Page images
PDF
EPUB

>> Ce qui est non moins certain, c'est que le numéro du Constitutionnel du 9 août n'a pas été saisi, et que MM. Granier de Cassagnac et Denain n'ont pas même été inquiétés. » Cependant, le Constitutionnel, dans ce numéro, ne s'est pas borné à exciter à la haine et au mépris du gouvernement de la République, en le flétrissant dans sa double origine populaire et législative, et en prétendant avec affectation que la Constitution est l'œuvre de gens dont les uns sont dans les casemates de Belle-Isle, les autres dans les prisons de Doullens, ceux-ci en Angleterre, ceux-là en Suisse, et les mieux traités dans l'oubli; il a fait plus encore, il a attaqué ouvertement et directement la Constitution dans l'une de ses dispositions essentielles, et a fait par anticipation l'apologie du crime qualifié haute trahison par la loi pénale et prévu par l'article 68 de la Constitution.

» De plus, cet article est l'offense la plus grave à votre personne, car il renferme la supposition injurieuse à votre caractère que vous pourriez oublier le serment solennel qui vous lie, et que vous avez prêté le 20 décembre 1848 en ces termes :

« En présence de Dieu et du peuple français, représenté par l'Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m'impose la Constitution. »>

» Si j'insiste, ainsi que je le fais, monsieur le président de la République, ce n'est pas, croyez-le, que je tienne à ce que MM. Proudhon, Nefftzer, Charles Hugo, Jourdan, Robin, Forcade, Sarrans, Coq, etc, etc., aient pour compagnons de captivité MM. Granier de Cassagnac et Denain; non; le mobile qui me fait agir est d'une nature plus élevée; ce que je poursuis, sur les traces du Constitutionnel, c'est la justice politique, prise en flagrant délit d'inégalité.

» De justice politique, il ne devrait plus y en avoir d'autre que le suffrage universel.

» Ce fut longtemps votre opinion; comment avez-vous pu l'abandonner, monsieur le président de la République, vous

qui avez été l'élu de cinq millions et demi de Français après avoir été le Condamné de la cour des pairs à l'emprisonnement perpétuel dans une forteresse située sur le territoire continental de la France ?

» Je termine et je conclus par ces mots:

» Pour unique prix du concours que je vous ai prêté et de ma caution que vous avez invoquée, j'ai demandé depuis trois ans, en toute occasion et sous toutes les formes, sans l'obtenir, la Liberté absolue; je demande, aujourd'hui, la Justice absolue; est-ce donc encore trop demander?

» Puis-je demander moins?

» ÉMILE DE GIRARDIN,

» Représentant du Peuple. »

1851.

LES BRAVES DE LA VEILLE ET DU LENDEMAIN.

13 août 1851.

L'Assemblée nationale provoque l'Opposition en langage superbe ; je demanderai à l'Assemblée nationale, dirigée par MM. Guizot, Duchâtel, Salvandy, où étaient le 24 février : M. Guizot,

M. Duchâtel,

M. de Salvandy,

M. le général Trézel,

M. de Montebello,

M. Jayr,

M. Dumon,

M. Cunin-Gridaine,

M. Hébert?

Lorsqu'on est doué de tant de courage, on ne se cache pas, on ne se sauve pas, on ne déserte pas sa cause, on n'abandonne pas son drapeau : on se retranche dans la concience de son droit, et, s'il le faut, on se fait tuer.

J'invite l'Assemblée nationale à baisser le ton.

Ce ton ne lui sied pas.

Il n'est ni convenable ni prudent; car si 1848 n'est pas loin, 1852 est moins loin encore.

OU S'ARRÊTERA-T-ON?

I.

Nous sommes bien loin de 1848!

14 août 1851.

Les grands hommes de la réaction, étourdis, effrayés par la révolution qui avait si facilement renversé le gouvernement de 1830, opposèrent le drapeau de la liberté, de l'indépendance individuelle, du respect de la propriété, aux tendances communistes, despotiques, parfois absurdes, d'une imperceptible minorité du parti républicain; ils furent habiles et ils parvinrent, avec un bonheur inouï, à reconquérir le pouvoir.

Maîtres du pouvoir, ils ont frappé toutes nos libertés avec hypocrisie d'abord, avec fureur plus tard. Aucune liberté n'a échappé aux coups redoublés de la réaction.

L'expérience sera complète.

Voici deux nouveaux exploits de la réaction.

M. Beaume, imprimeur à Toulon (Var), a vendu, pour 6,000 fr., son matériel d'imprimerie à M. Beaumé, avec promesse par lui faite de faire transmettre à M. Beaumé son brevet d'imprimeur. En attendant l'accomplissement de cette promesse, M. Beaumé, ouvrier intelligent et laborieux, a dirigé, en qualité de gérant, l'imprimerie de M. Beaume,

et, sous la responsabilité de celui-ci, comme il avait déjà dirigé de fait et pendant six ans l'imprimerie de M. Aurel, rédacteur du Toulonnais. On a laissé M. Beaumé libre de vivre, en travaillant, pendant dix mois, malgré la prospérité de son établissement; malheureusement pour M. Beaumé, il a osé, sous la République, publier un journal républicain : la Démocratie du Var. Il n'a pas tardé à apprendre que, sous la présidence du 10 décembre 1848, il n'est pas sans péril d'être républicain, et de travailler ostensiblement pour la défense de la République. L'administration s'est empressée de lui intenter un procès: M. Beaumé est aujourd'hui sous l'inculpation d'imprimerie clandestine.

D'imprimerie clandestine !

Et voici ce qu'on lit dans une consultation de M. Charles Bessat, avocat et membre du conseil général du Var :

• Aucun imprimé n'est sorti desdites presses sans qu'au préalable la déclaration et le dépôt voulus par la loi de 1814 n'eussent été faits. Le sieur Beaumé est en possession de tous les récépissés, au nombre de 47, émanés de M. le préfet du Var, qui, au von de la loi, a transmis l'un des exemplaires au dépôt général de la librairie, à Paris, et a visé ainsi, à 47 reprises différentes, le directeur général de cette administration. »>

Dans la même consultation se trouve un récépissé du préfet du Var confirmant ce qui précède :

PRÉFECTURE DU DÉPARTEMENT DU VAR.

[merged small][ocr errors][merged small]

« Le préfet du Var certifie avoir reçu de M. Beaumé, imprimeur à Toulon, une déclaration, en date du 8 août 1850, portant qu'il est dans l'intention d'imprimer à exemplaires, pour le compte

» Draguignan, le 14 août 1850.

>> Le préfet :

Le conseiller de préfecture secrétaire-général,

» Signé : NOYON. »

Voilà comment l'on comprend et l'on protége la liberté du travail, formellement consacrée par la Constitution! Jusqu'où ira-t-on? où s'arrêtera-t-on ?

« PreviousContinue »