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aux officiers qui le commandent. Voilà l'objet des conseils de guerre, bonne institution quand elle se renferme dans son cercle.

» Le conseil de guerre est composé d'hommes de conscience, d'hommes indépendants; n'ébranlez pas leur conscience, n'altérez pas leur indépendance.

» Il ne suffit pas à un brave officier, qui siégera dans un conseil de guerre, d'avoir la conviction qu'il parlera selon sa conscience et prononcera son jugement selon la vérité, il faut encore qu'il pense que ses concitoyens ont de lui cette opinion; mais quand vous demandez, pour avoir une justice plus prompte et plus sûre, de transporter le jugement des délits politiques au conseil deguerre, il est évident que vous faites penser tout le monde à la facilité que vous avez de pouvoir modifier les conseils de guerre, de pouvoir les composer d'hommes de votre choix ; que les membres qui siégent dans le conseil de guerre n'y ont été appelés par vous que parce qu'ils doivent obéir à votre volonté.

» Vous élevez dans la conscience publique un soupçon contre l'indépendance de braves militaires, vous gâtez cette salutaire institution, voilà le crime de la proposition que vous venez faire à la chambre! »

(Chambre des députés, 6 mars 1837.)

« M. DUPIN AINÉ: Presque toutes les atteintes qui, dans le cours des siècles, ont été portées à la législation criminelle, en vue de rendre les condamnations plus fortes, ont toujours été introduites dans la jurisprudence à l'occasion des délits politiques; c'est de là qu'ensuite elles ont débordé et qu'elles sont descendues dans le droit commun, pour faire, pendant de longs siècles, le malheur et la souffrance de l'humanité.

>> Dans l'origine, à Rome, on ne torturait que les esclaves, et la loi ne se manquait pas à elle-même, car elle ne mettait pas les esclaves au rang des personnes; elle les considérait comme des choses, comme un vil bétail.

» Tant que la première Constitution de Rome subsista, le respect pour l'homme libre fut tel, que jamais cette loi ne fut violée; mais lorsque vint le régime des empereurs, se mêlant au régime des prétoriens, alors vinrent les lois de lèse-majesté. Alors, pour la sûreté de ce prince timoré qui, ayant été élevé par l'épée, craignait à chaque instant d'être renversé par l'épée, des précautions furent prises, et l'ordre fut donné de torturer les hommes libres pour la sécurité de César.

>> Eh bien ! cela a débordé du droit politique dans le droit canonique. Si on torturait pour l'empereur, on devait torturer pour Dieu, et, du droit canonique, cela passa dans le droit civil, et on finit par torturer tous les accusés jusqu'en 1789.

>> En 1539, la France avait une jurisprudence criminelle assez généreuse, parce qu'elle avait emprunté ses formes à l'antiquité. Mais François Ier était despote; il cultivait les lettres et non pas la liberté. Il voulait la condamnation de l'amiral Chabot: il chargea Payet, son chancelier, de changer l'instruction criminelle. C'est ce qui fut fait par l'ordonnance de 1539. L'amiral fut condamné; mais, quelque temps après, le chancelier lui

même se vit faire son procès. Quand il n'était plus législateur, mais accusé, quand il s'indignait qu'on ne lui donnât que vingt-quatre heures pour être confronté avec les témoins et pour les récuser; quand il se trouva lié dans les étreintes que lui-même avait serrées contre les accusés, soumis à sa propre loi, il entendit ces paroles sévères de son juge instructeur : « Souffre la loi que toi-même as faite.

(Chambre des députés, 28 février 1837.)

Les dernières paroles de M. Dupin, je l'espère, retentiront aux oreilles et dans la conscience de tous ceux qui gémissent chaque jour sur l'instabilité des gouvernements.

IV.

22 novembre 1851.

On nous offirme que les trois condamnés à la peine de la déportation par le conseil de guerre de Lyon, MM. Gent. Longomazino et Ode, dont le pourvoi a été rejeté, arrivés à Paris, ont été dirigés sur Cherbourg, pour être embarqués et conduits à Noukahiva. On nous l'affirme, mais nous ne le croyons pas; nous refusons d'y croire.

1851.

LA RIGUEUR UNIVERSELLE.

4 septembre 1851.

Le temps où nous vivons n'est pas seulement celui des réactions imprudentes, c'est encore celui des rigueurs inutiles.

Tel est le besoin de faire de l'autorité qu'on ne se croirait pas gouvernement si l'on ne tourmentait pas ceux-ci après ceux-là.

Un nouveau réglement de M. le ministre de l'intérieur, et relatif à la maison pour dettes, prescrit ce qui suit :

Les visites à l'intérieur sont limitées aux mères, enfants, frères, sœurs et nièces des détenus, et sur justification par actes légaux. Tous alliés, amis et visiteurs sont exclus et ne peuvent être admis qu'au parloir, encore faut-il se pourvoir d'une permission de la préfecture de police.

Par cette mesure, on brise bien des affections, on prive les détenus de consolations dont ils ont besoin après des revers souvent cruels; on les frappe, d'ailleurs, sans droit, par un abus de pouvoir.

Le vin vieux, les mets qualifiés mets de luxe, les petits meubles tels que tableaux, glaces, etc., sont interdits.

Par ce réglement, exécuté suivant sa lettre et son esprit par le directeur de cette maison, le ministre de l'intérieur assimile presque le détenu pour dettes aux détenus pour

délits. Devant le droit, cette prétention est inique et ne saurait s'exercer envers des débiteurs malheureux qui ne sont soumis qu'à la privation de leur liberté. La loi est donc violée à leur égard.

Pourquoi ces rigueurs?
Pourquoi ces tracasseries?
A quoi bon?

A quel titre ?

Était-ce donc pour acquérir un jour le pouvoir de faire descendre le gouvernement de la France à de tels détails, que M. Léon Faucher a fait pendant dix années une opposition si acre et si passionnée, dans le Temps et dans le Courrier français, à MM. Duchâtel et de Montalivet, Molé et Guizot?

O journalisme de l'opposition, si de tes rangs ne devaient jamais sortir que de tels ministres, infidèles à tous les sentiments dont ils faisaient parade et marchandise, tu mériterais que l'absolutisme te condamnât à jamais au silence et au néant!

2

4851.

LES BARBARES DU PASSÉ.

11 septembre 1851.

Le fondateur et rédacteur en chef de l'Assemblée nationale ne tente pas même d'expliquer comment trois millions d'électeurs ont pu être supprimés par quatre cents élus ; comment, pour être admis à jeter un bulletin de vote dans l'urne électorale, il ne suffit pas d'avoir été obligé de tirer de l'urne militaire un numéro représentant le sacrifice des sept plus belles années de la vie; comment, pour être Français majeur, il ne suffit pas d'être né en France de parents français, et d'avoir vingt-un ans accomplis; comment il faut encore justifier de trois ans de domicile dans telle ville, tel quartier, telle rue; comment enfin les mandants irrévocables peuvent être révoqués par leurs mandataires révocables!

M. Adrien de la Valette tombe dans les lieux-communs <«< sur la propriété menacée par les barbares de l'intérieur, » que l'on excite à la révolte et au pillage en laissant dire » que « la propriété c'est le vol, » en publiant que le bien» être des populations est dans la liberté absolue. »

L'ouvrage où se trouve cette ligne : « La propriété c'est le vol,» avait paru plusieurs années, sans même être poursuivi, avant que s'accomplit la révolution du 24 février. Eh bien le lendemain de la révolution du 24 février, la propriété a-t-elle été attaquée par ceux qu'il plaît à M. Adrien

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