce qu'il gagne à se vouer au service de la Liberté.

A plus d'une reprise, j'ai demandé à tous les écrivains de la presse réactionnaire de définir ce qu'ils entendaient par ces trois mots qui se trouvent incrustés dans chacune de leurs phrases: la religion, la famille, la propriétė. Ja– mais je n'ai pu obtenir le plus petit mot de réponse. Serai

je plus heureux en m'adressant à M. de la Valette que je ne l'ai été en m'adressant à M. de Cassagnac? Si on me demandait, à moi, ce que j'entends par l'éducation, la maternité et le travail, je le dirais tout de suite.

Le temps est venu où toute phrase qui n'aura pas un sens précis tombera au pied de l'examen comme tombe au pied de l'arbre le fruit pourri.

Laissons-donc là, je vous prie, ce que vous ne pouvez pas définir, ce que vous n'osez pas discuter.

Que parlez-vous de démolisseurs ?

Mais est-ce que, pour prolonger la rue de Rivoli, il ne faut pas commencer par démolir toutes les masures où suppura trop longtemps la misère, cette plaie purulente de la société ?

Mais est-ce que les grandes compagnies de chemins de fer n'ont pas démoli les relais de postes et les messageries? Mais est-ce que les savants métiers à tisser n'ont pas démoli les humbles rouets?

Mais est-ce que toute vérité qui pose ses fondements n'est pas une erreur qui tombe en ruines?

Mais est-ce que tout progrès n'est pas une démolition?
Que parlez-vous d'athées politiques?

N'être pas ou n'être plus idolâtre est-ce donc être athée ? Croyez, si vous le voulez, superstitieusement en l'infaillibilité du roi Bomba ou de l'empereur Joseph! Moi, je n'y crois pas. Comment, ayant des yeux pour regarder, y pourrais-je croire ?

Ceux que vous appelez « les barbares de l'intérieur, » et qui, à leur tour, seraient fondés à vous appeler, vous et les vôtres, les barbares du passé, ont sur vous ce double avantage la possession du gouvernement de droit et du gouvernement de fait.

Pour renverser le gouvernement de fait et de droit, il faut que vous l'attaquiez.

C'est là qu'ils vous attendent patiemment, sans crainte comme sans fanfaronnade.

Vous parlez de l'armée!

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Imprudence!

Mêler l'armée à vos projets contre la République, c'est insulter l'armée, car c'est supposer qu'elle trahira ses devoirs, en même temps qu'elle oublierait sa démocratique origine, et déserterait sa propre cause.

Ce qui égare votre plume, mon cher confrère, c'est que vous raisonnez toujours comme si la République n'existait plus et comme si la Royauté existait encore.

Aurais-je donc besoin de vous faire souvenir que la République existe encore et que la Royauté n'existe plus?

Vous persistez à affirmer que, « lorsque le temps sera » venu, les hommes d'ordre ne craindront pas de briser (je » copie vos expressions) les ficelles que j'appelle le câble de » la légalité. »

Puisque vous êtes si bien instruit de l'attaque que méditent les hommes d'ordre, ayez seulement l'obligeance de me prévenir la veille, afin qu'il ne manque à l'appel des défenseurs de la République et de la Liberté aucun de ceux qui, comme moi, aimeront mieux se faire tuer que de vivre sous le régime restauré des Barbares du passé.

1851.

A LA LOI OPPOSONS LA LOI!

"VIII. La République doit protéger le citoyen dans sa personne.

"Article 2. Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi.

" Article 3. La demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable; il n'est permis d'y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi.

» Article 4. Nul ne peut être distrait de ses juges naturels. Il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux militaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit. "

CONSTITUTION. 1848.

La liberté individuelle manque en France de la plus puissante de ses garanties: une loi sur la responsabilité des agents du pouvoir.

"Une arrestation faite aujourd'hui, par mesure de haute police, et sans mandat de l'autorité judiciaire, devrait être considérée comme illégale et donner lieu, contre ceux qui l'auraient faite ou ordonnée, aux peines portées par les articles 341 et suivants du code pénal. » CHABROL-CHAMEANE.

14 septembre 1851.

Le Constitutionnel publie un grand article sous ce titre : DÉNÉGATIONS En matière de cCOMPLOTS.

C'est une apologie du système d'arrestations préventives, qui procède par razzias et qui, sous prétexte de vigilance et de sûreté publique, consiste à arrêter à tort et à travers · des personnes par centaines, sauf ensuite à les relâcher plus ou moins lentement.

Ce système est odieux et il a été justement apprécié et

flétri.

Cet article exige une réponse.

Nous en chargeons M. de Chateaubriand et M. Louis-Napoléon Bonaparte.

A M. de Chateaubriand, le premier, la plume:

« Le 20 juin 1832, à quatre heures du matin, Baptiste, à mon service depuis longtemps, entre dans ma chambre, s'approche de mon lit, et me dit : « Monsieur, la cour est pleine d'hommes qui se sont placés à toutes

les portes, après avoir forcé Desbrosses à ouvrir la porte cochère, et » voilà trois messieurs qui veulent vous parler. » Comme il achevait ces mots, les messieurs entrent, et le chef, s'approchant très poliment de mon lit, me déclare qu'il a ordre de m'arrêter et de me mener à la Préfecture de police, Je lui demandai si le soleil était levé, ce qu'exigeait la loi, et s'il était porteur d'un ordre légal: il ne me répondit rien sur le soleil, mais il m'exhiba la signification suivante :

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Nous, conseiller d'Etat, préfet de police,

» Vu les renseignements à nous parvenus;

En vertu de l'article 10 du Code d'instruction criminelle;

Requérons le commissaire de police, ou autre en cas d'empêchement, » de se transporter chez M. le vicomte de Chateaubriand, et partout où besoin sera, prévenu de complot contre la sûreté de l'Etat, à l'effet d'y re>> chercher et saisir tous papiers, correspondances, écrits, contenant des » provocations à des crimes et délits contre la paix publique ou suscep» tibles d'examen, ainsi que tous les objets séditieux ou armes dont il se»rait détenteur. »

» Tandis que je lisais la déclaration du grand complot contre la sûreté de l'État, dont moi, chétif, j'étais prévenu, le capitaine des mouchards dit à ses subordonnés : « Messieurs, faites votre devoir!» Le devoir de ces messieurs était d'ouvrir toutes les armoires, de fouiller toutes les poches, de se saisir de tous papiers, lettres et documents, de lire iceux, si faire se pouvait, et de découvrir toutes armes, comme il appert aux termes du susdit mandat.

» Après lecture prise de la pièce, m'adressant au respectable chef de ces voleurs d'hommes et de libertés : « Vous savez, monsieur, que je ne recon>> nais point votre gouvernement, que je proteste contre la violence que >> vous me faites; mais comme je ne suis pas le plus fort et que je n'ai >>nulle envie de me colleter avec vous, je vais me lever et vous suivre ; » donnez-vous, je vous prie, la peine de vous asseoir. »

» Je m'habillai, et, sans rien prendre avec moi, je dis au vénérable commissaire « Monsieur, je suis à vos ordres; allons-nous à pied? Non, » monsieur, j'ai eu soin de vous amener un fiacre. - Vous avez bien de

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